jeudi 22 décembre 2016 | Par Yacef Saâdi
LE TRIBUNAL PERMANENT DES FORCES ARMÉES D'ALGER JUGEA ET CONDAMNA À MORT UN HOMME SEUL, ILLETTRÉ, SUR LA BASE D'AVEUX, ARRACHÉS PAR LA TORTURE. AUCUN DÉTENU DE LA PRISON CIVILE D'ALGER NE POURRA OUBLIER L'EXÉCUTION DRAMATIQUE DE BADÈCHE BEN HAMDI.
Invoquant les raisons qui ont motivé les décisions du ministre résident Robert Lacoste et du commandant en chef inter-armée, le général Salan à lui confier les pouvoirs civils et militaires, Jacques Massu cite dans son livre « La vraie Bataille d’Alger », entre autres raisons, l’attentat commis sur la personne d’Amédée Froger.
Ce dernier, ancien président de l’inter-fédération des maires d’Algérie, solidement rivé à la tête de la mairie de Boufarik, localité importante de la Mitidja, était par ses antécédents politiques un réactionnaire et un raciste.
Sa position imminente dans l’estime de ses compatriotes en avait fait une cible de choix pour une provocation contre la masse européenne. Il fut abattu le 28 décembre 1956, un samedi matin, aux environs de 9h50, à proximité de son domicile de l’ex-rue Michelet.
Le jour choisi convenait par la longue disponibilité des fêtes de fin d’année dans laquelle se trouvaient les Français d’Algérie. Le glas qui sonna ce jour-là a dû retentir sec dans le cœur de tous ceux qui portaient, au fond d’eux-mêmes, un grain d’affection pour le cacique abattu.
L’émoi de la communauté européenne fut ressenti à travers toute l’Algérie. Un seul coupable pour elle : le FLN.
Le Comité d’entente des anciens combattants et cadres de réserve d’Algérie rendit public, dans la matinée même de l’assassinat, un communiqué qui accusait sans la moindre hésitation notre organisation.
Ce mouvement regroupant des dizaines de milliers de personnes, intransigeant et obtus, peu conscient de ses responsabilités, a été pour beaucoup dans l’organisation des manifestations de masses européennes que connut Alger pendant la guerre. Il était malheureusement si peu averti des manœuvres dont il faisait l’objet qu’il fourvoya les foules confiantes, massées derrière ses drapeaux, dans tous les traquenards qui lui étaient tendus.
Dès que la Zone Autonome d’Alger connut la nouvelle de l’assassinat de Froger, des consignes urgentes de vigilance furent passées à nos militants. Quelque temps auparavant, on avait enregistré que les opérations de bouclage et d’intervention militaires contre certains quartiers étaient devenues courantes. Sur le fait, notre organisation fut quelque peu surprise. Une action, avec un objectif de cette importance, se trouvait être mise au point sans que le conseil de la Zone Autonome d’Alger ne fût au préalable tenu au courant. En effet, des implications de tout ordre étaient à considérer notamment sur le plan de la sécurité de nos masses et de nos unités.
Qui a donc pu commettre cet acte pour provoquer des réactions en chaîne prévisibles ? La structuration organique d’Alger était complète et l’on ne pouvait logiquement supposer un dépassement. L’acte d’un isolé était exclu, quand bien même il aurait pu se concevoir quelques mois auparavant. La coordination était très satisfaisante à cette période.
L’enquête rapide ordonnée par la Zone Autonome d’Alger fit ressortir que l’exécution de Froger fut plutôt l’œuvre d’une équipe qui a longuement prémédité son coup. La plus éclatante confirmation réside dans la deuxième partie de cette macabre machination : une bombe dans le cimetière de Bab El Oued a été réglée en tenant compte de l’heure d’arrivée du cortège mortuaire. Cette seconde et périlleuse opération n’a pu être conçue que si, au préalable, elle bénéficiait de complicités et pouvait compter sur des précisions obtenues dans la matinée même où devait s’effectuer l’inhumation.
Les obsèques furent sanglantes sous l’œil passif des paras et des autres unités soi-disant d’intervention qui quadrillaient Alger. Des groupes de pieds noirs, assistés de réservistes des Unités territoriales, s’adonnèrent impunément aux pires, tuant ou laissant pour mort tout Algérien ou Algérienne rencontrés. Des dizaines de voitures arrêtées devant le convoi funèbre furent incendiées ou jetées par-dessus les parapets vers la mer, certaines remplies de leurs occupants.
La fureur criminelle augmenta quand le cortège apprit qu’il venait d’échapper à une bombe qui avait explosé avant son arrivée au cimetière. La Zone Autonome d’Alger n’a jamais commis cet autre attentat de provocation.
L’horreur préméditée qui aurait suivi l’éclatement de cette bombe au milieu d’une foule compacte donne la mesure du cynisme de ses auteurs.
Les magistrats instructeurs n’en ont pas eu les yeux ouverts pour autant. Le Tribunal Permanent des Forces armées d’Alger jugea et condamna à mort un homme seul, illettré, sur la base d’aveux arrachés par la torture. Aucun détail matériel sérieux n’a pu être relevé pour étayer la thèse de la culpabilité. Pas un complice n’a été reconnu coupable et sanctionné par une condamnation. Aucun détenu de la prison civile d’Alger ne pourra oublier l’exécution dramatique de Badèche Ben Hamdi. Le malheureux cria son innocence avec un accent angoissant, jusqu’au pied de l’échafaud.
LE TRIBUNAL PERMANENT DES FORCES ARMÉES D'ALGER JUGEA ET CONDAMNA À MORT UN HOMME SEUL, ILLETTRÉ, SUR LA BASE D'AVEUX, ARRACHÉS PAR LA TORTURE. AUCUN DÉTENU DE LA PRISON CIVILE D'ALGER NE POURRA OUBLIER L'EXÉCUTION DRAMATIQUE DE BADÈCHE BEN HAMDI.
Invoquant les raisons qui ont motivé les décisions du ministre résident Robert Lacoste et du commandant en chef inter-armée, le général Salan à lui confier les pouvoirs civils et militaires, Jacques Massu cite dans son livre « La vraie Bataille d’Alger », entre autres raisons, l’attentat commis sur la personne d’Amédée Froger.
Ce dernier, ancien président de l’inter-fédération des maires d’Algérie, solidement rivé à la tête de la mairie de Boufarik, localité importante de la Mitidja, était par ses antécédents politiques un réactionnaire et un raciste.
Sa position imminente dans l’estime de ses compatriotes en avait fait une cible de choix pour une provocation contre la masse européenne. Il fut abattu le 28 décembre 1956, un samedi matin, aux environs de 9h50, à proximité de son domicile de l’ex-rue Michelet.
Le jour choisi convenait par la longue disponibilité des fêtes de fin d’année dans laquelle se trouvaient les Français d’Algérie. Le glas qui sonna ce jour-là a dû retentir sec dans le cœur de tous ceux qui portaient, au fond d’eux-mêmes, un grain d’affection pour le cacique abattu.
L’émoi de la communauté européenne fut ressenti à travers toute l’Algérie. Un seul coupable pour elle : le FLN.
Le Comité d’entente des anciens combattants et cadres de réserve d’Algérie rendit public, dans la matinée même de l’assassinat, un communiqué qui accusait sans la moindre hésitation notre organisation.
Ce mouvement regroupant des dizaines de milliers de personnes, intransigeant et obtus, peu conscient de ses responsabilités, a été pour beaucoup dans l’organisation des manifestations de masses européennes que connut Alger pendant la guerre. Il était malheureusement si peu averti des manœuvres dont il faisait l’objet qu’il fourvoya les foules confiantes, massées derrière ses drapeaux, dans tous les traquenards qui lui étaient tendus.
Dès que la Zone Autonome d’Alger connut la nouvelle de l’assassinat de Froger, des consignes urgentes de vigilance furent passées à nos militants. Quelque temps auparavant, on avait enregistré que les opérations de bouclage et d’intervention militaires contre certains quartiers étaient devenues courantes. Sur le fait, notre organisation fut quelque peu surprise. Une action, avec un objectif de cette importance, se trouvait être mise au point sans que le conseil de la Zone Autonome d’Alger ne fût au préalable tenu au courant. En effet, des implications de tout ordre étaient à considérer notamment sur le plan de la sécurité de nos masses et de nos unités.
Qui a donc pu commettre cet acte pour provoquer des réactions en chaîne prévisibles ? La structuration organique d’Alger était complète et l’on ne pouvait logiquement supposer un dépassement. L’acte d’un isolé était exclu, quand bien même il aurait pu se concevoir quelques mois auparavant. La coordination était très satisfaisante à cette période.
L’enquête rapide ordonnée par la Zone Autonome d’Alger fit ressortir que l’exécution de Froger fut plutôt l’œuvre d’une équipe qui a longuement prémédité son coup. La plus éclatante confirmation réside dans la deuxième partie de cette macabre machination : une bombe dans le cimetière de Bab El Oued a été réglée en tenant compte de l’heure d’arrivée du cortège mortuaire. Cette seconde et périlleuse opération n’a pu être conçue que si, au préalable, elle bénéficiait de complicités et pouvait compter sur des précisions obtenues dans la matinée même où devait s’effectuer l’inhumation.
Les obsèques furent sanglantes sous l’œil passif des paras et des autres unités soi-disant d’intervention qui quadrillaient Alger. Des groupes de pieds noirs, assistés de réservistes des Unités territoriales, s’adonnèrent impunément aux pires, tuant ou laissant pour mort tout Algérien ou Algérienne rencontrés. Des dizaines de voitures arrêtées devant le convoi funèbre furent incendiées ou jetées par-dessus les parapets vers la mer, certaines remplies de leurs occupants.
La fureur criminelle augmenta quand le cortège apprit qu’il venait d’échapper à une bombe qui avait explosé avant son arrivée au cimetière. La Zone Autonome d’Alger n’a jamais commis cet autre attentat de provocation.
L’horreur préméditée qui aurait suivi l’éclatement de cette bombe au milieu d’une foule compacte donne la mesure du cynisme de ses auteurs.
Les magistrats instructeurs n’en ont pas eu les yeux ouverts pour autant. Le Tribunal Permanent des Forces armées d’Alger jugea et condamna à mort un homme seul, illettré, sur la base d’aveux arrachés par la torture. Aucun détail matériel sérieux n’a pu être relevé pour étayer la thèse de la culpabilité. Pas un complice n’a été reconnu coupable et sanctionné par une condamnation. Aucun détenu de la prison civile d’Alger ne pourra oublier l’exécution dramatique de Badèche Ben Hamdi. Le malheureux cria son innocence avec un accent angoissant, jusqu’au pied de l’échafaud.
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