Né le 22 juin 1950 à Strasbourg, Jean-Marie Bockel est juriste de formation. Son père, résistant et homme politique, a vécu à Oran dans les années 1940 où il a exercé la profession de notaire.
Membre du Parti socialiste, proche de Jean-Pierre Chevènement, il exerce dans le gouvernement Fabius (1984-86) des responsabilités ministérielles. De tendance sociale libérale, il prend acte, en 2007, de l’impossibilité de rénover le Parti socialiste de l’intérieur et rejoint la politique d’ouverture prônée par Nicolas Sarkozy. Il est nommé secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie. Il s’est alors intéressé à l’Afrique, à son devenir et à son destin. Il organise à l’automne 2016 un colloque dont le titre est significatif : « L’Afrique est notre avenir ». C’est à ce titre que nous sommes allés à la rencontre de cet homme affable, courtois et chaleureux qui prend très au sérieux ses responsabilités et pèse, avant de se prononcer, chacun de ses mots1.
Reporters : En quoi l’Afrique est-elle selon vous un enjeu majeur pour la France et plus généralement pour l’Europe ?
Jean-Marie Bockel : L’Afrique est notre voisinage immédiat, il y a une proximité géographique, évidente sans parler de la longue histoire, de ses vicissitudes et de ses soubresauts. Aujourd’hui, on voit bien que nous sommes, d’une certaine manière, à la croisée des chemins. L’Afrique est un continent de paradoxes avec une croissante économique continue même si elle est très inégale, mais en définitive le continent africain, malgré l’image négative qu’il continue à charrier dans le monde, est en croissance. C’est donc nécessairement un partenaire économique, plus peut-être qu’un partenaire de coopération ou d’aide, même si à l’évidence cette dimension de solidarité reste présente. C’est aussi un continent confronté à des défis majeurs qui, du reste, sont pour beaucoup d’entre eux nos propres défis, d’où l’importance de cette relation pour l’avenir. Parmi ces défis, il faut citer la démographie. Si nous faisons une projection sur une trentaine d’années, nous obtenons une Afrique à plus de 2 milliards d’habitants. Plus concrètement, une jeunesse africaine qui arrive sur le marché du travail sans qu’une éducation « basique » lui ait été dispensée. C’est, en tout cas, ce que l’on peut réellement constater, de nos jours, dans nombre de pays africains. Il y a par conséquent une incapacité en tout cas de l’Afrique malgré la croissance économique à fournir des services fondamentaux et du travail à cette population et notamment à cette jeunesse pour de multiples raisons. La démographie augmente si vite que parfois ces pays n’arrivent pas à suivre. Il y a aussi des raisons de gouvernance que nous avons évoquées pendant les travaux du colloque et puis évidemment la conséquence, ce sont des flux migratoires qu’on imagine massifs ; ils sont déjà très importants aujourd’hui, liés qu’ils sont aux conflits, à la pauvreté, à la recherche d’un Eldorado et on imagine que, dans les temps prochains, ce mouvement migratoire risque de s’amplifier davantage. C’est donc un problème de l’Afrique parce que l’essentiel des flux, se passe à l’intérieur de l’Afrique, mais c’est aussi un problème qui nous touche, - je passe sur les enjeux climatiques, de guerre et de paix etc - ; et donc, ça veut dire que pour l’Europe, voisine de quelques kilomètres par Gibraltar ou de quelques centaines de kilomètres par la mer, évidemment le devenir de l’Afrique, c’est un péril, qui est d’ailleurs perçu par les populations européennes à travers le drame des réfugiés, à travers une problématique d’immigration, mal maîtrisée avec tout ce que ça peut avoir comme conséquence sur une Europe un peu en panne souvent sur le plan économique notamment, mais c’est aussi des opportunités. On peut aussi imaginer, le pire n’est jamais certain, que si on arrivait ensemble à relever un tant soit peu certains de ces défis, cela signifierait davantage d’échanges économiques, d’expertise, de transferts, d’échanges de savoirs, d’intelligence universitaire, de recherches, etc. parce que la jeunesse africaine a aussi ce potentiel. Il ne faudrait pas qu’en France on soit les derniers à l’apprendre. Certains continents, américain et autre, y puisent déjà ; il y aussi les défis de l’économie, du développement et même le défi de la paix qui sont à relever. Des pays comme la France sont présents militairement aux côtés de l’Afrique. Je dis souvent que la sécurité de l’Afrique doit être, dans une génération, assurée par l’Afrique elle-même. Il suffit d’en avoir la volonté, car les moyens existent et ça c’est aussi des enjeux de part et d’autre. Nos destins sont donc liés ; si on est pour l’Afrique sur le scénario catastrophe où tous les risques se réalisent, c’est aussi une catastrophe pour l’Europe voisine. On n’y échappera pas : on pourrait élever des murailles de vingt mètres de haut, ce serait en vain. Mais si ensemble on jouait « la carte » du continent porteur d’avenir, à ce moment-là, ça pourrait ouvrir pour tous de très belles opportunités.
Vous avez parlé de la jeunesse, de l’emploi. Sachant que 50% de la population africaine a moins de 25 ans, se donne-t-on vraiment les moyens de relever les défis que vous venez d’évoquer, à commencer par les Africains eux-mêmes ?
cloture sommetNous vivons en effet à une époque de responsabilité partagée. On a chacun notre part de responsabilité. Et le discours post-colonial est une litanie qui, en l’occurrence, tourne un peu à vide, alors que les décennies passent. Certains pays africains l’ont assez compris pour tourner le dos à cette démarche simplement de demande et de rejet sur les autres de ses propres responsabilités. Certes aucun pays n’est parfait, mais vous avez des pays comme le Ghana ou même le Rwanda, qui ne sont pas forcément des pays qui ont une attitude sympathique par rapport à la France ou à la Belgique, mais en attendant ce sont des pays qui ont su trouver les voies du développement. Il en est d’autres qui cumulent les contrastes entre des éléments de stagnation et des éléments de décollage ou de redémarrage. Il y a une Afrique qui a compris que son avenir, c’est sa propre affaire, c’est à elle d’en tracer les voies, que son destin c’est d’abord elle-même. Et à la base, forcément ce sont des éléments de gouvernance qui donnent le ton, le défi démographique peut avoir aussi un lien avec la dimension religieuse, des tabous ou des interdits, mais autrefois ces obstacles existaient partout, il y a des pays qui ont su par un mélange de volontarisme, de développement économique, d’évolution du niveau de vie des populations, par l’éducation parvenir à une démographie plus maîtrisée. Ce n’est donc pas hors de portée, ce n’est pas une fatalité que l’Afrique ne réussisse jamais à maîtriser sa démographie. Ce qui se passe au Niger, n’est pas une fatalité, il faut à un moment donné des dirigeants lucides, responsables. Ce sont là des enjeux qui dépendent d’abord de l’Afrique, y compris les enjeux de santé publique, etc. Les enjeux économiques et l’éducation aussi. Ce n’est pas propre à l’Afrique, mais dans ce continent, c’est devenu un sujet important. Les méfaits de la corruption à tous les étages, à un moment donné, on peut estimer qu’on peut en sortir ; il y a des pays même en Afrique où la corruption est devenue marginale. Donc ce sont là des sujets qui ne vont pas venir de l’extérieur ; après quoi, on est tous responsables, ça veut dire que nous aussi, les partenaires français, on a notre part de responsabilité et qu’au demeurant une des choses que j’ai aussi dites dans mon rapport sur l’Afrique, on ne doit pas simplement se situer dans une démarche de réparation des erreurs commises ou de compassion ou de solidarité (beau mot !), mais aussi dans une démarche d’intérêts, pour les raisons géopolitiques que je viens d’évoquer, mais aussi pour des raisons économiques, pour des raisons de préservation de notre propre paix, on a intérêt à ce que ça se passe bien. À partir du moment où il y a un intérêt partagé et où chacun accomplit sa part du travail, mais la part prépondérante au sens de dignité doit venir de l’Afrique. Il faut donc que le ton soit donné par l’Afrique, l’Afrique ce sont les États mais c’est aussi les organisations régionales ou sous-régionales ; c’est l’Organisation de l’Unité africaine. Mais actuellement, il faut l’avouer, un certain nombre d’organisations nées dans la grande période progressiste après la colonisation peinent à trouver leur place. On pourrait dans un autre contexte déplacer le curseur et parler de la Ligue arabe, il se trouve que j’étais avec Gérard Larcher2 au Caire, il y a une quinzaine de jours, nous y avons rencontré le nouveau secrétaire de la ligue arabe, un homme tout à fait remarquable, mais c’est vrai que la Ligue arabe n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était encore il y a vingt ou trente ans et qu’on ne saurait en attendre ce qu’on pouvait en espérer pendant ladite période. Il se peut qu’un jour les choses repartent, ce n’est pas la faute du monde entier, c’est en partie la faute des pays qui la composent. Je mets beaucoup d’espoir dans le devenir de l’Union africaine, mais je désespère de ce qu’elle est aujourd’hui par rapport à ce qu’elle pourrait être. On pourrait prendre le cas de la sécurité, que je connais mieux peut-être, que d’autres domaines, celui de la santé ou d’autres. Au fond, on sait bien que par rapport à il y a vingt ou trente ans, nombre de pays, je parle de l’Afrique sub-saharienne, ont désinvesti leurs armées nationales, souvent volontairement parce que le dirigeant, parfois un militaire qui avait pris le pouvoir par un coup d’Etat voulait affaiblir cet outil, souvent pour de mauvaises raisons, ce sont des armées qui, c’est typique au Mali, sont devenues incapables, à l’exception d’un ou de deux bataillons, d’assurer leurs missions. Ce n’est pas inscrit dans les gènes de l’Afrique qu’il ne puisse pas y avoir d’armées africaines, même dans un contexte pacifique, dignes de ce nom. Quelques milliers de soldats correctement entraînés - et les partenariats à cet effet ne manquent pas -, suffisent et c’est autre chose que d’en appeler aux forces de l’ONU avec les limites de ce genre d’exercice. Je l’ai vu quand j’étais secrétaire d’Etat à la Défense ; je suis allé à Addis-Abeba à un sommet de l’Organisation de l’Unité africaine, j’y étais reçu d’ailleurs par Jean Ping3 sur ces questions de coopération militaire avec tout un dispositif pré-positionné africain en partenariat avec des forces européennes ou autres qui existe sur le papier ; mais les sous-régions ou l’Union africaine ne se sont plus vraiment investies depuis longtemps sur ces questions. En fin de compte, il y a un système de sécurité qui ne fonctionne pas et on attend uniquement l’intercession du monde extérieur, ça doit et ça peut changer, il suffit qu’à un moment donné, il y ait une volonté politique.
Membre du Parti socialiste, proche de Jean-Pierre Chevènement, il exerce dans le gouvernement Fabius (1984-86) des responsabilités ministérielles. De tendance sociale libérale, il prend acte, en 2007, de l’impossibilité de rénover le Parti socialiste de l’intérieur et rejoint la politique d’ouverture prônée par Nicolas Sarkozy. Il est nommé secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie. Il s’est alors intéressé à l’Afrique, à son devenir et à son destin. Il organise à l’automne 2016 un colloque dont le titre est significatif : « L’Afrique est notre avenir ». C’est à ce titre que nous sommes allés à la rencontre de cet homme affable, courtois et chaleureux qui prend très au sérieux ses responsabilités et pèse, avant de se prononcer, chacun de ses mots1.
Reporters : En quoi l’Afrique est-elle selon vous un enjeu majeur pour la France et plus généralement pour l’Europe ?
Jean-Marie Bockel : L’Afrique est notre voisinage immédiat, il y a une proximité géographique, évidente sans parler de la longue histoire, de ses vicissitudes et de ses soubresauts. Aujourd’hui, on voit bien que nous sommes, d’une certaine manière, à la croisée des chemins. L’Afrique est un continent de paradoxes avec une croissante économique continue même si elle est très inégale, mais en définitive le continent africain, malgré l’image négative qu’il continue à charrier dans le monde, est en croissance. C’est donc nécessairement un partenaire économique, plus peut-être qu’un partenaire de coopération ou d’aide, même si à l’évidence cette dimension de solidarité reste présente. C’est aussi un continent confronté à des défis majeurs qui, du reste, sont pour beaucoup d’entre eux nos propres défis, d’où l’importance de cette relation pour l’avenir. Parmi ces défis, il faut citer la démographie. Si nous faisons une projection sur une trentaine d’années, nous obtenons une Afrique à plus de 2 milliards d’habitants. Plus concrètement, une jeunesse africaine qui arrive sur le marché du travail sans qu’une éducation « basique » lui ait été dispensée. C’est, en tout cas, ce que l’on peut réellement constater, de nos jours, dans nombre de pays africains. Il y a par conséquent une incapacité en tout cas de l’Afrique malgré la croissance économique à fournir des services fondamentaux et du travail à cette population et notamment à cette jeunesse pour de multiples raisons. La démographie augmente si vite que parfois ces pays n’arrivent pas à suivre. Il y a aussi des raisons de gouvernance que nous avons évoquées pendant les travaux du colloque et puis évidemment la conséquence, ce sont des flux migratoires qu’on imagine massifs ; ils sont déjà très importants aujourd’hui, liés qu’ils sont aux conflits, à la pauvreté, à la recherche d’un Eldorado et on imagine que, dans les temps prochains, ce mouvement migratoire risque de s’amplifier davantage. C’est donc un problème de l’Afrique parce que l’essentiel des flux, se passe à l’intérieur de l’Afrique, mais c’est aussi un problème qui nous touche, - je passe sur les enjeux climatiques, de guerre et de paix etc - ; et donc, ça veut dire que pour l’Europe, voisine de quelques kilomètres par Gibraltar ou de quelques centaines de kilomètres par la mer, évidemment le devenir de l’Afrique, c’est un péril, qui est d’ailleurs perçu par les populations européennes à travers le drame des réfugiés, à travers une problématique d’immigration, mal maîtrisée avec tout ce que ça peut avoir comme conséquence sur une Europe un peu en panne souvent sur le plan économique notamment, mais c’est aussi des opportunités. On peut aussi imaginer, le pire n’est jamais certain, que si on arrivait ensemble à relever un tant soit peu certains de ces défis, cela signifierait davantage d’échanges économiques, d’expertise, de transferts, d’échanges de savoirs, d’intelligence universitaire, de recherches, etc. parce que la jeunesse africaine a aussi ce potentiel. Il ne faudrait pas qu’en France on soit les derniers à l’apprendre. Certains continents, américain et autre, y puisent déjà ; il y aussi les défis de l’économie, du développement et même le défi de la paix qui sont à relever. Des pays comme la France sont présents militairement aux côtés de l’Afrique. Je dis souvent que la sécurité de l’Afrique doit être, dans une génération, assurée par l’Afrique elle-même. Il suffit d’en avoir la volonté, car les moyens existent et ça c’est aussi des enjeux de part et d’autre. Nos destins sont donc liés ; si on est pour l’Afrique sur le scénario catastrophe où tous les risques se réalisent, c’est aussi une catastrophe pour l’Europe voisine. On n’y échappera pas : on pourrait élever des murailles de vingt mètres de haut, ce serait en vain. Mais si ensemble on jouait « la carte » du continent porteur d’avenir, à ce moment-là, ça pourrait ouvrir pour tous de très belles opportunités.
Vous avez parlé de la jeunesse, de l’emploi. Sachant que 50% de la population africaine a moins de 25 ans, se donne-t-on vraiment les moyens de relever les défis que vous venez d’évoquer, à commencer par les Africains eux-mêmes ?
cloture sommetNous vivons en effet à une époque de responsabilité partagée. On a chacun notre part de responsabilité. Et le discours post-colonial est une litanie qui, en l’occurrence, tourne un peu à vide, alors que les décennies passent. Certains pays africains l’ont assez compris pour tourner le dos à cette démarche simplement de demande et de rejet sur les autres de ses propres responsabilités. Certes aucun pays n’est parfait, mais vous avez des pays comme le Ghana ou même le Rwanda, qui ne sont pas forcément des pays qui ont une attitude sympathique par rapport à la France ou à la Belgique, mais en attendant ce sont des pays qui ont su trouver les voies du développement. Il en est d’autres qui cumulent les contrastes entre des éléments de stagnation et des éléments de décollage ou de redémarrage. Il y a une Afrique qui a compris que son avenir, c’est sa propre affaire, c’est à elle d’en tracer les voies, que son destin c’est d’abord elle-même. Et à la base, forcément ce sont des éléments de gouvernance qui donnent le ton, le défi démographique peut avoir aussi un lien avec la dimension religieuse, des tabous ou des interdits, mais autrefois ces obstacles existaient partout, il y a des pays qui ont su par un mélange de volontarisme, de développement économique, d’évolution du niveau de vie des populations, par l’éducation parvenir à une démographie plus maîtrisée. Ce n’est donc pas hors de portée, ce n’est pas une fatalité que l’Afrique ne réussisse jamais à maîtriser sa démographie. Ce qui se passe au Niger, n’est pas une fatalité, il faut à un moment donné des dirigeants lucides, responsables. Ce sont là des enjeux qui dépendent d’abord de l’Afrique, y compris les enjeux de santé publique, etc. Les enjeux économiques et l’éducation aussi. Ce n’est pas propre à l’Afrique, mais dans ce continent, c’est devenu un sujet important. Les méfaits de la corruption à tous les étages, à un moment donné, on peut estimer qu’on peut en sortir ; il y a des pays même en Afrique où la corruption est devenue marginale. Donc ce sont là des sujets qui ne vont pas venir de l’extérieur ; après quoi, on est tous responsables, ça veut dire que nous aussi, les partenaires français, on a notre part de responsabilité et qu’au demeurant une des choses que j’ai aussi dites dans mon rapport sur l’Afrique, on ne doit pas simplement se situer dans une démarche de réparation des erreurs commises ou de compassion ou de solidarité (beau mot !), mais aussi dans une démarche d’intérêts, pour les raisons géopolitiques que je viens d’évoquer, mais aussi pour des raisons économiques, pour des raisons de préservation de notre propre paix, on a intérêt à ce que ça se passe bien. À partir du moment où il y a un intérêt partagé et où chacun accomplit sa part du travail, mais la part prépondérante au sens de dignité doit venir de l’Afrique. Il faut donc que le ton soit donné par l’Afrique, l’Afrique ce sont les États mais c’est aussi les organisations régionales ou sous-régionales ; c’est l’Organisation de l’Unité africaine. Mais actuellement, il faut l’avouer, un certain nombre d’organisations nées dans la grande période progressiste après la colonisation peinent à trouver leur place. On pourrait dans un autre contexte déplacer le curseur et parler de la Ligue arabe, il se trouve que j’étais avec Gérard Larcher2 au Caire, il y a une quinzaine de jours, nous y avons rencontré le nouveau secrétaire de la ligue arabe, un homme tout à fait remarquable, mais c’est vrai que la Ligue arabe n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était encore il y a vingt ou trente ans et qu’on ne saurait en attendre ce qu’on pouvait en espérer pendant ladite période. Il se peut qu’un jour les choses repartent, ce n’est pas la faute du monde entier, c’est en partie la faute des pays qui la composent. Je mets beaucoup d’espoir dans le devenir de l’Union africaine, mais je désespère de ce qu’elle est aujourd’hui par rapport à ce qu’elle pourrait être. On pourrait prendre le cas de la sécurité, que je connais mieux peut-être, que d’autres domaines, celui de la santé ou d’autres. Au fond, on sait bien que par rapport à il y a vingt ou trente ans, nombre de pays, je parle de l’Afrique sub-saharienne, ont désinvesti leurs armées nationales, souvent volontairement parce que le dirigeant, parfois un militaire qui avait pris le pouvoir par un coup d’Etat voulait affaiblir cet outil, souvent pour de mauvaises raisons, ce sont des armées qui, c’est typique au Mali, sont devenues incapables, à l’exception d’un ou de deux bataillons, d’assurer leurs missions. Ce n’est pas inscrit dans les gènes de l’Afrique qu’il ne puisse pas y avoir d’armées africaines, même dans un contexte pacifique, dignes de ce nom. Quelques milliers de soldats correctement entraînés - et les partenariats à cet effet ne manquent pas -, suffisent et c’est autre chose que d’en appeler aux forces de l’ONU avec les limites de ce genre d’exercice. Je l’ai vu quand j’étais secrétaire d’Etat à la Défense ; je suis allé à Addis-Abeba à un sommet de l’Organisation de l’Unité africaine, j’y étais reçu d’ailleurs par Jean Ping3 sur ces questions de coopération militaire avec tout un dispositif pré-positionné africain en partenariat avec des forces européennes ou autres qui existe sur le papier ; mais les sous-régions ou l’Union africaine ne se sont plus vraiment investies depuis longtemps sur ces questions. En fin de compte, il y a un système de sécurité qui ne fonctionne pas et on attend uniquement l’intercession du monde extérieur, ça doit et ça peut changer, il suffit qu’à un moment donné, il y ait une volonté politique.
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