Sidi Kouïderel-Arouci avait de fréquents démêlés avec la justice du hakem (représentants des ottomans) de Blida. Un jour — c’était du temps de Hacen-el-Gritly — Sidi Kouïder avait été appelé devant le tribunal de ce hakem pour y répondre sur des faits manquant de limpidité, et n’ayant rien de commun avec ce que nous appelons délicatesse et probité. Il se présenta devant Hacen-el-Gritly — qui était Turk — qui, bien que dans ses habitudes, n’en déplaisait pas moins souverainement à ce hakem ; de plus, ce haut fonctionnaire passait pour être complètement dépourvu de patience. Interrogé sur les faits qui lui étaient reprochés, Sidi El-Arouci répondit au hakem que, d’abord, il ne reconnaissait pas sa juridiction, et qu’ensuite, il ne lui convenait pas, à lui descendant de la fille du Prophète, de se disculper devant un impie tel que lui. Hacen-el-Gritly était d’un caractère peu endurant ; or, malheureusement pour le cherif, ce hakem avait précisément sous la main un bâton qui lui servait habituellement à faire la lumière dans les causes obscures ; mis hors de lui par l’insolence du saint homme, il se laissa aller à le rouer de coups sans même avoir songé un seul instant à lui ôter préalablement son turban vert, marque par laquelle affectent de se distinguer les descendants du Prophète. Le marabouth chercha tout naturellement à se soustraire par la fuite à la réprimande du hakem ; il se précipita dans la rue la tête nue — son turban était tombé pendant l’affaire — en jetant les hauts cris, et en maudissant Hacen-el-Gritly. La malédiction lancée par Sidi Kouïder ne devait pas tarder à être suivie d’effet : le soir même de cette aventure, le hakem était frappé d’une paralysie du pied et du bras, celui avec lequel il avait bâtonné le cherif; de plus, une sorte d’incendie s’était allumé dans son estomac, et l’eau qu’il ne cessait de demander à grands cris et dont il absorbait d’effrayantes quantités, semblait, au lieu d’éteindre le feu qui le consumait, développer, au contraire, l’intensité de la combustion, et agir comme si l’on se fût servi d’huile. Frappé si soudainement, le hakem ne douta pas un seul instant que le mal qui l’atteignait ne fut le résultat de la bastonnade qu’il avait si malencontreusement infligée au cherif-marabouth ; aussi, avait-il compris que c’était le moment ou jamais de s’en repentir et d’en exprimer ses regrets à Sidi Kouïder. On l’envoya chercher à la zaouya de Sidi Ahmedel-Kbir, et, pour le décider à se rendre à cet appel, on lui promit de somptueux cadeaux. Le saint voulut bien se déranger. A son arrivée à la demeure du hakem, ce fonctionnaire était déjà dans le plus piteux état. Sa femme se jeta aux genoux de Sidi Kouider en l’implorant pour qu’il pardonnât à son époux ; il avait eu les plus grands torts — elle le reconnaissait et lui aussi — d’avoir cédé à un mouvement de colère, et de s’être oublié jusqu’à oser frapper un homme de son caractère et de sa valeur. « Pardonne-lui, ô monseigneur ! et fais cesser les atroces douleurs que tu as appelées sur sa tête ! Par la vérité de Dieu ! si tu as pitié de lui, le nègre du hakem et ma négresse sont à toi ! »
Pendant ce temps, le hakem se tordait de douleurs sur sa natte; on eût dit qu’il avait mangé du fruit du Zakkoum, de cet arbre qui pousse au fond de l’enfer, et qui sert de nourriture aux damnés, détestable aliment qui bouillonne dans leurs entrailles comme un métal en fusion. Mais le marabouth fut impitoyable. « Il était bon, pensait-il, de faire de temps en temps un exemple pour rappeler à ces Turks que Dieu les maudisse ! — qu’il pouvait y avoir quelque danger à malmener, ce à quoi ils étaient trop disposés, les cherifs et les marabouths. » A peine le saint était-il sorti de la maison du hakem, que ce dernier éclatait comme un projectile creux, et se fendait en deux parties. Ses entrailles ne présentaient plus que des débris brûlés et torréfiés ; une matière grasse et fétide se répandait sur le sol, et une suie puante et pénétrante tapissait les parois de cette dépouille humaine. Une flamme légère et bleuâtre courait à la surface du cadavre comme ces feux follets qui se produisent dans les marécages : c’était un spectacle horrible, et les gens de Blida en ont longtemps gardé le souvenir. Ceci se passait vers la fin du siècle dernier, dans la maison moresque qui porte aujourd’hui le numéro 5 de la rue AbdAllah.
Pendant ce temps, le hakem se tordait de douleurs sur sa natte; on eût dit qu’il avait mangé du fruit du Zakkoum, de cet arbre qui pousse au fond de l’enfer, et qui sert de nourriture aux damnés, détestable aliment qui bouillonne dans leurs entrailles comme un métal en fusion. Mais le marabouth fut impitoyable. « Il était bon, pensait-il, de faire de temps en temps un exemple pour rappeler à ces Turks que Dieu les maudisse ! — qu’il pouvait y avoir quelque danger à malmener, ce à quoi ils étaient trop disposés, les cherifs et les marabouths. » A peine le saint était-il sorti de la maison du hakem, que ce dernier éclatait comme un projectile creux, et se fendait en deux parties. Ses entrailles ne présentaient plus que des débris brûlés et torréfiés ; une matière grasse et fétide se répandait sur le sol, et une suie puante et pénétrante tapissait les parois de cette dépouille humaine. Une flamme légère et bleuâtre courait à la surface du cadavre comme ces feux follets qui se produisent dans les marécages : c’était un spectacle horrible, et les gens de Blida en ont longtemps gardé le souvenir. Ceci se passait vers la fin du siècle dernier, dans la maison moresque qui porte aujourd’hui le numéro 5 de la rue AbdAllah.
ps : le 5 rue abdallah n'est donc pas un bien vacant mais revient à ses anciens propriétaires qui sont les Ou Kaci.
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