Les négociations impulsées par les Russes ont des chances réelles d'aboutir, estime le géographe et diplomate français Michel Foucher. Entretien.
Une semaine après leur réunion dans la capitale kazakhe, la Turquie, l'Iran et la Russie se retrouvent de nouveau à Astana ce mercredi. Les trois pays impliqués dans le conflit syrien doivent s'entendre sur l'application du cessez-le-feu décidé le 30 décembre dernier. Pour la première fois depuis six ans, ces négociations impulsées par les Russes ont des chances réelles d'aboutir, estime le géographe et diplomate français Michel Foucher. Interview.
Le Point.fr : Toutes les tentatives de médiation onusienne ont échoué. Pourquoi cette initiative russe est-elle plus prometteuse ?
Michel Foucher : Avec leur intervention brutale à Alep, les Russes ont créé un rapport de force sur le terrain qui a obligé l'opposition sunnite non djihadiste à négocier. Surtout, ils sont les seuls à pouvoir obliger Damas à discuter avec l'opposition. À la première réunion fin janvier, c'était la première fois que les deux parties étaient en face. Il y avait d'un côté le régime et de l'autre l'opposition armée représentative non djihadiste [excluant Fatah al-Cham, groupe issu d'Al-Qaïda]. La Russie est la seule à pouvoir trouver une issue au conflit, car ils sont en position de force militairement et politiquement. La preuve : ils ont réussi à retourner la diplomatie turque, qui ne demande plus le départ de Bachar el-Assad.
La précédente réunion d'Astana n'a cependant pas débouché sur des avancées concrètes. Est-ce l'Iran qui freine ?
La convergence des intérêts entre Russie et Iran n'est pas illimitée. Outre la méfiance historique de l'Iran à l'égard de la Russie, l'Iran ne considère pas comme naturel et légitime que la Russie s'affiche comme une puissance régionale. Cela dit, la présence russe a le mérite d'éloigner les Occidentaux de l'Orient arabe, ce qui est également l'un des objectifs de l'Iran. Après tout, l'intervention militaire américaine de 2003 a contribué à installer ensuite l'influence durable de l'Iran sur une partie de l'Irak, qui a cessé de ce fait d'être une menace. Le gain stratégique, acquis par une intervention extérieure, a été considérable. Il est sans doute plus risqué, pour l'Iran, d'envisager que ce scénario va se répéter en Syrie. Ce qui est important, c'est que le processus est enclenché et qu'un accord est possible.
La Russie envisage-t-elle d'autres scénarios que le maintien de Bachar el-Assad à tout prix ?
La Russie est attachée au principe de refus de changement de régime par la force, à cause du scénario libyen, des révolutions arabes et même orange en Ukraine. Ce qui inquiète la Russie, c'est que la Syrie devienne un foyer terroriste contre elle. Par ailleurs, les Russes ont de nombreux intérêts stratégiques sur le territoire syrien qui se matérialisent par des bases militaires, des marchés d'armement, l'accord avec les producteurs de pétrole et plus largement son influence diplomatique. Ces intérêts n'impliquent pas le soutien éternel à un dirigeant particulier dont le statut international affaibli politiquement et discrédité moralement finira par contrer les gains russes. Les Russes sont assez avertis de la géopolitique interne de la Syrie et de la région pour savoir qu'on ne peut pas retrouver un minimum de stabilité en marginalisant les sunnites syriens (73 % de la population, NDLR) même s'ils sont très divisés. Le cœur des négociations actuelles, c'est l'union des forces contre les mouvances djihadistes, d'Al-Qaïda et Daéchites ralliés, en échange d'une participation au pouvoir central.
le Point
Une semaine après leur réunion dans la capitale kazakhe, la Turquie, l'Iran et la Russie se retrouvent de nouveau à Astana ce mercredi. Les trois pays impliqués dans le conflit syrien doivent s'entendre sur l'application du cessez-le-feu décidé le 30 décembre dernier. Pour la première fois depuis six ans, ces négociations impulsées par les Russes ont des chances réelles d'aboutir, estime le géographe et diplomate français Michel Foucher. Interview.
Le Point.fr : Toutes les tentatives de médiation onusienne ont échoué. Pourquoi cette initiative russe est-elle plus prometteuse ?
Michel Foucher : Avec leur intervention brutale à Alep, les Russes ont créé un rapport de force sur le terrain qui a obligé l'opposition sunnite non djihadiste à négocier. Surtout, ils sont les seuls à pouvoir obliger Damas à discuter avec l'opposition. À la première réunion fin janvier, c'était la première fois que les deux parties étaient en face. Il y avait d'un côté le régime et de l'autre l'opposition armée représentative non djihadiste [excluant Fatah al-Cham, groupe issu d'Al-Qaïda]. La Russie est la seule à pouvoir trouver une issue au conflit, car ils sont en position de force militairement et politiquement. La preuve : ils ont réussi à retourner la diplomatie turque, qui ne demande plus le départ de Bachar el-Assad.
La précédente réunion d'Astana n'a cependant pas débouché sur des avancées concrètes. Est-ce l'Iran qui freine ?
La convergence des intérêts entre Russie et Iran n'est pas illimitée. Outre la méfiance historique de l'Iran à l'égard de la Russie, l'Iran ne considère pas comme naturel et légitime que la Russie s'affiche comme une puissance régionale. Cela dit, la présence russe a le mérite d'éloigner les Occidentaux de l'Orient arabe, ce qui est également l'un des objectifs de l'Iran. Après tout, l'intervention militaire américaine de 2003 a contribué à installer ensuite l'influence durable de l'Iran sur une partie de l'Irak, qui a cessé de ce fait d'être une menace. Le gain stratégique, acquis par une intervention extérieure, a été considérable. Il est sans doute plus risqué, pour l'Iran, d'envisager que ce scénario va se répéter en Syrie. Ce qui est important, c'est que le processus est enclenché et qu'un accord est possible.
La Russie envisage-t-elle d'autres scénarios que le maintien de Bachar el-Assad à tout prix ?
La Russie est attachée au principe de refus de changement de régime par la force, à cause du scénario libyen, des révolutions arabes et même orange en Ukraine. Ce qui inquiète la Russie, c'est que la Syrie devienne un foyer terroriste contre elle. Par ailleurs, les Russes ont de nombreux intérêts stratégiques sur le territoire syrien qui se matérialisent par des bases militaires, des marchés d'armement, l'accord avec les producteurs de pétrole et plus largement son influence diplomatique. Ces intérêts n'impliquent pas le soutien éternel à un dirigeant particulier dont le statut international affaibli politiquement et discrédité moralement finira par contrer les gains russes. Les Russes sont assez avertis de la géopolitique interne de la Syrie et de la région pour savoir qu'on ne peut pas retrouver un minimum de stabilité en marginalisant les sunnites syriens (73 % de la population, NDLR) même s'ils sont très divisés. Le cœur des négociations actuelles, c'est l'union des forces contre les mouvances djihadistes, d'Al-Qaïda et Daéchites ralliés, en échange d'une participation au pouvoir central.
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