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Anoual, où le pot de terre a battu le pot de fer

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  • Anoual, où le pot de terre a battu le pot de fer

    L’Histoire n’est pas une partie de plaisir. Bien sûr il y a eu des moments de bien vivre et d’éclosion de l’art sous toutes ses formes d’expression. Mais la trame essentielle reste l’affrontement des idées dans la douleur et l’affrontement tout court avec mort d’homme dans des proportions massives, qui ont parfois été animés par des désirs noirs d’extermination. La Guerre du Rif n’a pas échappé à cette règle non dite, mais écrite dans les documents d’archives et sur la pierre des sites archéologiques.

    Elle est donc entrée dans la grande histoire universelle par les voies et les moyens que les hommes se sont donnés par leur propre volonté de domination ou de refus de la servitude et de la négation de l’identité culturelle de l’autre.

    En ce mois de juillet 2012, nous avons tenu, dans votre magazine Zamane, en conformité avec le créneau qui est le notre, axé sur notre histoire et notre mémoire collectives, à commémorer le souvenir impérissable d’un épisode essentiel de cette guerre, à savoir la bataille d’Anoual de juillet 1921. Une bataille totalement inégale, par les effectifs et les armes. Quelques milliers de résistants rifains contre plus de 250 000 soldats espagnols. Pour une fois, la conviction de la lutte des plus faibles pour une cause juste a vaincu. Une première. Cela pouvait inspirer les peuples colonisés au Maroc et ailleurs. Les puissances coloniales, hispano-françaises, ont pris peur. Elles ont aligné autant de troupes que les Américains au plus fort de la Guerre du Vietnam, en 1968, sous le commandement du fameux général Westmorland, lors de la grande offensive du Viêt-Cong, quelque 700 000 hommes. Au final, le plus fort par le nombre et l’armement a gagné. Mais à quel prix. Il a fallu pour cela cinq années de combats acharnés, avec des dizaines de milliers de morts du côté de la coalition coloniale.

    L’artisan de cette grande épopée, Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi, est dans toutes les mémoires. Son nom a traversé les générations, pas seulement au Maroc mais un peu partout dans le monde. Il est devenu l’icône des mouvements de libération des peuples sous domination coloniale. Lors d’un séminaire international à Paris, en 1971, pour le cinquantième anniversaire de la bataille d’Anoual, Abdelkrim El Khattabi a été reconnu comme le précurseur des techniques et de l’organisation de la guerre de guérilla. Sur la fiche de cette rencontre, il était fait mention de cette distinction historique par une déclaration de Che Guevara, mort en 1967 dans le maquis bolivien. C’est dire l’immense représentation qu’a eu Abdelkrim El Khattabi dans les esprits épris de liberté et de justice, de par le monde. Car ce cadi, fils de cadi, n’était pas un conservateur, mais un homme complétement convaincu du progrès social nécessaire dans les modes de pensée et de vie.

    Depuis toujours, il y a eu, ici et là, une sorte de focalisation sur la « République du Rif » que Abdelkrim avait proclamée dès 1922. Dès lors qu’il s’agissait d’un territoire sous un régime monarchique, le vocable « république » a eu comme un effet magique sur un grand nombre d’historiens et de politiciens. Il s’en est suivi une vaste polémique, à connotation politico-sémantique, sur ce vocable. Que signifiait-il pour Abdelkrim ? République indépendante, scissionniste (lire l’entretien avec l’historienne espagnole Maria Rosa de Madariaga p. 42) et totalement séparée du devenir du reste du pays ? Ou république indépendamment autonome, en attendant les évolutions futures ?

    Il est vrai que le cadi-chef de guerre rifain n’avait pas d’atomes crochus avec le sultan Moulay Youssef, à qui il reprochait une certaine tiédeur dans la riposte, nécessairement guerrière à l’occupation coloniale, particulièrement dans l’appui à la résistance tribale dans les montagnes et les plateaux de l’Atlas.

    Non seulement le débat reste ouvert, mieux, il est d’actualité, question du Sahara oblige. Voilà une autre zone d’occupation espagnole que le Maroc a récupérée, mais où un intervenant tiers, l’Algérie, pour ne pas la nommer, voudrait installer un Etat croupion, dit RASD, par le truchement du Polisario. Il s’agit là d’une sorte de saut de puce dans le temps et dans l’espace marocains, et dont seule l’Histoire a le secret. Il n’en demeure pas moins que la Guerre du Rif est une page héroïque de l’histoire du Maroc. En attendant que les ossements de Abdelkrim El Khattabi soient rapatriés du Caire à sa région natale d’Ajdir.

    Zamane
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