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La seconde vie, une nouvelle perspective;La vie aussi se réforme

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  • La seconde vie, une nouvelle perspective;La vie aussi se réforme

    La double vie tout le monde connaît, mais la seconde ?

    On ne refait jamais sa vie. On peut la reprendre mais la refaire, non. Car prétendre la refaire, c’est s‘exposer à la répéter. La reprendre, au contraire, c’est comprendre de quoi la première a été faite pour s’en déprendre progressivement. Dans Une seconde vie, le dernier livre du sinologue Francois Jullien, il n’y a pas d’avatar comme dans le réseau social Second Life mais sans doute le secret du bonheur, pas la recette mais le secret.

    La première vie nous est donnée, la deuxième est une invention savamment préparée, toutes les autres sont des répétitions. La première est un essai, la seconde une oeuvre, celles d’après des copies.

    Il faut du temps pour accéder à la seconde vie et changer de vie ne suffit pas pour y parvenir. En cela, nous ne sommes pas égaux devant elle. Car elle suppose patience, humilité, attention et une disponibilité à toute épreuve. Donc une imperméabilité à l’injonction du changement qui a aujourd’hui valeur de performance. On peut choisir de multiplier les vies, les accumuler, les archiver ou au contraire s’enraciner dans la première : deux manières communes de passer à coté de la seconde vie. "On a deux vies, la deuxième commence le jour où on prend conscience qu’on en a juste une" note Confucius. Ni vie de transition entre la première et l’infinité des autres possibles ni promesse de vie nouvelle ou plus vraie, la seconde vie inaugure discrètement une autre expérience de la vie, une vie désoccultée, faite moins de découvertes que de découvrements.

    Elle a les vertus de la seconde lecture et du second amour.

    Comme la seconde lecture, elle est à la fois plus radicale et plus initiale. Plus ouverte et plus profonde. Sensible à des détails balayés lors de la première lecture toujours pressée de boucler l’histoire.

    Et comme le second amour, elle est plus dégagée de la comédie des amants.

    Le second amour est inépuisable, là où le premier est nécessairement fini car engagé dans la passion, prisonnier du rapport de forces qui passe par la séduction, la conquête, la capture puis l’abandon.

    Le premier amour cherche l’absolu, d’où généralement son échec ; le second cherche le juste rapport, la relation sans illusion et sans fiction ente deux sujets dans un pacte lucide où chacun s’engage sincèrement. Allégé de la fabulation, le second amour est débarrassé de "la dialectique du manque qui, rassasié, devient dégoût et de la satisfaction qui devient déception", il vit délesté de la passion "pour s’ouvrir à tout autre chose, pour se déployer, dans l’intime auquel il accède, à l’infini de la présence".

    Notre vie est d’une seule étoffe, d’une même ondulation. Elle ne se découpe pas, ne se déchire pas mais, au fil du temps, se plie ou se déplie, avec plus moins d’ampleur et de facilité. Elle n’est pas faite de rupture ni de coupure mais de transformations silencieuses qui tiennent à ce qui a sédimenté en nous et que nous avons laissé décanter. La seconde vie est le fruit de ce processus de décantation et de maturation naturelle. Rilke rêvait d’une mort qui tombe de la vie comme un fruit mûr de l’arbre, la seconde vie de François Jullien est une vie qui aurait pris son essor, se serait dégagée des buts, des fins, des positions et des oppositions, du monde et des arrière-mondes pour gagner en amplitude et en présence. Une vie non pas laborieusement reconstruite mais saisie en pleine éclosion. "Le propre du dégagement est qu’il ne donne pas accès à quelque chose d’autre (un salut, une vérité), ne débouche sur rien qui le dépasserait, dissolvant tout but, il est en lui-même accès".

    La seconde vie est ainsi cette vie dégagée des premiers investissements, des premiers choix qui ne sont pas des choix effectifs tellement ils nous sont dictés par notre éducation, notre morale ou notre inconscient. Ne cherchant ni à racheter la première ni à préparer les suivantes, la seconde vie commence quand on se met à exister, elle ouvre à l’existence au lieu de reproduire la vie telle qu’elle nous est donnée. On ne rompt pas le cours de la vie, seule la mort le peut, on l’infléchit. S’ouvre alors une vie éclaircie, lucide, secondaire, non comme une résidence secondaire où l’on viendrait respirer un peu mais comme une intelligence au second degré de tout ce à quoi nous avons d’abord adhéré confusément, sans y penser, nos croyances, nos pensées, nos goûts, nos affects.

    Ceux qui voient la vie comme une erreur, une illusion, un rêve ou une farce sont victimes de paresse métaphysique. Ce sont souvent les mêmes qui croient à la renaissance, à la résurrection, à l’au-delà et au salut. Espérant une révélation d’un changement radical, ils négligent leur vie, oubliant que celle-ci est une matière à reprendre, à former et à réformer.

    On n’a qu’une vie et la seconde est peut-être la première, celle qui commence vraiment, sans subir, sans forcer, comme si on l’avait à peine cherchée, celle qui vient comme le tao pour le sage chinois "sans qu’on s’en rende compte, oubliant qu’on a le pinceau dans les mains et le papier devant soi".

    l'économiste
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