Certes, les cours du pétrole opèrent depuis quelques mois un virage haussier (55 dollars le baril en moyenne contre 30 dollars en février 2016). Mais, pour des pays qui dépendent quasi-exclusivement de la rente pétrolière, comme l’Algérie et le Venezuela, cette hausse est insuffisante. Pour que leur paradigme économique du « tout pétrole » soit de nouveau viable, il faudrait un baril à 100 dollars. Sauf que les analystes sont formels : le retour du baril à 100 dollars n’est pas pour demain.
En attendant des jours meilleurs, et une remontée providentielle des cours, le Venezuela continue de faire l’autruche tout en s’enfonçant dans le chaos.
Sa manne pétrolière, déjà bien affectée par la corruption, a fondu.
La situation de ce pays, autrefois le plus riche d’Amérique latine, est même devenue ubuesque.
Bien qu’il dispose des plus grandes réserves d’or noir au monde, le Venezuela, est contraint d’importer du pétrole … des Etats-Unis, faute d’entretien et d’investissements dans les infrastructures pétrolières, rapportait le New York Times en septembre dernier.
« Le gros problème du Venezuela, en plus de l’instabilité politique et de la corruption, c’est que les revenus tirés du pétrole ont été investis dans des mesures sociales au détriment d’investissements dans les équipements (pétroliers) », déplore Christopher Dembik, responsable mondial de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, interrogé par TSA.
Selon des chiffres provisoires établis par la banque centrale -documents consultés par l’agence Reuters– le secteur pétrolier, qui est pratiquement l’unique source de devises du pays, a vu son activité baisser de 12,7% en 2016.
Au fil des mois, faute de réaction du président Nicolas Maduro, la situation économique du pays poursuit sa chute. Le pays qui ne produit rien et importe tout peine de plus en plus à se procurer les produits de première nécessité.
Les pénuries se multiplient dans les magasins et dans les hôpitaux.
Le Venezuela détient désormais le record du monde en matière d’inflation : 800% en 2016 (contre 180,9% en 2015) et accuse une baisse de son PIB à hauteur de 18,6% l’année dernière.
Déni de réalité
Si l’Algérie est loin d’un tel scénario catastrophique, « ça ne fait pas de sens d’imaginer que le pays puisse se transformer en Venezuela », tempère Christopher Dembik.
L’économiste estime toutefois que les deux pays souffrent du même mal. « Le Venezuela et l’Algérie n’ont pas cherché à diversifier leur économie ». Les deux ont usé des mêmes moyens pour dilapider les ressources pétrolières via une politique « de redistribution ».
Ainsi, Hugo Chavez, ancien président vénézuélien décédé en 2013, s’est-il contenté de mettre en place une politique de subventions en tout genre pour la population sans toutefois songer à poser les fondations d’un modèle économique.
Puis, son successeur, Nicolas Maduro, a poursuivi à l’identique, préférant acheter la paix sociale à coups de subventions plutôt que d’enclencher les réformes nécessaires quand la chute des prix du pétrole est intervenue à l’été 2014.
La suite est simplement une affaire de logique comptable : si la rente pétrolière est moins élevée en raison de la chute des cours, le maintien d’une telle politique devient impossible, si ce n’est suicidaire.
Pourtant, aucun infléchissement de la politique n’a eu lieu. Pire, le président, bien que très contesté dans le pays, ne change pas d’un iota sa position. Il y a quelques semaines, il a par exemple annoncé la hausse du salaire minimum en raison de l’inflation.
En Algérie, la politique des prix administrés, qu’on nommait un temps « le socialisme de la mamelle », coûte également cher à l’État.
Si cette politique de subventions aux différents biens et services et des transferts sociaux était tenable avec un baril à 100 dollars, elle l’est nettement moins depuis la chute des prix des hydrocarbures.
Depuis des mois, la Banque d’Algérie n’a cessé de faire part de ses inquiétudes sur les risques du « tout pétrole », appelant à des réformes sérieuses.
Les chiffres sont pourtant alarmants : alors que les hydrocarbures représentent 95% de ses recettes extérieures et 60% de son budget, les recettes pétrolières et gazières ont drastiquement diminué ces deux dernières années.
En 2015, elles sont tombées à 35,72 milliards de dollars contre 60,3 milliards en 2014.
Le gouvernement, contraint de réagir, s’est engagé à tailler dans la dépense publique, en diminuant les investissements et en augmentant la TVA de 17% à 19%, mais sans pour autant revoir sa copie en matière de transferts sociaux. « Bien au contraire. Leur budget représentera 23,7% du PIB en 2017 contre 23,1% en 2016 », a promis fin décembre Abdelmalek Sellal.
Défaut de paiement
De plus, il semblerait que les déclarations de bonne intention sur la nécessité de diversifier l’économie se soient diluées avec la légère embellie des prix.
Dans un contexte où les prix repartent à la hausse, l’Algérie cherche aussi à accroître ses capacités de raffinage afin d’augmenter les revenus qu’elle tire du secteur pétrolier.
Il y a quelques jours, Sonatrach a lancé un appel d’offres pour la construction de quatre raffineries (à Tiaret, à Hassi Messaoud et à Skikda).
En outre, le pays a pompé légèrement au-dessus de son quota de 1,04 million de barils par jour, avec 1,05 million de barils par jour, selon une note des analystes de de S&P Global Platts en date du 7 février.
Mais sans infléchissement de sa politique, le pays risque pourtant un défaut de paiement.
Si pour l’instant, il a résisté grâce à ses conséquentes réserves de change, le temps est compté : « À moyen terme, c’est-à-dire dans cinq ou six ans, l’Algérie devra solliciter une aide étrangère.
Sans parler du FMI, ce pourrait être un prêt bilatéral avec la France », indique l’économiste de Saxo Bank.
TSA
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