Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Maroc : quand les routes de la cocaïne empruntent celles du hash

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Maroc : quand les routes de la cocaïne empruntent celles du hash

    Maroc : quand les routes de la cocaïne empruntent celles du hash



    Des frictions se sont produites entre la Police nationale espagnole qui s’apprêtait à arraisonner, à la mi-novembre, un bateau de pêche suspect à 30 milles de Dakhla (Sahara occidental) et leurs collègues marocains de la Direction générale de surveillance du territoire (DGST). Argumentant que c’était « leurs eaux » territoriales, les agents marocains ont devancé les espagnols, perquisitionné le chalutier et saisi la cargaison.

    Trois semaines plus tard, le ministre espagnol de l’Intérieur, Juan Ignacio Zoido, s’est néanmoins réjoui dans un communiqué de « l’excellente coopération » entre Rabat et Madrid lors de cette première opération conjointe contre le trafic de cocaïne par voie maritime. La prise était grosse : 2,575 tonnes de cocaïne et 24 arrestations au Maroc et en Espagne de citoyens marocains, espagnols et colombiens.

    La presse s’est fixée sur l’énorme montagne de poudre blanche cristalline saisie à bord, mais l’enjeu de l’opération va bien au-delà. Elle confirme une vielle crainte des polices européennes : « Le trafic de cocaïne à travers les routes déjà existantes pour d’autres drogues, comme celles du cannabis, est une préoccupation grandissante (…) ».

    Cette phrase est extraite du rapport annuel sur le marché de la drogue en Europe publié en décembre dernier par le Centre européen du monitoring des drogues (European Monitoring Center for Drugs) qui dépend d’Europol, l’organe policier européen de coordination de la lutte contre la délinquance.

    Le rapport donne même des exemples : « (…) Un groupe qui trafique avec de la résine de cannabis du Maroc vers la péninsule Ibérique peut facilement utiliser les mêmes personnes, les mêmes routes et les mêmes moyens de transport pour trafiquer avec de la cocaïne qui transite par l’Afrique occidentale » entre l’Amérique Latine, son lieu de production, et l’Europe, son lieu de consommation. L’itinéraire est le même mais les gains sont bien plus juteux.

    Les routes ne sont pas uniquement maritimes comme pourrait le faire penser l’opération de police de la mi-novembre. La DGSN marocaine a publié, début janvier, un communiqué bilan de ses activités, particulièrement intenses, des trois dernières semaines du mois de décembre. Elle y signale avoir saisi 6,763 tonnes de cocaïne ! Une bonne partie de la drogue a été confisquée à terre.




    Pourquoi, d’ailleurs, ne pas écourter le temps de voyage et fabriquer sur place, au Maroc ? Début septembre 2016 la DGSN a démantelé à Bouchtat, entre Oujda et la frontière algérienne, un laboratoire équipé pour la production de cocaïne et 200 kilos de poudre blanche. Deux péruviens, qui apprenaient à cinq marocains l’usage du matériel de fabrication, ont été arrêtés.

    Le centre d’études sur les drogues d’Europol rappelle, pour la énième fois, dans son rapport que le Maroc est le plus grand exportateur de cannabis vers l’Europe et le premier producteur mondial avec l’Afghanistan. La part du cannabis équivaut à 38% du marché de la drogue dans le Vieux Continent qui s’élève annuellement à 24 milliards d’euros. La cocaïne représente 24%.

    Les autorités marocaines ont beau avoir annoncé que certaines provinces étaient désormais libres de plantations de haschich –la surface cultivée s’est réduite de 134.000 hectares en 2003 à 47.500 en 2011– la production reste cependant à peu près stable. Comment est-ce possible ? Grâce à « des méthodes de culture améliorées qui ont permis que les plantes de cannabis poussent plus vite, produisent davantage de sommités fleuries et contiennent aussi une concentration plus élevée du principal psychoactif (…) », explique le Centre européen du monitoring des drogues.

    « Il y a eu donc une transition à la culture de plantes de plus forte puissance et aussi à la production d’une résine plus forte », précise le rapport. « La puissance moyenne des produits à base d’herbes et de résines disponibles en Europe a presque doublé au cours de la décennie, les prix n’ayant augmenté que légèrement », conclut-il.

    Si rien n’a entravé cette transformation de la culture du hash c’est qu’elle jouit d’une certaine complaisance au Maroc et même, dans une moindre mesure, en Europe. « La tolérance de cette activité illégale procède (…) des révoltes passées des Berbères du Rif donnant encore aujourd’hui du poids aux revendications qu’ils font de leur droit à cultiver le cannabis, droit qu’ils estiment avoir acquis grâce à ces rébellions et en guise de réponse au profond sous-développement de leur région », affirme régulièrement dans ses écrits Pierre-Arnaud Chouvy, chercheur au Centre national de la recherche scientifique.



    « Mais cette tolérance s’explique aussi par le caractère explosif que l’application effective d’une prohibition du cannabis aurait en termes économiques et sociaux (…) » pour le Rif et l’ensemble du Maroc, explique Pierre-Arnaud Chouvy. Les européens du Sud ne font d’ailleurs pas trop pression sur le Maroc car ils craignent avant tout une déstabilisation du royaume qu’ils considèrent comme un rempart contre l’immigration irrégulière et le terrorisme. Comment d’ailleurs poursuivre avec acharnement un produit dont la consommation à petites doses est permise dans nombre de pays européens comme les Pays-Bas, la Belgique ou l’Espagne ?

    La tolérance envers la résine de cannabis a ouvert aux trafiquants de nouveaux canaux pour introduire la cocaïne en Europe. Cette tolérance a vraisemblablement eu, pendant quelques mois, une autre conséquence navrante. Elle a permis à des organisations terroristes comme l’État islamique de se financer.

    Le rapport du Centre européen du monitoring des drogues signale « l’usage à partir du Maroc de bateaux qui transportent la résine de cannabis vers l’est de la Méditerranée, vers des pays d’Afrique du Nord où les organisations criminelles peuvent tirer parti d’un environnement sécuritaire instable ». L’allusion à la Libye est évidente même si elle n’est pas nommée.



    Le New York Times n’a pas à mesurer ses mots comme le rapport. Dans une longue enquête publiée en septembre dernier, le quotidien américain dévoilait qu’à partir de février 2013, la Guardia di Finanza italienne avait arraisonné vingt navires avec, en tout, 280 tonnes de cannabis à bord qui avaient apparemment transité par des zones de Libye contrôlées par l’État islamique. Celui-ci aurait prélevé une « taxe » pour laisser passer cette marchandise illégale.

    Les déconvenues des djihadistes en Libye -ils ont pratiquement été balayés du bord de mer- expliquent peut-être pourquoi ces derniers mois les garde-côtes de la Guardia di Finanza italienne ne font presque plus de saisies dans les eaux proches de la Sicile.


    .tsa
    "Les petits esprits parlent des gens, les esprits moyens parlent des événements, les grands esprits parlent des idées, et les esprits supérieurs agissent en silence."

  • #2
    au pays du diable

    Commentaire

    Chargement...
    X