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Rabat veut en finir avec la contestation dans le Rif

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    Rabat veut en finir avec la contestation dans le Rif
    lundi 6 février 2017

    Par IGNACIO CEMBRERO

    La pause marquée par les forces de l’ordre marocaines est terminée. Elle a duré trois mois après le décès, fin octobre, de Mohcine Fikri, un vendeur ambulant de poisson broyé par une benne à ordures quand il tentait d’empêcher la destruction de la marchandise qui lui avait été saisie par la police.

    Forces auxiliaires, gendarmes et surtout hommes en civil de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) : tous s’y sont mis, dimanche 5 février, pour empêcher la tenue à Al Hoceima, au cœur du Rif, d’une grande manifestation de protestation convoquée principalement à travers les réseaux sociaux.

    Les accès à la ville de 56 000 habitants, où convergeaient des milliers de jeunes des villages environnants, ont été bloqués. À l’intérieur le déploiement des brigades antiémeutes était massif. Et quand, parfois, quelques manifestants ont réussi à se regrouper, la police s’est employée par tous les moyens pour les disperser. Elle n’a cependant pas usé, selon un communiqué de la Sûreté nationale, de balles en caoutchouc ni de bombes lacrymogènes. Elle n’a pas non plus procédé à des arrestations.

    Des blessés dans les échauffourées

    Malgré ce communiqué apaisant de la Sûreté nationale il y a eu, dans les échauffourées, une trentaine d’agents blessés par jets de pierre et plusieurs dizaines de civils –deux ont dû être hospitalisés- surtout près de Boukidan, un village rifain dont les jeunes ont cherché à forcer les barrages de police pour rejoindre Al Hoceima. Les forces de l’ordre ont intercepté des manifestants, à commencer par principal leader rifain, Nasser Zafzafi, 37 ans, sans cependant les arrêter. Le calme n’est revenu que tard dans la nuit de dimanche à lundi.

    L’intervention musclée de la police montre que les autorités marocaines sont décidées à mettre un terme à cette contestation chronique du Rif pourtant très pacifique jusqu’à dimanche dernier. La contestation a surgi après la mort du poissonnier, pour exiger une enquête approfondie et la punition des responsables. Le juge d’instruction chargé de l’affaire a clos les auditions des douze prévenus, dont deux agents d’autorité, et le procès ne tardera pas à s’ouvrir devant la chambre criminelle. Certains d’entre eux sont inculpés d’homicide involontaire.

    Une région sauvagement réprimée

    Le tragique évènement d’octobre a cependant déterré tous les malaises d’une région qui après avoir été sauvagement réprimée en 1958/59 par le prince héritier Moulay Hassan puis, en 1984, lors de la « révolte des déchets », se sent toujours économiquement délaissée et considère son identité bafouée. À la différence de son père, Hassan II, le roi Mohamed VI s’est pourtant montré relativement sensible au sort du Rif au point de s’y installer après le grand tremblement de terre de 2004 qui fit plus de 600 morts. Il écouta alors les doléances de la population. Depuis il y est revenu à maintes reprises notamment pour y passer une partie de ses vacances d’été.

    De la revendication d’une enquête exhaustive et impartiale sur la mort du poissonnier, la protestation est passée, à partir de décembre, à la dénonciation de l’enclavement du Rif, le manque d’emplois, la « hogra » (humiliation du citoyen par l’administration) qu’elle subit, les promesses non tenues, la militarisation de la région où est encore en vigueur un « dahir » (décret) royal de 1958 quand la guerre battait son plein etc.

    Des drapeaux amazigh

    L’immense foule contestataire était parsemée de drapeaux amazighs et de ceux de l’éphémère République du Rif (1921-1926), mais on n’y décelait pas un seul étendard du Maroc. La manifestation du dimanche 5 février avait été convoquée à l’occasion du 54e anniversaire de la mort en exil d’Abelkrim el Khatabi, le fondateur de cette république qui déplaisait au sultan. « Ce sont des symboles qui nous renforcent et nous donnent confiance ; ils ne peuvent pas être absents de nos mobilisations », déclarait Nasser Zafzafi au quotidien espagnol en ligne El Español, pour justifier l’éclosion de ces drapeaux.

    Si ces fanions nationalistes choquaient déjà à Rabat, le comble fut sans doute atteint le 29 janvier. Ce jour-là des centaines de jeunes rifains descendirent spontanément dans la rue pour crier « Olé Egypte ! Olé ! ». Ils célébraient ainsi la victoire de l’équipe de foot d’Égypte sur le Maroc lors des quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations.

    Rabat a commencé à durcir le ton le 5 janvier quand la énième manifestation risquait de devenir un sit-in permanent avec des tentes dressées sur la place Mohamed VI, un peu à l’image de la place Tahrir du Caire en 2011.

    Mohamed Hassad, le ministre de l’Intérieur marocain, pensait sans doute que l’émotion causée par la mort de Mohcine Fikri était retombée, que le mouvement s’essoufflait un peu et qu’il acquérait des connotations de plus en plus nationalistes. Autant essayer de l’achever en jouant un peu de la matraque comme ce fut le cas ce dimanche.

    Des élites de mèche avec le pouvoir

    Reste à savoir si, comme le pronostiquaient dimanche soir certains jeunes rifains sur les réseaux sociaux, la répression, au lieu de les apeurer, va souder davantage leurs rangs et les faire rebondir. Ils ont un atout : leur excellente maîtrise des réseaux dont ils se sont servis pour diffuser leurs messages et rallier à leur cause. Ils ont un double handicap : le manque de direction politique et d’objectifs clairs.

    Au Maroc, les formations politiques régionales sont d’ailleurs interdites. Les élites rifaines sont de mèche avec le pouvoir à commencer par Ilyas el Omari, né en 1967 dans un village proche d’Al Hoceima, et aujourd’hui leader du Parti Authenticité et Modernité, deuxième force parlementaire, qui fut fondé en 2007 par des personnalités proches du Palais.

    Aucun parti politique marocain représenté au Parlement ne s’est d’ailleurs fait écho des revendications exprimées par les manifestants. La presse, à commencer par les médias audiovisuels, en a très peu parlé. Abdelilah Benkirane, le chef du gouvernement, avait demandé aux militants de son parti islamiste (Parti de la justice et du développement) de ne pas descendre dans la rue suite à la mort du poissonnier. Il est cependant l’un des rares hommes politiques qui, depuis Rabat, s’est montré en novembre compréhensif avec les évènements du Rif. « C’est l’état d’esprit qui prévaut lorsqu’il y a un épisode douloureux comme c’est le cas avec ce drame », déclara-t-il à l’agence de presse allemande DPA.

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