Petit à petit, une petite musique insistante s’insinue dans l’air du temps. Elle se présente comme suit: «Le Maroc se porte à merveille sans gouvernement, alors à quoi sert-il au juste? Ne pourrait-on pas s’en passer?». Cette mélodie doucereuse est alimentée par la séquence politique du dernier trimestre. Elle se nourrit du gel de l’Exécutif, entravé par le piétinement interminable des tractations préalables à la formation du gouvernement. Mais elle trouve surtout sa source dans le fait, qu’en parallèle à l’absence d’une majorité agissante, le Roi Mohammed VI s’est montré d’un dynamisme inouï, à la fois sur la scène nationale et internationale. Tournée africaine, annonces mirifiques, succès éclatant de la Cop22, préparation du terrain à la réintégration de l’UA, projets sociaux par dizaines… le défilement, resserré dans le temps, de «quick wins» diplomatique, économique, géostratégique a boosté de plusieurs crans l’aura de Mohammed VI, aujourd’hui à son firmament. A aucune phase de son règne, cette aura n’aura brillé aussi intensément.
Or, dans le même temps, Benkirane, Chabat et consorts livrent un spectacle d’inanité absolue, se gobergeant de chamailleries puériles. La simultanéité de ces séquences introduit dans l’esprit des Marocains une comparaison inévitable et, par ricochet, disqualifie cruellement les hommes politiques. Cette fenêtre de tir poussera Othman Benjelloun, PDG de BMCE Bank, à sortir de sa réserve habituelle pour «rassurer» les Marocains. Non, insiste-t-il, il n’y a pas de «vacance institutionnelle». Le Roi veille au grain, il n’y a pas à s’inquiéter. «Dans toute autre circonstance, note Sir Othman, «l’absence d’un gouvernement aurait pu constituer un handicap». Pas au Maroc évidemment, où «les grands chantiers se poursuivent sous l’impulsion de SM le Roi». Mieux, les coups de bélier du ministre des Affaires étrangères, d’abord contre Benkirane, dont l’indignation contre la pluie de plomb sauvage et meurtrière déversée contre Alep était légitime, puis à l’encontre de Hamid Chabat, assimilé tout bonnement à «un ennemi de notre intégrité territoriale», en disent long sur le niveau de respect auquel sont désormais tenus les hommes politiques.
Or, cette petite musique accrédite une pensée confortable, un raccourci mental largement partagé par les Marocains, mais éminemment dangereux: «Nous n’avons besoin ni des partis ni du gouvernement ni de ces députés payés grassement sur le denier du citoyen pour piquer un roupillon en séance parlementaire». Engagez la conversation avec n’importe quel Marocain et vous constaterez à quel point cette «inception» a fait son chemin dans les esprits. Or, ce refrain est contraire à l’esprit de la Constitution, dont le Roi est le plus sincère défenseur. En frappant les corps intermédiaires au coin de l’inutilité, cette équation place le Souverain en exposition frontale au peuple, sans fusible, sans zone tampon. Pis, elle crée une opposition factice entre l’arbitre du jeu et les joueurs. Elle abîme la consolidation de l’édifice démocratique reconnue et apprécié par la communauté internationale et qui fait du Maroc une exception salutaire dans une région minée par les dérives autoritaires, la malgouvernance et les dissensions politiques. Enfin, elle crée des motifs de conflits en interne, dont les acteurs institutionnels pourraient allègrement se passer. Pourquoi faire de Chabat une grenade dégoupillée? Pourquoi attiser la rancœur d’un chef de parti dont on a usé et abusé à une certaine époque pour le recracher à terre, vidé de sa sève, entérinant par là cette thèse sournoise qui voudrait que le système, narcissique par essence, dévore ceux qui l’ont circonstanciellement servi. Résumons: l’idée que le Maroc peut «rouler» sans gouvernement est l’équivalent d’une allumette jetée dans un baril de poudre; elle ne doit surtout pas franchir le stade d’idée… Ne jouons pas avec le feu.
Eco et entreprise
Or, dans le même temps, Benkirane, Chabat et consorts livrent un spectacle d’inanité absolue, se gobergeant de chamailleries puériles. La simultanéité de ces séquences introduit dans l’esprit des Marocains une comparaison inévitable et, par ricochet, disqualifie cruellement les hommes politiques. Cette fenêtre de tir poussera Othman Benjelloun, PDG de BMCE Bank, à sortir de sa réserve habituelle pour «rassurer» les Marocains. Non, insiste-t-il, il n’y a pas de «vacance institutionnelle». Le Roi veille au grain, il n’y a pas à s’inquiéter. «Dans toute autre circonstance, note Sir Othman, «l’absence d’un gouvernement aurait pu constituer un handicap». Pas au Maroc évidemment, où «les grands chantiers se poursuivent sous l’impulsion de SM le Roi». Mieux, les coups de bélier du ministre des Affaires étrangères, d’abord contre Benkirane, dont l’indignation contre la pluie de plomb sauvage et meurtrière déversée contre Alep était légitime, puis à l’encontre de Hamid Chabat, assimilé tout bonnement à «un ennemi de notre intégrité territoriale», en disent long sur le niveau de respect auquel sont désormais tenus les hommes politiques.
Or, cette petite musique accrédite une pensée confortable, un raccourci mental largement partagé par les Marocains, mais éminemment dangereux: «Nous n’avons besoin ni des partis ni du gouvernement ni de ces députés payés grassement sur le denier du citoyen pour piquer un roupillon en séance parlementaire». Engagez la conversation avec n’importe quel Marocain et vous constaterez à quel point cette «inception» a fait son chemin dans les esprits. Or, ce refrain est contraire à l’esprit de la Constitution, dont le Roi est le plus sincère défenseur. En frappant les corps intermédiaires au coin de l’inutilité, cette équation place le Souverain en exposition frontale au peuple, sans fusible, sans zone tampon. Pis, elle crée une opposition factice entre l’arbitre du jeu et les joueurs. Elle abîme la consolidation de l’édifice démocratique reconnue et apprécié par la communauté internationale et qui fait du Maroc une exception salutaire dans une région minée par les dérives autoritaires, la malgouvernance et les dissensions politiques. Enfin, elle crée des motifs de conflits en interne, dont les acteurs institutionnels pourraient allègrement se passer. Pourquoi faire de Chabat une grenade dégoupillée? Pourquoi attiser la rancœur d’un chef de parti dont on a usé et abusé à une certaine époque pour le recracher à terre, vidé de sa sève, entérinant par là cette thèse sournoise qui voudrait que le système, narcissique par essence, dévore ceux qui l’ont circonstanciellement servi. Résumons: l’idée que le Maroc peut «rouler» sans gouvernement est l’équivalent d’une allumette jetée dans un baril de poudre; elle ne doit surtout pas franchir le stade d’idée… Ne jouons pas avec le feu.
Eco et entreprise
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