La nouvelle tendance qui consiste à remplacer le français par l'anglais sur les frontons des institutions de la République appelle beaucoup d'interrogations.
Butin de guerre et facteur d'ouverture de l'Algérie sur le monde, la langue française, très largement adoptée par les citoyens de différentes classes, est attaquée par une caste d'islamo-baâthistes. Ces derniers se drapent de considérations religieuses et historiques tronquées pour torpiller ce legs qui, quoi qu'on dise, a permis au pays de rester en contact avec le monde extérieur. La guerre faite à la langue de Molière a pris des chemins divers. Les premières attaques commencèrent avec l'arabisation de l'administration et de l'enseignement en Algérie. La démarche était éminemment politique, voire stratégique. Elle reflétait un contenu constitutionnel, largement admis par tous. La question de souveraineté devait être totalement réglée au sortir de la nuit coloniale. Cela, les Algériens et les francophones parmi eux, l'avaient parfaitement compris et admis. L'Algérie n'étant plus française, elle se devait de se réapproprier ses référents culturels et historiques. Le problème ne se pose donc pas en termes de concurrence entre les deux langues. L'arabe étant la langue officielle, l'ensemble des cadres de la République devait la respecter et, pour ceux qui en ont la responsabilité, la développer.
Le rôle, la position et la fonction de la langue française fait l'unanimité au sein de la société et de l'administration. Personne ne pense et encore moins osera discuter le statut des deux langues officielles du pays. La dernière Constitution est on ne peut plus claire sur le sujet.
Il reste que, sorti de l'aspect politique et juridique des référents de l'Algérie d'aujourd'hui, la langue est aussi un vecteur de transmission du savoir, de la culture et même de l'émotion. A ce titre, les Algériens sont attachés à leur côté francophone. Et cet attachement est vécu très naturellement par l'ensemble du peuple. Sur les devantures des commerces, les prospectus qu'on distribue ici et là, sur les réseaux sociaux et même dans la quotidienneté, les Algériens ont un rapport dépassionné avec cette langue. Ils ont su faire le distinguo entre le système colonial oppresseur et une langue beaucoup plus vieille que ledit système et est porteuse de civilisation et d'émancipation de la société. Pour preuve, les hommes et les femmes à l'origine du Mouvement national, qui a débouché sur la guerre de Libération nationale et l'indépendance du pays, ont fait l'essentiel de leur cursus dans la langue française. La proclamation du premier novembre 1954 a été rédigée en français, pour être traduite ensuite en arabe. C'est là une preuve éclatante que la langue ne conditionne pas son locuteur. Et même bien avant le déclenchement de la lutte armée, l'essentiel de ce que comptait l'Algérie comme écrivains et qui ont donné tout son sens au combat libérateur, étaient francophones. L'un deux, Kateb Yacine, avait déclaré que le français était «un butin de guerre». Les Mammeri, Dib, Haddad et bien d'autres ont écrit des chefs-d'oeuvre littéraires où la verve nationaliste avait permis, à l'époque déjà, de mettre en évidence que l'Algérie était une nation qui devait naître un jour ou l'autre.
Tout ce combat avait été mené dans la langue de Molière. Les écrivains de l'indépendance n'ont pas démérité eux aussi. La scène culturelle nationale a donné d'immenses écrivains francophones, mais également des cinéastes, des scientifiques et d'immenses diplomates. Tous ont porté l'étendard de l'Algérie indépendante aux quatre coins du monde en s'exprimant en français, sans que personne ne doute de leur algérianité.
De plus, il y a ces cinq à six millions d'Algériens qui vivent en France et qui forcément, utilisent, au quotidien, la langue française dans leurs rapports au pays de leurs parents. Cette communauté, pour importante qu'elle soit, est un sérieux motif qui plaide pour l'usage de cette langue en Algérie même et explique la résistance dont elle fait montre, devant les assauts des islamo-baâthistes.
Jusqu'à aujourd'hui, le français est une langue encore largement usitée dans les arcanes des centres de décision. On affirme même que les rapports du Conseil des ministres, comme la proclamation du 1er Novembre, sont écrits en français avant leur traduction vers l'arabe. Même si les hauts fonctionnaires de la République maîtrise la langue nationale, ils continuent à s'exprimer en français, pour des raisons d'efficacité. Dans la société, la presse francophone est toujours bien lue et parfaitement respectée par ses lecteurs. En près de 56 ans d'indépendance, à aucun moment les Algériens n'ont montré une quelconque animosité envers cette langue. Bien au contraire, les bourses universitaires accordées aux étudiants illustrent l'importance de cette langue dans l'appropriation du savoir par les jeunes.
Cela étant dit, la langue française passe pour être la bête noire de milieux baâthistes, minoritaires jusqu'aux années 1990, qui ont voulu entretenir un certain amalgame, en opposant le français à la langue officielle. Des tentatives d'effacer toute trace de cette langue en arabisant des noms de villes, comme Alger, Constantine Oran, ont lamentablement échoué. La société a simplement rejeté cette initiative, jugée d'ailleurs risible. Mais, appuyés par les islamistes, ils sont revenus à la charge en exerçant une forte pression sur le gouvernement et notamment sur le ministère de l'Education nationale. Tout le monde doit se souvenir des attaques contre Benghebrit au motif de la présence d'experts français en Algérie. Des actions dans les réseaux sociaux pour remplacer le français par l'anglais ont été initiées. L'objectif de ces campagnes n'est pas de garantir à la société une meilleure ouverture au monde, mais d'amener les nouvelles générations à détester la langue de Molière. Dans leur démarche, l'important n'est pas d'ouvrir les yeux des Algériens, mais au contraire de les emprisonner dans une seule langue.
Même si ces tentatives ont fait «pschitt» auprès de l'opinion, il reste que cette nouvelle tendance à remplacer le français par l'anglais sur les frontons d'importantes institutions de la République appelle beaucoup d'interrogations. Est-ce à dire que les islamo-baâthistes ont, à ce point, réussi leur infiltration?
l'expression
Butin de guerre et facteur d'ouverture de l'Algérie sur le monde, la langue française, très largement adoptée par les citoyens de différentes classes, est attaquée par une caste d'islamo-baâthistes. Ces derniers se drapent de considérations religieuses et historiques tronquées pour torpiller ce legs qui, quoi qu'on dise, a permis au pays de rester en contact avec le monde extérieur. La guerre faite à la langue de Molière a pris des chemins divers. Les premières attaques commencèrent avec l'arabisation de l'administration et de l'enseignement en Algérie. La démarche était éminemment politique, voire stratégique. Elle reflétait un contenu constitutionnel, largement admis par tous. La question de souveraineté devait être totalement réglée au sortir de la nuit coloniale. Cela, les Algériens et les francophones parmi eux, l'avaient parfaitement compris et admis. L'Algérie n'étant plus française, elle se devait de se réapproprier ses référents culturels et historiques. Le problème ne se pose donc pas en termes de concurrence entre les deux langues. L'arabe étant la langue officielle, l'ensemble des cadres de la République devait la respecter et, pour ceux qui en ont la responsabilité, la développer.
Le rôle, la position et la fonction de la langue française fait l'unanimité au sein de la société et de l'administration. Personne ne pense et encore moins osera discuter le statut des deux langues officielles du pays. La dernière Constitution est on ne peut plus claire sur le sujet.
Il reste que, sorti de l'aspect politique et juridique des référents de l'Algérie d'aujourd'hui, la langue est aussi un vecteur de transmission du savoir, de la culture et même de l'émotion. A ce titre, les Algériens sont attachés à leur côté francophone. Et cet attachement est vécu très naturellement par l'ensemble du peuple. Sur les devantures des commerces, les prospectus qu'on distribue ici et là, sur les réseaux sociaux et même dans la quotidienneté, les Algériens ont un rapport dépassionné avec cette langue. Ils ont su faire le distinguo entre le système colonial oppresseur et une langue beaucoup plus vieille que ledit système et est porteuse de civilisation et d'émancipation de la société. Pour preuve, les hommes et les femmes à l'origine du Mouvement national, qui a débouché sur la guerre de Libération nationale et l'indépendance du pays, ont fait l'essentiel de leur cursus dans la langue française. La proclamation du premier novembre 1954 a été rédigée en français, pour être traduite ensuite en arabe. C'est là une preuve éclatante que la langue ne conditionne pas son locuteur. Et même bien avant le déclenchement de la lutte armée, l'essentiel de ce que comptait l'Algérie comme écrivains et qui ont donné tout son sens au combat libérateur, étaient francophones. L'un deux, Kateb Yacine, avait déclaré que le français était «un butin de guerre». Les Mammeri, Dib, Haddad et bien d'autres ont écrit des chefs-d'oeuvre littéraires où la verve nationaliste avait permis, à l'époque déjà, de mettre en évidence que l'Algérie était une nation qui devait naître un jour ou l'autre.
Tout ce combat avait été mené dans la langue de Molière. Les écrivains de l'indépendance n'ont pas démérité eux aussi. La scène culturelle nationale a donné d'immenses écrivains francophones, mais également des cinéastes, des scientifiques et d'immenses diplomates. Tous ont porté l'étendard de l'Algérie indépendante aux quatre coins du monde en s'exprimant en français, sans que personne ne doute de leur algérianité.
De plus, il y a ces cinq à six millions d'Algériens qui vivent en France et qui forcément, utilisent, au quotidien, la langue française dans leurs rapports au pays de leurs parents. Cette communauté, pour importante qu'elle soit, est un sérieux motif qui plaide pour l'usage de cette langue en Algérie même et explique la résistance dont elle fait montre, devant les assauts des islamo-baâthistes.
Jusqu'à aujourd'hui, le français est une langue encore largement usitée dans les arcanes des centres de décision. On affirme même que les rapports du Conseil des ministres, comme la proclamation du 1er Novembre, sont écrits en français avant leur traduction vers l'arabe. Même si les hauts fonctionnaires de la République maîtrise la langue nationale, ils continuent à s'exprimer en français, pour des raisons d'efficacité. Dans la société, la presse francophone est toujours bien lue et parfaitement respectée par ses lecteurs. En près de 56 ans d'indépendance, à aucun moment les Algériens n'ont montré une quelconque animosité envers cette langue. Bien au contraire, les bourses universitaires accordées aux étudiants illustrent l'importance de cette langue dans l'appropriation du savoir par les jeunes.
Cela étant dit, la langue française passe pour être la bête noire de milieux baâthistes, minoritaires jusqu'aux années 1990, qui ont voulu entretenir un certain amalgame, en opposant le français à la langue officielle. Des tentatives d'effacer toute trace de cette langue en arabisant des noms de villes, comme Alger, Constantine Oran, ont lamentablement échoué. La société a simplement rejeté cette initiative, jugée d'ailleurs risible. Mais, appuyés par les islamistes, ils sont revenus à la charge en exerçant une forte pression sur le gouvernement et notamment sur le ministère de l'Education nationale. Tout le monde doit se souvenir des attaques contre Benghebrit au motif de la présence d'experts français en Algérie. Des actions dans les réseaux sociaux pour remplacer le français par l'anglais ont été initiées. L'objectif de ces campagnes n'est pas de garantir à la société une meilleure ouverture au monde, mais d'amener les nouvelles générations à détester la langue de Molière. Dans leur démarche, l'important n'est pas d'ouvrir les yeux des Algériens, mais au contraire de les emprisonner dans une seule langue.
Même si ces tentatives ont fait «pschitt» auprès de l'opinion, il reste que cette nouvelle tendance à remplacer le français par l'anglais sur les frontons d'importantes institutions de la République appelle beaucoup d'interrogations. Est-ce à dire que les islamo-baâthistes ont, à ce point, réussi leur infiltration?
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