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Saint Valentin, le saint martyr retiré du calendrier liturgique

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  • Saint Valentin, le saint martyr retiré du calendrier liturgique

    À la St Valentin on se passe des billets doux, on les appelait des « valentins ». Je vous glisse le mien...

    Si le saint martyr a bien existé au IIIème siècle, la célébration amoureuse de sa fête semble aussi liée aux Lupercales, un rite de fécondité romain de la mi-février. D’ailleurs l’Église a retiré le saint du calendrier liturgique – ça ne s’invente pas – en 1969, année érotique, comme on sait… C’est que le caractère profane du saint patron des amoureux avait fini par l’emporter. Et là, Hermès, le dieu du commerce, joue à parts égales avec Eros. Les bijoutiers comme les fleuristes le savent bien, qui font un gros chiffre ce jour-là. Ce qui nous ramène aux temps anciens des mythes grecs. Dans son dernier livre, publié au Seuil sous le titre Arbres filles et garçons fleurs, Françoise Frontisi-Ducroux étudie les métamorphoses érotiques et végétales qui se multiplient dans l’horizon mythologique avec une étrange constance : les jeunes filles sont transformées en arbres alors que les garçons donnent naissance à des fleurs. Il est vrai que le genre grammatical ajoute à la confusion. Pour les Italiens, par exemple, les fleurs sont au masculin. Mais la partition arbres-fleurs/féminin-masculin est l’occasion d’un parcours dans la riche symbolique érotique des amours entre les dieux, les déesses et les humains. Pour échapper au désir d’Apollon, Daphné se transforme en laurier, devenu l’arbre consacré à son culte. Mais le dieu aime aussi les garçons, en particulier le bel Hyacinthe, qu’il accompagne à la chasse, portant ses filets et retenant ses chiens. « L’amour l’a rendu esclave du jeune spartiate. Ensemble ils s’exercent aussi à la palestre et au lancer du disque. » Apollon le lance si fort qu’il rebondit et vient frapper au visage l’éphèbe, qui en meurt. « Sur l’herbe imprégnée par le sang naît aussitôt une fleur qui aurait l’air d’un lis, n’était sa couleur pourpre ». La jacinthe est du genre féminin, mais le prénom Hyacinthe est bien masculin. Les anciens grecs avaient anticipé en mode coquin les débats sur la « théorie du genre ».

    Le schéma végétal de l’histoire de Daphné se retrouve dans celle de Syrinx

    C’est une belle histoire, même si on est loin du bel Apollon avec le dieu Pan, si moche qu’à sa naissance sa mère épouvantée s’est enfuie en l’abandonnant. En dépit ou à cause de ça, Pan tire sur tout ce qui bouge : animaux, nymphes, chasseurs, bergers et bergères… Quand il aperçoit la belle et chaste Syrinx, son sang ne fait qu’un tour, il la prend en chasse avec ses gros sabots, sa face bestiale et ses petites cornes, jusqu’au bord du fleuve où elle se réfugie pour se métamorphoser en roseau, que le bouc étreint en vain, jusqu’à ce qu’il entende le son ténu et flûté que produit le vent dans les roseaux. « Voilà comment je m’entretiendrai avec toi », lui fait dire Ovide. En coupant des cannes de taille inégale et les assemblant avec de la cire, il invente la flûte de Pan. De son souffle chaud, il traverse le corps de la naïade dans un baiser, et la fait chanter.

    Micocouliers, peupliers dont les larmes se répandent en ambre, noyers, pins ou tamaris, les femmes ont le caractère ligneux des arbres dans les mythes grecs

    Ce ne sont pas des femmes fleur, contrairement aux hommes : Adonis, Narcisse, Crocos… Mais il y a aussi ceux qui transgressent le genre, comme Cyparissos, un autre amour d’Apollon, qui finit en cyprès, ou Clytie, si amoureuse du dieu solaire qu’elle se transforme en tournesol. Les Grecs nous enseignent la subversion des genres bien avant l’heure, c’est pourquoi il convient de ne pas enseigner la mythologie dans les écoles, ou alors dans une version expurgée. Mais l’amour se joue des limites et des conventions, comme le montre la belle histoire de Myriam Blal dans la revue XXI (Le baiser du ramadan). Son fiancé est catholique, elle est musulmane mais ils parviendront à se marier sans rien renier de leur choix religieux, en trouvant dans leurs familles respectives l’assentiment, et auprès des autorités religieuses des représentants disposés à bénir leur union de concert. « Merci à vous deux de votre accueil, de votre ouverture – déclare le prêtre durant la cérémonie – Parmi nous il y a des croyants, musulmans ou chrétiens, mais sans doute aussi des agnostiques. Ce qui nous réunit, c’est votre couple et votre amour… »

    Pour la St Valentin, voici la recette moderne du philtre d’amour, d’après la chimie des émotions

    Un doigt d’opioïdes, une pincée de lulibérine qui ouvre les vannes aux endorphines du plaisir au moment de l’orgasme, de l’ocytocine - un neuropeptide associé à l’attachement - et dopamine à volonté, et puis le secret du chef : le dosage de testostérone en fonction du genre. Un effet d’équilibrage se produit en effet dans le sentiment amoureux, qui vient renverser les rôles : pour les hommes, il faut en rabattre sur la volonté de puissance afin de paraître « tout beau, tout nouveau, tout gentil » ; pour les femmes au contraire un afflux notable de l’hormone stéroïdienne dans les états amoureux lâche la bride à l’esprit de conquête…

    Par Jacques Munier

    France culture
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