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Au Nigeria, la passion pour Donald Trump et la colère de Wolé Soyinka

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  • Au Nigeria, la passion pour Donald Trump et la colère de Wolé Soyinka

    Par Mandana Parsi Publié le 30-12-2016
    L'ascension inexorable de Donald Trump a été suivie avec passion au Nigeria. Le temps de la campagne électorale américaine, Donald et Hillary sont devenus les nouvelles stars des soaps operas, en odeur de sainteté au Nigeria. Le temps des primaires et du sprint final, ils ont remplacé les stars de Nollywood dans le cœur des Nigérians.

    A vrai dire, c'est surtout Trump qui a fasciné et révulsé tout à la fois. Son côté « grande gueule » ne pouvait laisser indifférents les Nigérians, qui savent reconnaître un maître en la matière. Le fait qu'il surjoue constamment, comme la soulignait Robert de Niro, n'est pas de nature à les gêner.

    A Nollywood, l'on crie, l'on pleure, l'on meurt et l'on vomit plus souvent qu'à son tour. Cela fait en somme partie du cahier des charges. A ce compte, Trump pourra envisager une carrière de premier plan dans cette industrie en plein développement une fois qu'il en aura fini avec les ors de la Maison Blanche.

    La passion pour Trump a été telle que la productivité s'en est ressentie. « J'ai été obligé d'interdire à mes employés l'internet pendant la campagne. Ils passaient leur temps à regarder Trump et ils ne travaillaient plus », explique le plus sérieusement du monde un chef d'entreprise nigérian.

    Trump a inquiété les intellectuels, mais il a ravi le grand public. Et il faut bien dire que nombre de Nigérians ont exprimé leur soulagement à l'annonce de son élection. « On ne peut tout de même pas demander à une femme de diriger le pays le plus puissant du monde », soulignait un haut fonctionnaire nigérian qui reprenait une idée communément admise dans le pays.

    Peu de temps auparavant, le président Buhari avait, lui-même, rappelé qu'il n'était pas forcément un adepte de la parité. Alors que la presse lui demandait de réagir aux déclarations politiques de son épouse, il avait répondu, en présence d'Angela Merkel, que la place de sa femme était à la cuisine et qu'il n'attendait pas d'elle qu'elle se livre à des commentaires politiques. On ne peut être plus clair.

    Soyinka détruit sa « green card »

    Etonnamment plus que la victoire de Trump, ce qui a choqué nombre de Nigérians c'est la décision de Wolé Soyinka, le premier prix Nobel africain, de se délester de sa « green card ». Il avait déclaré avant l'élection que si Trump l'emportait, il la détruirait. Ce qu'il a fait. Il a même déclaré que tant que Trump serait président, il ne mettrait plus les pieds aux Etats-Unis.

    Sa décision lui coûte. Il vit une partie de l'année en Californie et donne des cours dans des universités américaines. Sa femme et ses enfants résident aux Etats-Unis. Sa « green card » lui avait été octroyée par le président Jimmy Carter sans qu'il en fasse la demande.

    Sa décision de rupture avec l'Amérique de Trump a été considérablement médiatisée. Près de 350 000 Nigérians y vivent et des millions de Nigérians rêvent de les imiter. Après qu'il se soit exécuté, des Nigérians se sont déchaînés contre lui sur les réseaux sociaux. Comme si le fait de ne plus vouloir vivre une partie de l'année aux Etats-Unis pouvait constituer une sorte de « crime de lèse-majesté ».

    Insulté sur internet

    Le Prix Nobel de littérature, âgé de 82 ans, a reçu tous les noms d'oiseaux sur internet. Tellement de jeunes Nigérians rêvent de cette fameuse carte verte qui leur permettrait de vivre dans « l'eldorado américain » que son geste leur a paru complètement insensé.

    La venue de Kim Kardashian avait provoqué des quasi « émeutes » à Lagos. Elle s'était vu offrir des centaines de milliers de dollars juste pour venir dire « Hello Lagos ! » du haut d'une tribune. Ce qui fait tout de même cher le mot.

    Compte tenu de son âge, Wolé Soyinka a une toute autre vision de l'Amérique. Il s'est davantage penché sur la biographie de Martin Luther King que sur celle de la compagne siliconée de Kanye West. Appartenant à une génération d'intellectuels anticolonialistes, il a suivi de près le combat des Noirs américains dans les années soixante. Dès lors, la proximité de certains partisans de Trump avec des membres du Ku Klux Klan et de mouvements néo-nazis ne peuvent que l'ulcérer.

    Furieux de se faire insulter sur internet - il n'y a guère de modérateurs sur les forums de discussion et les sites nigérians – Soyinka a menacé d'abandonner son pays d'origine. S'il devait quitter le Nigeria parce qu'il a décidé de quitter l'Amérique, la situation deviendrait passablement ironique. Devra-t-il se résoudre à demander l'asile à la confédération helvétique ? Pays où il avait brièvement trouvé refuge dans les années quatre-vingt-dix lorsqu'il avait été condamné à mort par le dictateur Sani Abacha (au pouvoir de 1993 à 1998).

    Rien n'est moins sûr. Pour l'instant, il savoure sa retraite dans le pays yorouba, dans le sud-ouest du Nigeria. Mais il n'est pas sûr que son coup d'éclat ait eu l'effet escompté. Peu de Nigérians s'inquiètent du sort que Trump peut réserver aux Africains américains et aux immigrés. Personne ne croit que la magie de la « green card » va cesser d'opérer.

    Les propos antichinois de Trump

    Curieusement, certains Nigérians s'interrogent plutôt sur les propos antichinois du nouveau président. Ainsi une jeune Nigériane aisée s'inquiète ouvertement : « S'il continue à provoquer les Chinois, prophétise-t-elle, Apple ne pourra plus produire ses iPhones en Chine. Et leur prix va terriblement augmenter » !

    Un lien de cause à effet auquel Soyinka n'avait pas pensé. S'il avait promis de rester aux Etats-Unis si les intérêts de la téléphonie étaient mieux protégés, le célèbre écrivain aurait pu retrouver le chemin des cœurs d'une partie de la jeunesse connectée. De Martin Luther King, en passant par Kim Kardashian, Donald Trump, Steve Jobs et les iPhones, tous les chemins mènent à l'Amérique... Même les plus impénétrables.
    RFI
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    cela donne envie de lire soyinka..

    Commentaire

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