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Cheikh al Islam Ibn Taymiyya à propos de la Raison et la Révélation

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  • Cheikh al Islam Ibn Taymiyya à propos de la Raison et la Révélation

    Citation d'Abu Sulayman al Kaa'bi, (Historien et théologien musulman francophone) s'adressant à un lecteur le questionnant sur la vision d'Ibn Taymiyya sur la philosophie et la Raison.

    Réponse: Cette question revient effectivement de manière récurrente dans toutes nos publications. Je ferais remarquer pour commencer, et pour bien poser problématique, qu’Ibn Rushd (Averroès) et Ibn Taymiyya disaient tout deux « Raison et Révélation ne sont pas contradictoires ». Cette formulation en apparence similaire devrait susciter des interrogations chez beaucoup, car si l’un (Averroès) est adulé par les Occidentaux et par les Arabes qui cherchent l’agrément des Occidentaux et qu’il est considéré unanimement comme un esprit « libéral et ouvert », le second (Ibn Taymiyya) est tout aussi unanimement détesté par les Occidentaux et une grande partie des Musulmans (ce qui est déjà suffisant pour susciter notre sympathie et le valoriser dans nos écrits), et considéré comme un ennemi de la Raison et le père de l’obscurantisme , etc. Pourtant, Ibn Taymiyya était loin d’être un conservateur fermé à tout ce qui serait étranger aux textes révélés. Il faisait du slogan « Raison et Révélation ne se contredisent pas » le fil rouge de toute son œuvre, jusqu’à en faire le titre de l’un de ses ouvrages (dar’ ta’ârudh al’aql wa an-naql).

    Cela signifierait-il qu’Averroès et Ibn Taymiyya partageaient la même conception du savoir ? Absolument pas, ils professaient au contraire deux doctrines épistémologiques totalement opposées. Si leurs formules se ressemblaient, leur désaccord portait en fait sur la définition des mots, plus précisément sur la définition des deux volets de ce slogan, ce qui soulève deux questions : qu’est-ce que la Raison (1) et qu’est-ce que la Révélation (2) ?

    1.0 LA RAISON

    Concernant la Raison : Ibn Rushd utilise indifféremment dans ses textes les concepts de « raison » (‘aql), « philosophie » (falsafa) et « sagesse » (hikma), qui sont pour lui de simples synonymes. Cette imprécision dans les termes lui permet de trouver dans les versets du Coran une justification à l’activité philosophique, puisque certains versets évoquent la nécessité de raisonner et réfléchir (« voilà des signes pour un peuple qui raisonne ? » Coran 2.164) et d’autres versets évoquent le concept de sagesse (« Il lui enseigna le Livre et la Sagesse » Coran 2.129), ce qui permet à Ibn Rushd de créer un lien avec l’étymologie grecque du terme philosophie (sophia = sagesse). Si la Philosophie et la Raison désignent la même chose, alors dans ce cas les versets qui incitent à « raisonner » feraient effectivement l’apologie de la philosophie. Il fusionne donc Raison et Philosophie et les considère comme des termes synonymiques et interchangeables, car la Raison, pour lui, n’est rien d’autre que la production écrite des philosophes grecs. En conséquence, quand Ibn Rushd dit : « la Raison et la Révélation ne sont pas contradictoires », il faut comprendre « la philosophie d’Aristote et les contraintes dogmatiques de l’Islam ne sont pas contradictoires (quand on manipule les textes révélés) ».

    Il s’agit bien évidemment de graves confusions sémantiques qui s’expliquent soit par une manipulation délibérée des mots afin de convaincre un public sensible au vocabulaire religieux, (c’est l’avis de certains auteurs occidentaux, tel Léo-Strauss, qui affirmait qu’Ibn Rushd dissimulait derrière des références islamiques un profond mépris pour la religion), soit il s’agit d’une incapacité à faire des distinctions sémantiques élémentaires (je penche pour cette deuxième explication). Ibn Taymiyya s’oppose à lui sur ce point en distinguant nettement Raison et Philosophie, selon deux argumentations

    1.1 Il rappelle premièrement cette évidence : les philosophies peuvent se tromper. C’est à dire que se réclamer de la Raison, en faire même un objet de culte, ne suffit pas à éviter les erreurs de raisonnement et à incarner réellement « la Raison ». Alors qu’Ibn Rushd lit Aristote avec une ferveur naïve et quasi-religieuse, Ibn Taymiyya lit et étudie les textes philosophiques mais avec prudence et esprit critique, ce qui peut l’amener à valider certains de leurs raisonnements lorsqu’ils sont corrects, mais aussi à critiquer les erreurs logiques.

    Contrairement aux vrais traditionnalistes, Ibn Taymiyya ne recours pas systématiquement à des arguments religieux dans cette critique de la philosophie, car il sait que ses adversaires n’y sont pas sensibles. Il se contente de pointer les erreurs « rationnelles » des textes. Dans la « lettre palmyrienne », il consacre par exemple un long passage à contester la typologie des contradictoires présente dans la logique aristotélicienne. Les rationalistes musulmans utilisaient cette classification forgées par les philosophes grecs, dans le but de nier certaines descriptions de Dieu dans le Coran (Lettre palmyrienne. Epitre I, chapitre 3). Ibn Taymiyya démontre point par point les erreurs logiques présentes dans cette classification et propose même une autre classification logique qui prouve que les noms et attributs divins présents dans la révélation sont parfaitement rationnels. De ce fait, quand ce dernier affirme que la Raison est conforme à la Révélation, il signifie qu’un raisonnement correct amène à confirmer la véracité des textes révélés, alors que les philosophies et les rationalistes opposent à la religion des thèses philosophiques qui reposent sur des raisonnements fallacieux.

    Pour transposer à notre époque la différence entre Ibn Rushd et Ibn Taymiyya et pour exposer toute la pertinence de ce dernier dans notre contexte, on dirait que le premier est semblable aux Arabes laïcs qui manifestent une admiration béate envers la production intellectuelle occidentale comme si la science sous sa forme actuelle était une vérité incontestable. Ils transfèrent paradoxalement envers des auteurs séculiers une foi toute « religieuse », tandis que nous, en tant que musulmans occidentaux (convertis ou natifs d’occident), n’éprouvons aucun complexe d’infériorité vis-à-vis des auteurs occidentaux, ce qui nous permet de reconnaître leurs qualités quand il y en a, mais aussi d’appréhender leurs productions avec un regard distant et critique (ce qui est justement peu apprécié par les intéressés). D’ailleurs, Ibn Taymiyya était originaire de la ville Harrân, centre des études philosophiques dans la région, ce qui explique sa double érudition : islamique et philosophique, et son sens critique.

    1.2 Par ailleurs, Ibn Rushd utilise la définition « populaire » de la philosophie, qui consiste à considérer la philosophie comme le simple fait de réfléchir. « La philosophie n’est rien d’autre que le fait d’étudier les choses existantes » affirme-t-il dans Fasl al-Maqâl. Dans ce cas en effet, la philosophie ne serait pas contradictoire avec la religion. Cependant, Ibn Taymiyya démontre que la philosophie n’est pas le simple fait de réfléchir, mais qu’il s’agit d’une véritable doctrine née avec Platon qui conçoit le langage comme supérieur au réel, contrairement à l’Islam où le langage n’est que la tentative de représenter le Réel et non l’inverse. J’ai tenté d’expliciter ce point fondamental dans la préface de la Tadmuriyya [1]. Mais je suis conscient qu’il est particulièrement dur à comprendre et qu’il faudra le développer dans d’autres écrits pour le rendre plus limpide dans l’esprit de nos contemporains. Il faut retenir ici qu’Ibn Taymiyya considère Raison et Révélation comme concordants, mais la Philosophie et la Religion comme opposées.

    1.3 La métaphysique : L’autre point de divergence entre les deux auteurs sur la définition de la Raison consiste à identifier son champ d’application. Pour les philosophes arabes, les textes philosophiques sont en concurrence avec les révélations car ils prétendent pouvoir déduire des connaissances sur les réalités transcendantes (Dieu, les anges, l’âme, l’au-delà, etc.) grâce à des raisonnements logiques et sans recours à des révélations divines. Cependant, cette branche de la philosophie appelée Métaphysique pouvait entrer en contradiction évidente avec les textes révélés. Par exemple, Aristote affirmait que le monde n’a pas de commencement, qu’il n’a pas été créé et qu’il n’a pas de fin, ce qui entre en contradiction évidente avec le Coran qui affirme que le monde a été créé par Dieu. Dans ce cas, les falâsifa soit rejetaient la validité de la religion, soit ils escamotaient les textes pour les faire concorder avec la philosophie.

    Averroès utilisait le deuxième procédé. Or, pour Ibn Taymiyya la raison seule est incapable de bâtir une connaissance sûre sur une réalité qui nous échappe, puisque la Raison humaine ne peut analyser que les choses appréhendables par les sens et l’expérience. Il conteste ainsi aux philosophes leur prétention à spéculer sur la nature de l’âme en utilisant des procédés logiques, car il s’agit d’une substance par nature inconnue et inaccessible aux sens : « Cependant, l’entendement humain est trop limité pour concevoir la nature réelle de l’âme ou en délimiter les contours, car il ne l’a jusqu’à présent pas vu, ni rien vu de semblable dans le visible. Or, on ne peut connaitre réellement une chose qu’après avoir appréhendée cette chose par l’expérience ou appréhendée quelque chose qui lui est analogue. » (Lettre palmyrienne. p87). C’est cette formidable définition de la Raison qui sera reprise des siècles plus tard par les philosophes européens dans leur critique de la pensée d’Aristote. Emmanuel Kant contestait la « raison pure » et Voltaire la métaphysique en soulignant tout deux que la Raison ne peut s’exercer sur des sujets inaccessibles aux sens humains et à l’expérimentation. Cependant, les « philosophes des lumières » défendaient cette argumentation avec l’objectif de rejeter toute possibilité de connaissance métaphysique, alors que pour Ibn Taymiyya la Révélation est justement là pour palier aux limites de l’entendement humain, en offrant des informations sur une réalité transcendante qui échappe à la Raison.
    Ma nnan-ay-d matta teliḍ? Assen-iniɣ
    Amezwaru nečč d-ineslem din d-amaziɣ din d-adzayri

  • #2
    2.0 LA REVELATION

    Concernant maintenant les concepts de « Révélation » et de « Religion », les définitions varient là aussi d’un auteur à l’autre. De même qu’Ibn Rushd confond Raison et Philosophie, il utilise les notions d’Islam, Religion (dîn), de Shar’ ou Sharî’a comme de parfaits synonymes. Cette confusion nous révèle la manière dont il concevait la religion musulmane et qui est propre au milieu dont il est issu (le milieu des juristes). Comme beaucoup de lettrés mondains de son temps, il éprouvait une profonde attirance pour la philosophie, mais sans se résoudre à écarter la religion à laquelle il restait attaché pour des raisons familiales et identitaires. Il ne pouvait d’ailleurs sacrifier la religion sans sacrifier le rang social et le prestige qu’il en retirait en tant que juriste malékite et héritier d’une longue lignée de fuqaha.

    La religion pour lui n’est rien d’autre qu’une Sharî’a, une Législation, un ensemble de rites et de contraintes morales et pratiques. Aussi, quand il met en parallèle philosophie et religion, c’est seulement pour savoir si la religion « autorise » ou « interdit » cela, comme dans ce passage : « La question est de savoir, d’un point de vue shar’î (juridique/religieux) si l’étude de la philosophie et des sciences logiques est autorisé par la religion (shar’), interdite, ou obligatoire. » (Fasl al-Maqâl). On comprend maintenant pourquoi il estime que les versets qui incitent à « réfléchir sur la création des cieux et de la Terre » justifient le recours à la philosophie : puisque la Révélation selon lui n’est qu’un ensemble d’actions pratiques et non un cadre de réflexion.

    2.1 Informatif et performatif
    : En réalité, la révélation musulmane n’est pas un simple ensemble de rites et d’interdits, mais avant tout une conception de la réalité (‘aqîda), une doctrine complète qui englobe le « comprendre » et l’« agir », ou pour reprendre la typologie d’Ibn Taymiyya l’ « informatif » et le « performatif » (Lettre palmyrienne.p36). Celui-ci, d’ailleurs, contrairement à Ibn Rushd, n’était pas juriste (faqîh) car la religion ne se limite pas à l’ « agir ». Sa spécialité, l’hérésiologie, était l’étude des doctrines religieuses ou philosophiques et surtout les lois universelles qui régissent la naissance, le développement et la dégradation des doctrines. Il utilisait les textes révélés pour jeter un éclairage sur ces phénomènes et renouait ainsi avec la conception de la Révélation qui prévalait au début de l’Islam, avant l’institutionnalisation des sciences religieuses.

    Par exemple, à travers l’éclairage qu’offre le Coran sur la rivalité entre judaïsme et christianisme autour de la figure de Jésus, exécré par les uns et adulé par les autres, Ibn Taymiyya en déduit une loi générale sur l’apparition des sectes et des courants religieux : en voulant contester un défaut réel dans un courant existant (les Juifs contestent la divinisation de Jésus), un autre courant se forme par opposition en prenant le contrepied total et sombrant dans un autre excès (Ils insultent Jésus). Il observe qu’à l’intérieur même de la civilisation musulmane, les doctrines et les courants se divisent de manière cyclique selon le même schéma. C’est ainsi que les courants rationalistes musulmans, voulant « fuir » et dénoncer le caractère anthropomorphiste des courants littéralistes, créent par réaction un abstractionnisme extrême en contestant tout attribut à Dieu, réduit à un simple concept : « Les tenants de ces doctrines ont tous pour caractéristique de fuir une thèse [fausse] et de tomber en conséquence dans une thèse similaire, et parfois dans une thèse bien pire avec tout ce qu’elle implique d’altération et de négation. » (Lettre palmyrienne. P51)

    Cet exemple montre qu’Ibn Taymiyya accordait Raison et Révélation, car il étudie des passages du texte révélé et dirige sa réflexion pour en faire un éclairage sur des phénomènes observables (l’histoire des idées et des doctrines) et en déduire des « lois ». A travers son œuvre, les versets et les hadiths étaient le moteur d’une réflexion et non une limite à la réflexion, ce qui donnait à ses analyses une profondeur et une pertinence qui surpassait de loin Ibn Rushd et tous les « lettrés mondains » de son temps.

    2.2 En conséquence de tout cela, la vraie différence entre les deux auteurs, c’est qu’Ibn Rushd définit la Raison comme un ensemble fixe de connaissances (en l’occurrence il s’agit des écrits d’Aristote qu’il considère comme étant la mesure de tout savoir). En tant que « philosophe », il était préoccupé par les contradictions entre deux types de connaissances : les thèses d’Aristote d’un côté et les textes religieux de l’autre. Mais pour Ibn Taymiyya, il y a bien une contradiction entre les deux car une grande partie des thèses philosophiques sont fausses et contraires à la Raison. Pour lui, la Raison désigne l’activité intellectuelle en elle-même. Dans la Tadmuriyya, il en donne d’ailleurs une définition assez pertinente : la Raison c’est « rassembler les éléments similaires et distinguer les éléments divergents » (Lettre palmyrienne. p51). En d’autres mots, il s’agit de la capacité de l’homme à créer des catégories et des distinctions de langage pour donner une représentation la plus précise possible de la réalité, et non un ensemble fixe de textes et de connaissances. Cette activité, loin d’être contradictoire avec la Religion, constitue la fonction dévolue à l’Homme et le moyen d’analyser et d’exploiter les textes religieux.

    3.0 CONCLUSION : QUELLE METHODOLOGIE ADOPTER A NOTRE EPOQUE ?

    Maintenant, pour transposer cette question à notre époque et à notre réalité, je pense qu’il faut reformuler les termes. Ce n’est pas le rapport Raison/Révélation qui est problématique, car la Révélation est un ensemble de données et la Raison est une activité qui consiste à traiter et analyser des données. Ce qui est problématique, c’est la relation entre données empiriques et données révélées. Au lieu d’étudier la religion comme un domaine fermé, la méthode d’Ibn Taymiyya consistait à l’utiliser comme un moyen de rendre intelligible des informations empiriques. C’est à dire que la Raison est le moteur qui met en relation les données empiriques (textes historiques, découvertes archéologiques, etc.) avec les enseignements coraniques, dans le but de produire une connaissance plus aboutie.
    Pour donner une illustration de cette approche, je peux citer mon livre « La voie des Nazaréens » où j’ai tenté de m’approcher le plus possible de cette méthodologie. Je traite dans ce livre du message de ‘Isâ (Jésus), des doctrines et sectes qui divisaient les Juifs à cette époque, leur rapport problématique avec l’empire romain qui les dominait. C’est un sujet qui intéresse à la fois les sciences humaines modernes (histoire et histoire des religions) et les sciences islamiques car Jésus et son message occupent dans le Coran une place particulière.

    Pour traiter ce sujet, il y a d’un côté les données empiriques : les textes apostoliques (les quatre Evangiles et les lettres de Paul), les chroniques écrites par des contemporains (Flavius Josephe) et des auteurs plus tardifs (Tertullien, Jules l’Africain, Eusèbe de Césarée, etc.), ainsi que des données archéologiques et des découvertes universitaires plus récentes. De l’autre côté, nous disposons de nos textes révélés (Coran et Sunna) qui traitent de Jésus, de son message et son entourage. Dans l’enseignement occidental qui, bien entendu, ne prend pas en compte l’éclairage de la révélation islamique et se borne aux données empiriques, la compréhension de ce sujet demeure superficielle et simpliste, car ils accumulent des informations factuelles, mais ils sont incapables de les mettre en perspective.

    De l’autre côté, les auteurs musulmans qui se contentent des textes révélés pour étudier le récit de Jésus restent eux aussi limités dans leurs analyses, car ils ne possèdent pas les connaissances historiques nécessaires pour comprendre ce à quoi les versets font allusion. La révélation en effet n’a pas vocation à se substituer aux données empiriques, le Coran n’est pas un livre d’Histoire mais un outil pour mettre en perspective les informations historiques et les rendre intelligibles. Le Coran ne donne pas de détails sur Jésus mais oriente le croyant sur des aspects particuliers du récit ou en révélant des « lois » historiques et sociales. Donc si on maitrise les deux domaines et qu’on superpose ces deux types de données (observées et révélées), tout le récit prend du sens et des enseignements peuvent en être tirés.

    Par exemple, la sourate 3 nous apprend qu’il appartenait à une communauté religieuse fidèle à l’enseignement d’Abraham (‘Âl ‘Imrân – la tribu d’Imran), bien distincte de toutes les sectes juives existantes à cette époque. Ces versets font échos aux découvertes récentes sur la communauté nazoréenne de Galilée dont Jésus était issu, et qui prouve qu’il appartenait à un milieu marginal et minoritaire au sein du judaïsme antique. D’autres versets insistent sur la manière dont son message fut détourné, la dislocation du judaïsme antique qui donne naissance aux deux religions (judaïsme rabbinique et christianisme) ainsi que la survivance d’une communauté de « Nasâra » restés conformes à la doctrine de Jésus. Or, les dernières publications scientifiques ont mis en évidence qu’un groupe resté fidèles à son enseignement, appelés Nazaréens, a survécu après lui sans intégrer le christianisme paulinien et trinitaire jusqu’à l’avènement de l’Islam.

    Alors que dans l’enseignement universitaire, l’analyse de ces sujets demeure de vagues discussions stériles entre spécialistes, une lecture coranique de ces événements historiques permet de comprendre les lois qui régissent le développement et l’évolution des courants religieux. Ainsi la déformation et la dégradation de la doctrine de Moise qui a amené à la naissance des sectes existantes à l’époque de Jésus, puis la dégradation du message de Jésus qui a donné naissance aux religions du Livre prouvent que lorsqu’un message prophétique apparaît, il se produit un processus antidialectique, c’est-à-dire une déconstruction de ce message en multiples sectes et courants (« Ils ne se sont divisés qu’après avoir reçu la Connaissance » Coran 3.19). Puis de manière cyclique des figures réformatrices apparaissent pour rétablir la voie médiane.

    La compréhension de ces lois permet ensuite d’en déduire des enseignements pratiques. Par exemple, puisque la civilisation musulmane est soumise à ces mêmes lois, il est naturel qu’après plusieurs siècles, des courants similaires aux sectes juives contemporaines de Jésus apparaissent au sein de l’Islam. Cela explique que le courant salafiste est l’exact équivalent des Pharisiens, et que le courant majoritaire de l’Islam institutionnel acharite ressemblent en tous points aux Sadducéens, etc. La compréhension de ces lois nous permet alors de déterminer quelle voie de réforme à notre époque les Musulmans doivent-ils adopter dans un contexte similaire, à savoir la voie nazaréenne incarnée par ‘Isâ (Jésus) et ses disciples.



    A. Soleiman Al-Kaabi
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