Ex-émir de la filière des Buttes Chaumont et mentor de Chérif Kouachi, Farid Benyettou travaille désormais avec Dounia Bouzar pour déradicaliser des jeunes et sort un livre. Nous l'avons rencontré. Portrait.
Il le garde toujours dans son sac, comme un talisman : un petit pin’s noir "je suis Charlie". On se pince. Oui, on est bien face à Farid Benyettou, l'ex-mentor des frères Kouachi… Il a enlevé ses lunettes de soleil qu'il met toujours devant la télé ou les photographes - "j'ai peur qu'on me reconnaisse"- et devant ce jeune homme quasi imberbe, qui fait bien plus jeune que ses 35 ans, on peine à retrouver l'image de "l'émir des Buttes Chaumont" en barbe et keffieh, qui avait tourné en boucle dans les medias après les attentats de "Charlie Hebdo".
En janvier 2015, Farid Benyettou terminait ses études à l'école d'infirmier : il est à la Pitié Salpêtrière, en stage, là où ont été envoyées les victimes de "Charlie Hebdo" et de l'Hyper Casher. Scandale quand son identité est révélée.
"On a interrompu mon stage, alors. C'était normal. Mais j'ai quand même eu mon diplôme en mars. Même si je ne sais pas si je peux vraiment exercer, vu que le Conseil de l'ordre a condamné le fait que je travaille à l'hôpital."
Quand il a entendu à la télévision que les frères Kouachi étaient les auteurs de la tuerie, Farid Benyettou s'est de lui-même rendu à la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) pour dire ce qu'il savait sur eux, et notamment sur Cherif, dont il fut très proche : les agents, le voyant débarquer, l'immobilisent, craignant un attentat suicide dans leurs locaux, avant de comprendre qu'il vient témoigner… A l'époque, il répète aux journalistes qu'il a changé, notamment à Mediapart, auprès de qui il se confie, longuement. Il arbore le petit badge "je suis Charlie" qu’un cameraman lui a donné. "C'était affirmer aux yeux de tous que j'avais rompu avec le Farid d'avant".
"J'étais moi-même sous emprise"
Aujourd'hui, l'ex-émir des Buttes Chaumont sort "Mon jihad", un livre confession co-écrit avec Dounia Bouzar, l'icône médiatique de la déradicalisation. (1) Un coup de com, que d’aucuns pourraient trouver déplacé alors qu’on commémore le deuxième anniversaire des attentats ?
En vérité, je voudrais me faire oublier, ce serait tellement plus simple. C’est compliqué de sortir ce livre. S’afficher comme repenti, c'est passer pour un traître aux yeux de certains, c’est s'exposer aux menaces…
Mais j'ai l'impression que j'ai une dette morale. Et avec tout ce qui s’est passé, je me sens coupable de ne rien faire. Ce livre, c'est une thérapie. Il faut que j'assume que j'ai aussi du sang sur les mains: je ne peux plus être dans le déni, j'ai adhéré à une idéologie meurtrière, je l'ai propagé. Parce que j'étais moi-même sous emprise."
"Farid a empêché une trentaine de départs"
A côté de son protégé, Dounia Bouzar acquiesce. C'est à l'automne 2015 que Farid Benyettou tente de la joindre. Il veut témoigner, aider d'autres jeunes à se désembrigader : il a même appelé le numéro vert Stop Jihadisme. En vain. Dounia Bouzar lui répond au téléphone, mais elle a en revanche interdiction de le rencontrer :
"L'Uclat [Unité de coordination de la lutte anti-terroriste, NDLR] m'avait indiqué qu'il n'y avait rien de signalé sur Farid Benyettou depuis sa sortie de prison en 2009, mais qu'un terroriste restait un terroriste. Et ça je ne peux pas l'accepter, ça va contre l'idée même de la déradicalisation !"
Après des heures et des heures d'entretien, l'anthropologue en est convaincue : Farid Benyettou est bien un repenti, et elle veut le faire témoigner auprès de jeunes pour les désembrigader. Mais le ministère de l'Intérieur le lui interdit. Craignant que Farid Benyettou ne soit pas vraiment repenti, mais joue seulement un rôle, en adepte de la taqiya (la dissimulation).
En février 2016, Dounia Bouzar annonce qu'elle renonce à sa subvention publique de 600.000 euros - "je n'étais pas d'accord avec la déchéance de nationalité", dit-elle - alors que les controverses se multiplient sur ses activités. Dernier épisode en date, comme l'évoque le site du "Point": un enregistrement pirate publié jeudi après-midi sur le site du CPDSI (Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam) d'un comité de pilotage interministériel.
"Lilia, ma fille et collaboratrice, l'a publié, elle a craqué, elle n'en peut plus qu'on soit traitées de menteuses. Nous avons de nous même décidé de ne plus travailler avec le gouvernement, et non le contraire! Cela fait plusieurs mois que nous sommes attaquées sur notre bilan. Alors qu'on a des menaces continuelles de Daech, qu'on a échappé à deux tentatives d'attentat: j'ai dû déménager deux fois et je suis sous protection permanente", nous explique Dounia Bouzar.
Son centre continue de fonctionner jusqu'en août 2016.
"J'ai désobéi. J'ai fait témoigner Farid. Pour les jeunes radicalisés, rien de plus fort que la parole d'un repenti. Farid a réussi à empêcher une trentaine de départs."
Aujourd'hui, Dounia Bouzar a repris ses activités de conseil aux collectivités locales et elle a décidé de salarier Benyettou. "J'espère convaincre les unités d'anti-radicalisation que nous avons formées de le faire témoigner." Ce qui à l'heure actuelle, semble un poil compliqué, vu le pedigree du bonhomme…
"Tout ce qui en dessous des mollets restera en enfer"
L'itinéraire de Benyettou constitue pourtant une passionnante plongée dans le processus d'embrigadement et ses mécanismes. L'histoire d'un jeune garçon du 19e arrondissement de Paris, élevé dans une famille musulmane plutôt pieuse, bénévole au sein du Secours Islamique, qui passe tous ses étés "en colonies de vacances avec les Frères musulmans de Château Chinon", et qui à l’adolescence, est en quête de "plus".
"J'ai commencé à porter le quamis, c'était comme une armure, un signe de reconnaissance. Les frères musulmans m'ont alors reproché de virer salafiste. Je me souviens d'une photo de groupe où ils m'avaient coupé, à cause de mon look intégriste. Ce rejet-là, cela m'a fait basculer".
Benyettou se réfugie dans le salafisme, l'application stricte de la religion. Au lycée Voltaire, dans le 11e arrondissement, il est surnommé "l'imam", fait la leçon aux filles musulmanes non voilées, explique que la musique est "haram", retrousse soigneusement ses jeans le plus haut possible sur ses mollets, car selon les salafis "tout ce qui est en dessous des mollets restera en enfer", proscrit toute photographie, car c’est une représentation du vivant...
"J'étais terrifié par l'enfer. Quand j'allais dans un supermarché, j'avais peur qu'il y ait la radio, je ressortais tout de suite, quand j'entendais de la musique."
Farid vit dans la peur perpétuelle de tomber dans le "chirk", bref, de trahir sa religion.
"Le problème c'est qu'on peut faire du chirk sans le savoir. Par exemple, si vous dites que vous adorez le chocolat, ou telle star de foot, c’est interdit, car vous n’êtes censés adorer que Dieu. Donc je me torturais sans cesse pour savoir si oui ou non j'étais sur la bonne voie."
L’adolescent fait des rencontres. Un cheikh surnommé "Cheikh Coco", algérien, spécialiste de l'exorcisme, et prônant le djihad en Afghanistan, le fascine et devient son modèle. Après le 11-Septembre, Benyettou rencontre un petit groupe de jeunes du 19e, qui fréquente une mosquée près du métro Stalingrad. Il incarne rapidement leur mentor.
Dans ce petit groupe, qui deviendra la tristement connue "filière des Buttes Chaumont", on trouve Cherif Kouachi. Mais aussi "Peter Cherif", l'un des terroristes les plus recherchés du monde, sur la liste noire des services secrets américains, qui serait aujourd'hui en Syrie. Benyettou ne partira lui cependant nulle part : il se fait arrêter par la police en 2005. Lors de sa garde à vue, il "assume" tout. "Je voulais rester fidèle à mes convictions", dit-il.
"Star" en prison
En prison, il n’a qu’une obsession : "Je voulais retrouver d’autres 'frères'." Etre un "DPS" - détenu particulièrement signalé -, islamiste condamné pour "terro", donne un certain statut en prison :
"On est respectés en tant que terroriste. Je me souviens d’un autre détenu qui lançait toujours des 'Allahou Akbar', restait toujours avec moi, pour se faire passer pour un islamiste. J’ai découvert bien après qu’il avait été condamné pour pédophilie."
La prison est aussi, paradoxalement, l’endroit qui permettra à Farid Benyettou de s’ouvrir au monde :
"En prison, j’ai pu passer mon bac, prendre des cours de maths et d’histoire, faire des ateliers de théâtre, de cinéma… J’avais toujours vécu en milieu clos."
Quand il est transféré à Osny, au bout de deux ans de peine, il a changé. Dans sa cellule, il écoute Radio Beur, et en cachette, un peu de musique : "Jamais j’aurais assumé de le dire !" C’est lui pourtant la star, à Osny. Sabri Essid, le beau frère de Merah, fait ainsi des pieds et des mains pour être dans son bâtiment :
"Sabri Essid était dans l’ostentation, il rêvait d’être un émir, de se montrer, devenir célèbre. Il avait enregistré tous les reportages me concernant sur la filière des Buttes Chaumont sur des cassettes vidéos! J’étais un peu comme une vedette pour lui. Mais il a vite été déçu."
Farid Benyettou n’est plus assez radical aux yeux du futur cadre de Daesh. Il sympathise avec des mécréants, des Basques et des Corses. Par exemple son voisin de cellule qui lui a prêté une Gamecube.
"Je l’ai filé à Sabri Essid. Il était super content de pouvoir jouer avec. Mais quand il a su que ça venait du Corse, il me l’a rendu d’un air dégoûté."
Benyettou est toujours sous influence du groupe. Tiraillé, il révoque par exemple son avocat pour son procès, comme l’en enjoignent des "frères" codétenus. Et lors du procès, il convient avec tous ses copains du 19e de refuser de se lever à l’entrée de la juge. "C’était faire du chirk."
Il le garde toujours dans son sac, comme un talisman : un petit pin’s noir "je suis Charlie". On se pince. Oui, on est bien face à Farid Benyettou, l'ex-mentor des frères Kouachi… Il a enlevé ses lunettes de soleil qu'il met toujours devant la télé ou les photographes - "j'ai peur qu'on me reconnaisse"- et devant ce jeune homme quasi imberbe, qui fait bien plus jeune que ses 35 ans, on peine à retrouver l'image de "l'émir des Buttes Chaumont" en barbe et keffieh, qui avait tourné en boucle dans les medias après les attentats de "Charlie Hebdo".
En janvier 2015, Farid Benyettou terminait ses études à l'école d'infirmier : il est à la Pitié Salpêtrière, en stage, là où ont été envoyées les victimes de "Charlie Hebdo" et de l'Hyper Casher. Scandale quand son identité est révélée.
"On a interrompu mon stage, alors. C'était normal. Mais j'ai quand même eu mon diplôme en mars. Même si je ne sais pas si je peux vraiment exercer, vu que le Conseil de l'ordre a condamné le fait que je travaille à l'hôpital."
Quand il a entendu à la télévision que les frères Kouachi étaient les auteurs de la tuerie, Farid Benyettou s'est de lui-même rendu à la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) pour dire ce qu'il savait sur eux, et notamment sur Cherif, dont il fut très proche : les agents, le voyant débarquer, l'immobilisent, craignant un attentat suicide dans leurs locaux, avant de comprendre qu'il vient témoigner… A l'époque, il répète aux journalistes qu'il a changé, notamment à Mediapart, auprès de qui il se confie, longuement. Il arbore le petit badge "je suis Charlie" qu’un cameraman lui a donné. "C'était affirmer aux yeux de tous que j'avais rompu avec le Farid d'avant".
"J'étais moi-même sous emprise"
Aujourd'hui, l'ex-émir des Buttes Chaumont sort "Mon jihad", un livre confession co-écrit avec Dounia Bouzar, l'icône médiatique de la déradicalisation. (1) Un coup de com, que d’aucuns pourraient trouver déplacé alors qu’on commémore le deuxième anniversaire des attentats ?
En vérité, je voudrais me faire oublier, ce serait tellement plus simple. C’est compliqué de sortir ce livre. S’afficher comme repenti, c'est passer pour un traître aux yeux de certains, c’est s'exposer aux menaces…
Mais j'ai l'impression que j'ai une dette morale. Et avec tout ce qui s’est passé, je me sens coupable de ne rien faire. Ce livre, c'est une thérapie. Il faut que j'assume que j'ai aussi du sang sur les mains: je ne peux plus être dans le déni, j'ai adhéré à une idéologie meurtrière, je l'ai propagé. Parce que j'étais moi-même sous emprise."
"Farid a empêché une trentaine de départs"
A côté de son protégé, Dounia Bouzar acquiesce. C'est à l'automne 2015 que Farid Benyettou tente de la joindre. Il veut témoigner, aider d'autres jeunes à se désembrigader : il a même appelé le numéro vert Stop Jihadisme. En vain. Dounia Bouzar lui répond au téléphone, mais elle a en revanche interdiction de le rencontrer :
"L'Uclat [Unité de coordination de la lutte anti-terroriste, NDLR] m'avait indiqué qu'il n'y avait rien de signalé sur Farid Benyettou depuis sa sortie de prison en 2009, mais qu'un terroriste restait un terroriste. Et ça je ne peux pas l'accepter, ça va contre l'idée même de la déradicalisation !"
Après des heures et des heures d'entretien, l'anthropologue en est convaincue : Farid Benyettou est bien un repenti, et elle veut le faire témoigner auprès de jeunes pour les désembrigader. Mais le ministère de l'Intérieur le lui interdit. Craignant que Farid Benyettou ne soit pas vraiment repenti, mais joue seulement un rôle, en adepte de la taqiya (la dissimulation).
En février 2016, Dounia Bouzar annonce qu'elle renonce à sa subvention publique de 600.000 euros - "je n'étais pas d'accord avec la déchéance de nationalité", dit-elle - alors que les controverses se multiplient sur ses activités. Dernier épisode en date, comme l'évoque le site du "Point": un enregistrement pirate publié jeudi après-midi sur le site du CPDSI (Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam) d'un comité de pilotage interministériel.
"Lilia, ma fille et collaboratrice, l'a publié, elle a craqué, elle n'en peut plus qu'on soit traitées de menteuses. Nous avons de nous même décidé de ne plus travailler avec le gouvernement, et non le contraire! Cela fait plusieurs mois que nous sommes attaquées sur notre bilan. Alors qu'on a des menaces continuelles de Daech, qu'on a échappé à deux tentatives d'attentat: j'ai dû déménager deux fois et je suis sous protection permanente", nous explique Dounia Bouzar.
Son centre continue de fonctionner jusqu'en août 2016.
"J'ai désobéi. J'ai fait témoigner Farid. Pour les jeunes radicalisés, rien de plus fort que la parole d'un repenti. Farid a réussi à empêcher une trentaine de départs."
Aujourd'hui, Dounia Bouzar a repris ses activités de conseil aux collectivités locales et elle a décidé de salarier Benyettou. "J'espère convaincre les unités d'anti-radicalisation que nous avons formées de le faire témoigner." Ce qui à l'heure actuelle, semble un poil compliqué, vu le pedigree du bonhomme…
"Tout ce qui en dessous des mollets restera en enfer"
L'itinéraire de Benyettou constitue pourtant une passionnante plongée dans le processus d'embrigadement et ses mécanismes. L'histoire d'un jeune garçon du 19e arrondissement de Paris, élevé dans une famille musulmane plutôt pieuse, bénévole au sein du Secours Islamique, qui passe tous ses étés "en colonies de vacances avec les Frères musulmans de Château Chinon", et qui à l’adolescence, est en quête de "plus".
"J'ai commencé à porter le quamis, c'était comme une armure, un signe de reconnaissance. Les frères musulmans m'ont alors reproché de virer salafiste. Je me souviens d'une photo de groupe où ils m'avaient coupé, à cause de mon look intégriste. Ce rejet-là, cela m'a fait basculer".
Benyettou se réfugie dans le salafisme, l'application stricte de la religion. Au lycée Voltaire, dans le 11e arrondissement, il est surnommé "l'imam", fait la leçon aux filles musulmanes non voilées, explique que la musique est "haram", retrousse soigneusement ses jeans le plus haut possible sur ses mollets, car selon les salafis "tout ce qui est en dessous des mollets restera en enfer", proscrit toute photographie, car c’est une représentation du vivant...
"J'étais terrifié par l'enfer. Quand j'allais dans un supermarché, j'avais peur qu'il y ait la radio, je ressortais tout de suite, quand j'entendais de la musique."
Farid vit dans la peur perpétuelle de tomber dans le "chirk", bref, de trahir sa religion.
"Le problème c'est qu'on peut faire du chirk sans le savoir. Par exemple, si vous dites que vous adorez le chocolat, ou telle star de foot, c’est interdit, car vous n’êtes censés adorer que Dieu. Donc je me torturais sans cesse pour savoir si oui ou non j'étais sur la bonne voie."
L’adolescent fait des rencontres. Un cheikh surnommé "Cheikh Coco", algérien, spécialiste de l'exorcisme, et prônant le djihad en Afghanistan, le fascine et devient son modèle. Après le 11-Septembre, Benyettou rencontre un petit groupe de jeunes du 19e, qui fréquente une mosquée près du métro Stalingrad. Il incarne rapidement leur mentor.
Dans ce petit groupe, qui deviendra la tristement connue "filière des Buttes Chaumont", on trouve Cherif Kouachi. Mais aussi "Peter Cherif", l'un des terroristes les plus recherchés du monde, sur la liste noire des services secrets américains, qui serait aujourd'hui en Syrie. Benyettou ne partira lui cependant nulle part : il se fait arrêter par la police en 2005. Lors de sa garde à vue, il "assume" tout. "Je voulais rester fidèle à mes convictions", dit-il.
"Star" en prison
En prison, il n’a qu’une obsession : "Je voulais retrouver d’autres 'frères'." Etre un "DPS" - détenu particulièrement signalé -, islamiste condamné pour "terro", donne un certain statut en prison :
"On est respectés en tant que terroriste. Je me souviens d’un autre détenu qui lançait toujours des 'Allahou Akbar', restait toujours avec moi, pour se faire passer pour un islamiste. J’ai découvert bien après qu’il avait été condamné pour pédophilie."
La prison est aussi, paradoxalement, l’endroit qui permettra à Farid Benyettou de s’ouvrir au monde :
"En prison, j’ai pu passer mon bac, prendre des cours de maths et d’histoire, faire des ateliers de théâtre, de cinéma… J’avais toujours vécu en milieu clos."
Quand il est transféré à Osny, au bout de deux ans de peine, il a changé. Dans sa cellule, il écoute Radio Beur, et en cachette, un peu de musique : "Jamais j’aurais assumé de le dire !" C’est lui pourtant la star, à Osny. Sabri Essid, le beau frère de Merah, fait ainsi des pieds et des mains pour être dans son bâtiment :
"Sabri Essid était dans l’ostentation, il rêvait d’être un émir, de se montrer, devenir célèbre. Il avait enregistré tous les reportages me concernant sur la filière des Buttes Chaumont sur des cassettes vidéos! J’étais un peu comme une vedette pour lui. Mais il a vite été déçu."
Farid Benyettou n’est plus assez radical aux yeux du futur cadre de Daesh. Il sympathise avec des mécréants, des Basques et des Corses. Par exemple son voisin de cellule qui lui a prêté une Gamecube.
"Je l’ai filé à Sabri Essid. Il était super content de pouvoir jouer avec. Mais quand il a su que ça venait du Corse, il me l’a rendu d’un air dégoûté."
Benyettou est toujours sous influence du groupe. Tiraillé, il révoque par exemple son avocat pour son procès, comme l’en enjoignent des "frères" codétenus. Et lors du procès, il convient avec tous ses copains du 19e de refuser de se lever à l’entrée de la juge. "C’était faire du chirk."
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