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L’Algérie bat en retraite en Afrique. Immobilisme politique et économique

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  • L’Algérie bat en retraite en Afrique. Immobilisme politique et économique

    IMMOBILISME POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

    ORIENT XXI > MAGAZINE > LAKHDAR BENCHIBA Journaliste (Alger) > 2 MARS 2017

    Une majorité de pays africains a accepté le 30 janvier 2017 de réintégrer le Maroc dans l’Union africaine, malgré le désaccord de l’Algérie (et de l’Afrique du Sud) sur le dossier du Sahara occidental. Les liens diplomatiques fondés sur l’aura de la guerre d’indépendance algérienne s’affaiblissent peu à peu, et Alger perd du terrain du fait d’une politique économique isolationniste autant que de l’indisponibilité du président Abdelaziz Bouteflika, absent des forums internationaux.

    À Alger, un ancien diplomate commentait avec un certain sarcasme le 30 janvier 2017 les analyses publiées dans les médias locaux minimisant l’importance du retour du Maroc dans l’Union africaine (UA) : « Ce n’est peut-être pas la grande victoire diplomatique dont parlent les Marocains, mais pour l’Algérie, c’est un sérieux avertissement. Les vieux leviers de notre diplomatie fondés sur l’aura de la guerre d’indépendance et des aides directes sont usés ».

    En effet, si l’Algérie continue de disposer de fermes soutiens dans une Afrique australe menée par l’Afrique du Sud, qui n’oublie pas la solidarité militante d’Alger en faveur du Congrès national africain (African National Congress, ANC) au temps de l’apartheid, elle est devenue plus lointaine pour les pays de l’Afrique de l’Ouest, contrairement au Maroc qui y a développé une présence économique et financière renforçant sa diplomatie.

    UNE POLITIQUE ÉCONOMIQUE INCOHÉRENTE

    Le développement politique interne a été bloqué par la plongée dans la guerre civile dans les années 1990. Abdelaziz Bouteflika est au pouvoir depuis avril 1999, et depuis lors l’Algérie s’est installée dans un statu quo rendu possible par l’accumulation des recettes pétrolières. Et la politique algérienne en Afrique au cours de ces deux dernières décennies a bien été le reflet de cet immobilisme. Faute d’un aggiornamento, elle a continué à faire jouer un appareil diplomatique performant dans le passé mais qui, désormais, ne dispose plus des leviers pour renouveler les liens forgés durant la guerre d’indépendance.

    Les avertissements ne datent pourtant pas d’aujourd’hui. « Notre stratégie africaine étant construite sur une politique distributive d’une partie de la rente, elle s’est effondrée en même temps que cette dernière s’épuisait », soulignait, en 2012 déjà, le président de l’Association des universitaires algériens pour la promotion des études de sécurité nationale (ASNA) Mourad Goumiri1.

    La politique économique a manqué de cohérence également, écartant la tentation d’ouvrir totalement le domaine pétrogazier à travers le rétablissement des concessions — comme le prévoyait en 2002 un avant-projet de loi sur les hydrocarbures2 — à un « patriotisme économique » en 2009 avec l’établissement de la règle du 51/49 % pour les investissements, jugée dissuasive.

    L’occasion ouverte par l’accumulation des pétrodollars pour prendre de nouvelles positions dans les économies des pays africains voisins n’a pas été saisie. À Alger, l’idée d’un fonds souverain a été constamment réfutée au nom du principe qu’il fallait agir dans le pays — où il y avait beaucoup à faire —, plutôt que d’aller acquérir des actifs à l’extérieur.

    Si l’aide publique directe a tendance à baisser, la relève par l’investissement privé dans les pays africains est bridée, malgré l’effort remarquable que constitue la réalisation de la route transsaharienne. La possibilité d’exporter des devises à l’étranger dans un but d’investissement prévue dans la loi sur la monnaie et le crédit reste subordonnée à une autorisation de la Banque d’Algérie qui ne vient généralement pas3. Pendant des années, des opérateurs comme Issad Rebrab, patron de Cevital, le premier groupe privé algérien ou Slim Othmani, patron de NCA Rouïba, se sont plaints de ces entraves qui empêchent selon eux l’Algérie d’accéder aux marchés africains.

    En novembre 2014, la Banque d’Algérie a publié un nouveau règlement qui « autorise » les entreprises algériennes à investir à l’étranger. Avec des conditions nouvelles qui n’étaient pas prévues dans la loi : l’investissement doit être en rapport avec l’activité de l’opérateur économique de droit algérien. Cette règle dite de « complémentarité des activités » a été accueillie fraîchement, car elle durcit une loi qui était ouverte, mais pas appliquée, note Slim Othmani. Pour lui, l’Algérie peut devenir, à l’instar de l’Afrique du Sud, une « locomotive » du fait de sa position géographique centrale. Cependant si la locomotive est prête, ses chauffeurs le sont beaucoup moins, indique-t-il.

    Le secteur économique privé, dont le poids monte, aurait pu saisir des opportunités en Afrique, mais est de fait contenu dans les limites du pays, le gouvernement algérien se privant ainsi de renouveler sa « diplomatie économique ».

    DÉFICIT DE COMMUNICATION

    À Alger, des économistes ont été choqués par l’annonce, en mars 2013, de l’annulation de dettes pour un montant de 902 millions de dollars détenues sur quatorze pays membres de l’Union africaine (UA). Le porte-parole du ministère des affaires étrangères de l’époque Amar Belani soulignait dans un communiqué : « Ce geste concret d’entraide s’inscrit dans le cadre de la solidarité africaine et illustre la volonté politique du gouvernement algérien d’assumer pleinement son engagement en faveur de la promotion économique et sociale du continent. »4 Sans contester l’impératif de solidarité notamment avec les pays subsahariens, certains pensent que l’argent aurait pu être reconverti en investissement. « Il est très sain de venir en aide à des pays pauvres et de faire jouer des sentiments de solidarité ! Mais entre États, il n’y a pas de sentiments, il y a des intérêts et je ne suis pas sûr que notre pays a protégé les siens dans cette affaire », estimait Mourad Goumiri. « Le Président a dû agir en chef de confrérie et s’est permis un don pour sa propre gloire et en son nom personnel » 5.

    Trois ans plus tard, et en termes plus diplomatiques, le PDG de la Banque centrale de Mauritanie Mohamed Ould Noueigued n’était pas loin de ce constat en déplorant l’extrême discrétion de l’Algérie sur l’effacement de la dette. « Seuls les ministères de ces pays africains savent que l’Algérie a fait ce geste, mais pas les peuples. L’Algérie fait des gestes sans contrepartie, sans communiquer, alors que le monde d’aujourd’hui appartient à ceux qui communiquent », relève-t-il dans un entretien à Maghreb émergent. Ces dettes effacées « auraient pu être transformées en investissements dans les pays concernés ce qui aurait créé des emplois et tout le monde aurait dit que c’est grâce à l’Algérie », remarquait-il6.

    Pire, lors du forum africain d’investissement et d’affaires tenu à Alger du 3 au 5 décembre 2016, les hôtes de l’Algérie ont assisté à un surprenant couac politico-protocolaire algéro-algérien. Suivi des ministres, le premier ministre Abdelmalek Sellal a quitté la salle quand le chef du patronat, Ali Haddad, un proche du frère du président, a grillé la politesse au ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamra en prenant la parole avant lui. L’incident, fortement médiatisé et qualifié de « tentative de suicide du pays hôte » par El-Kadi Ihsane, directeur de Maghreb émergent, a fait oublier l’importance de la rencontre et des pistes qu’elle a ouvertes.

    On peut ajouter le message paradoxal constitué par la vague d’arrestations de migrants africains, dénoncée par les ONG de défense des droits humains, qui a eu lieu le jour même de l’ouverture du forum. « Malgré la pollution politique, les Algériens ont pu constater, un peu effarés, que le standard des élites africaines mondialisées est supérieur au leur. Et sur un éventail de compétences étonnamment large : la gouvernance multilatérale, la négociation de libre-échange régionale, l’ingénierie financière, la sélection des projets, les transformations digitales », souligne Ihsane El-Kadi7.

    UN PRÉSIDENT ABSENT

    L’arrivée de Ramtane Lamamra, crédité du titre de « Monsieur Afrique », au ministère des affaires étrangères en 2013 dans un contexte sahélien anxiogène a permis de redonner un peu de lustre à la politique africaine algérien. Sans pour autant résoudre le problème majeur posé par l’indisponibilité du président Bouteflika, dont les problèmes de santé dictent l’agenda politique du pays. Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et ambassadeur, rallié à Ali Benflis, l’adversaire de Bouteflika à la dernière présidentielle, le martèle régulièrement depuis une dizaine d’années : il a fait perdre à l’Algérie sa boussole africaine. « Bouteflika n’a jamais entrepris de voyage officiel au Sahel. Ce sont les succès économiques et la stabilité politique qui améliorent l’image d’un pays. Bouteflika veut, lui, surtout qu’on identifie l’Algérie à son image... », a-t-il déclaré au journal Liberté en septembre 2013, alors que le régime préparait un quatrième mandat controversé pour le président8.

    Cette incidence de la santé du président sur le fonctionnement de l’État et de la politique du pays a été illustrée encore par l’annulation à la dernière minute, le 20 février dernier, de la visite de la chancelière allemande Angela Merkel en « indisponibilité temporaire » pour cause de « bronchite aiguë ». Au cours de l’émission « Café presse politique » de Radio M, le mercredi 22 février 2017, le sujet de la santé du président et de son impact sur la politique extérieure du pays est revenu sur le tapis. Abed Charef, chroniqueur et écrivain, a souligné que la déclaration sur la Libye signée à Tunis le 20 février par l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte9 aurait pu être plus fortement appuyée par un sommet des chefs de l’État, mais que l’état de santé du président la rendait aléatoire.

    Le problème, note El-Kadi Ihsane, est que l’indisponibilité du président sur les forums internationaux intervient dans un contexte mondial où en raison de la crise, on tend à revenir vers un modèle d’incarnation politique très fort. « C’est un recul, commente-t-il, mais les politiques des États sont incarnées : Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan, Donald Trump, le président chinois... ; le roi du Maroc porte la diplomatie marocaine sur le continent africain même s’il lui arrive d’être malade et d’annuler des visites comme au Mali le 21 février dernier. Le fait que le président Bouteflika soit absent dans un monde où les images et les politiques d’un pays sont portées par de telles personnalités, c’est très ennuyeux. »

  • #2
    Il y a un vent de changement qui souffle dans la Direction du changement ,les anciens arguments deviennent dépassés avec la nouvelle génération africaine instruite qui a une autre perception de la politique et de la gouvernance ,aujourd'hui il y a une concurrence entre ces pays pour attirer le maximum d'investissement pour développer leurs pays et créer de l'emploi ,le temps des coups d'Etat est révolu et des militaires au pouvoir ne sont plus tolérés ,le denier exemple est la Gambie ,celui qui ne suit pas forcément il est perdant


    Les avertissements ne datent pourtant pas d’aujourd’hui. « Notre stratégie africaine étant construite sur une politique distributive d’une partie de la rente, elle s’est effondrée en même temps que cette dernière s’épuisait »

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