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En Iran, la France otage des États-Unis

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  • En Iran, la France otage des États-Unis

    Sur le papier, l'Iran est un véritable eldorado. Les secondes réserves mondiales en gaz, les quatrièmes en pétrole. Un marché de 80 millions de personnes, éduquées et consuméristes, enfin débarrassé des sanctions internationales, après l'accord historique sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015. « La France a été un des pays les plus actifs, volontaires, et efficaces, depuis la reprise des relations économiques avec l'Iran », se félicite ainsi le ministre français de l'Économie et des Finances, Michel Sapin, en visite officielle à Téhéran. « Des contrats très importants ont été signés, que ce soit dans le secteur aéronautique qu'automobile. » Airbus, PSA, Renault se sont déjà rués sur l'occasion.

    Mais ces juteux contrats cachent une réalité beaucoup plus contrastée. Nombre d'entreprises françaises redoutent toujours d'investir en République islamique. Car, si les sanctions internationales sur le nucléaire ont disparu, celles – américaines – relatives aux violations par Téhéran des droits de l'homme et à son soutien présumé au « terrorisme » au Moyen-Orient demeurent. Elles ont même été prolongées de dix ans en décembre dernier, par l'ancien président américain Barack Obama.

    « Traumatisme » des banques

    Or, en raison de leur caractère extraterritorial, ces sanctions visent, outre les sociétés américaines, toute entreprise étrangère commerçant en dollar avec l'Iran ou possédant des intérêts aux États-Unis. Et personne en France n'a oublié le « précédent BNP Paribas », où la banque française s'est vue infliger en 2014 une amende record de 8,9 milliards de dollars, notamment pour avoir utilisé le billet vert dans ses transactions avec l'Iran.

    « Cette amende record a créé un vrai traumatisme chez les grosses banques françaises qui ne veulent pas risquer d'autres sanctions, d'autant que le marché iranien ne sera jamais comparable pour elles au marché américain », confie Matthieu Etourneau, directeur général du Centre français des affaires de Téhéran qui dépend du Medef. Or, sans financement bancaire de poids, nombre d'entreprises françaises ne peuvent toujours pas investir en République islamique.

    « Diktat des États-Unis »

    « Les banques ont peur, car ce sont toujours les États-Unis qui ont le dernier mot dans le monde », estime un analyste iranien. « Pourtant, beaucoup d'Européens disent vouloir œuvrer pour que les banques reviennent, car l'Iran est un très grand marché dans la région : l'un des rares pays stables, avec beaucoup de ressources, tant naturelles qu'humaines. » Pour l'heure, les entreprises tricolores installées en Iran travaillent avec de petites banques françaises familiales n'ayant pas intérêts aux États-Unis, ou sur des établissements régionaux allemands ou italiens. « Mais il n'existe pas, à l'heure actuelle, de solution de financement nécessaire pour de grands projets d'infrastructures », pointe Matthieu Etourneau, dont le centre accompagne sur le plan opérationnel et stratégique les PME en Iran.

    « C'est une honte pour l'Europe d'être soumis à un tel diktat des États-Unis ! » s'emporte un industriel occidental dans les couloirs d'un grand hôtel téhéranais. Conscient de la frustration des industriels tricolores, le ministre français de l'Économie et des Finances, Michel Sapin, rappelle que « des solutions ont été trouvées au fur et à mesure des besoins ces derniers mois ». « Il faut recréer un climat de confiance afin que les banques françaises apprécient bien que le risque couru aujourd'hui en Iran n'a rien à voir avec celui d'hier », affirme-t-il depuis Téhéran, tout en soulignant que « les grandes banques françaises sont des établissements internationaux totalement privés, n'obéissant pas au gouvernement ».

    Fragilité des banques iraniennes

    Paris ne ménage pas ses efforts en réalité pour aider les entreprises françaises à reprendre pied en Iran. La Banque publique d'investissement devrait bientôt pouvoir accorder des crédits aux entreprises iraniennes passant commande à leurs homologues françaises. De même, des prêts du Trésor devraient être mis à disposition pour soutenir les grands projets d'infrastructures en Iran.

    Reste la très grande fragilité du secteur bancaire iranien, dont des pans entiers sont liés aux Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du pouvoir iranien, véritable État dans l'État. « Des mesures doivent être prises pour que l'Iran demeure au niveau des standards internationaux en termes de transparence financière », déclare le ministre français qui estime néanmoins avoir « reçu des assurances » de la part de ses homologues iraniens.

    La charge de Sapin contre Trump

    Le véritable test aura lieu en juin prochain, date à laquelle le Groupe d'action financière (Gafi), organisme intergouvernemental créé pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, doit décider de maintenir ou non l'Iran sur sa liste noire des pays à haut risque, ce qui pourrait ouvrir la voie à un possible retour des grandes banques européennes en Iran.

    Un tel scénario se heurte toutefois à une énorme incertitude : la future politique du nouveau président américain, Donald Trump, à l'encontre de l'Iran. Entouré d'une équipe résolument anti-iranienne, le pensionnaire de la Maison-Blanche a multiplié les déclarations incendiaires vis-à-vis de l'accord sur le nucléaire iranien, pourtant respecté pour l'heure par Téhéran. Fin janvier, après un test de missile iranien, il a adopté de nouvelles sanctions contre la République islamique, peu compatibles avec une vraie reprise des affaires avec l'Iran.

    « Nous sommes entrés dans une zone d'incertitude, ce que n'aiment pas les acteurs économiques et politiques », concède Michel Sapin. Avant de décocher une rare flèche à l'égard du président américain. « Quelle que soit la liberté de décision d'un grand pays comme les États-Unis, il y a des règles de droit internationales qui ne peuvent pas être remises en cause par un tweet. »

    Armin Arefi
    Le Point
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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