Le haut-fourneau numéro 2 du complexe sidérurgique d’El Hadjar (Annaba) devrait redémarrer cette semaine (pour des tests), après plus d’une année et demie d’arrêt. Abdelamalek Sellal, présent à Annaba pour la Tripartite, devrait officialiser ce redémarrage en se rendant sur le site.
Pour ce faire, l’État, qui a racheté il y a deux ans le complexe au groupe indien Arcelor Mittal, a dû investir pas moins de 486 millions de dollars dans la rénovation et la mise à niveau de l’installation sidérurgique.
Ces sommes (encore) déboursées font d’El Hadjar un gouffre financier dont il est difficile de voir le fond, et un boulet que traîne l’Algérie depuis de longues années.
Un plan d’investissement de 720 millions de dollars
Le complexe industriel fait l’objet d’un plan d’investissement global de 720 millions de dollars pour sa rénovation.
La première tranche de 486 millions couvre la réhabilitation de l’unité de préparation des matières premières et aggloméré, du haut fourneau numéro 2, de l’aciérie à oxygène numéro 1, la centrale à oxygène, les installations énergétiques et le réseau de logistique.
Le but de cette seule première phase est de porter la production sidérurgique à 1,2 million de tonnes par an à l’horizon 2017-2018. É terme, et après d’autres dépenses pour la remise à niveau, le complexe d’El Hadjar devrait produire jusqu’à 2,2 millions de tonnes d’acier liquide, assure-t-on. En attendant, l’Algérie importe presque tous ses besoins en acier.
Des sommes astronomiques sont en jeu, tandis que le gouvernement crie, à qui veut l’entendre, que les finances de l’État se font rares et que la situation est « difficile ». La production d’acier est certes nécessaire dans un pays comme l’Algérie, qui ambitionne de se réindustrialiser et de réduire sa facture d’importation.
Cela dit, le dépérissement du complexe d’El Hadjar soulève des questions sur la gestion passée de cette unité industrielle.
Elle est, à ce titre, symptomatique de choix économiques douteux, menant à des gaspillages énormes d’argent public précieux.
Une situation qui illustre aussi l’amateurisme inquiétant de ceux qui sont en charge de négocier avec les grands groupes étrangers présents en Algérie.
Un site surexploité et laissé à l’abandon par ArcelorMittal
En effet, en rachetant le site à l’indien ArcelorMittal, la partie algérienne a trouvé le complexe dans un piteux état.
Selon une source TSA, les installations sont « dans un état catastrophique ».
Le groupe indien a surexploité le site, sans jamais l’entretenir. « Il n’a pas respecté les ratios en terme de production/entretien des installations », affirme une source proche du dossier. Pour toute installation de cette nature, il y a des ratios à respecter entre l’utilisation et l’entretien.
Chose qu’ArcelorMittal n’a pas fait, indique notre source.
Lorsque l’on connait les montants investis par l’ancien « partenaire » étranger, l’on s’aperçoit qu’il ne pouvait en être autrement.
Entre 2001 et son départ, l’entreprise indienne n’a investi que 120 millions de dollars.
Pire, le complexe, autrefois bénéficiaire, s’est trouvé déficitaire et a vu sa dette augmenter sensiblement.
En fait, ArcelorMittal a récupéré sa mise de départ dès les premiers jours grâce à la vente des importants stocks de produits qu’il a trouvés sur le site.
Ont-ils été sous-estimés ? Ont-ils été oubliés dans le calcul de la valeur ? Mystère.
ArcelorMittal, une « escroquerie » en toute impunité
Ce constat amer se pose d’autant plus que l’État a nationalisé le complexe d’El Hadjar au prix fort.
Bien que la reprise de capital (21%) en 2013 se soit techniquement faite sans contrepartie financière, le gouvernement algérien a consenti une enveloppe d’investissement de 700 millions de dollars dans l’installation sidérurgique, comme ticket d’entrée.
Ce lundi, Abdeslam Bouchouareb, ministre de l’Industrie, a fourni une explication déroutante : « L’État n’intervient pas dans le financement.
Le budget n’est pas sollicité.
Le milliard de dollars est un plan d’investissement pluriannuel financé par un crédit bancaire remboursable avec, en première phase, un investissement de 600 millions USD », a-t-il affirmé au Quotidien d’Oran. L’État est bien le seul actionnaire et les banques qui ont financé sont publiques. Mais, selon le ministre de l’Industrie, l’argent public n’a pas été sollicité.
Une chose est sûre : de telles largesses semblent injustifiables, au regard de la gestion d’ArcelorMittal.
Des résultats en baisse, des déficits importants, un site à l’abandon souffrant d’un manque d’investissement chronique… Tous les engagements du partenaire indien se sont révélés creux. Pire : aujourd’hui, le complexe est confronté à un problème d’absence de management. « Nous n’avons pas de spécialiste de la sidérurgie en Algérie.
Nous n’avons pas les compétences pour gérer le complexe », reconnaît notre source.
L’État avait donc toutes les cartes en main pour imposer des sanctions.
Mais au contraire, l’ancien propriétaire du complexe s’en tire à très bon compte. Reparti après avoir transféré un maximum de dividendes à peu de frais, ArcelorMittal a manifestement roulé l’Algérie. Sur toute la ligne.
Par Tewfik Abdelbari
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