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Francisco Soberon : combattant inlassable contre la peine de mort

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  • Francisco Soberon : combattant inlassable contre la peine de mort

    Le ton posé, le sourire facile et une réputation d'homme affable, Francisco Soberon peut pourtant devenir le plus rugueux des interlocuteurs quand il s'agit de la défense des droits de l'homme. Ce combat résume toute sa vie dans un Pérou qui, depuis les années 1980, a vécu dans la terreur de la guérilla maoïste du Sentier lumineux, de la répression militaire et éprouve encore des difficultés à s'affirmer comme une authentique démocratie.

    Il explique sans relâche que "la peine de mort doit être abolie, que ce soit au Pérou, aux Etats-Unis, en Irak ou dans n'importe quelle autre partie du monde". Le discours du directeur exécutif de l'Association péruvienne pour les droits de l'homme (Aprodeh) n'est pas nouveau, mais son actualité est devenue brûlante depuis l'accession au pouvoir, en juillet 2006, d'Alan Garcia.

    Le président péruvien, qui a déjà gouverné le pays (1985-1990) et dont le parti est membre de l'Internationale socialiste, souhaite rétablir la peine capitale - abolie en 1979 -, dans les cas de terrorisme, de viol ou de meurtre de mineurs. Dénonçant ce qui serait "un vrai danger pour le pays", Francisco Soberon compte bien profiter de la tribune du Congrès mondial contre la peine de mort, organisé à Paris, du 1er au 3 février, pour combattre l'initiative présidentielle.

    "Pancho", comme l'appellent ses proches, s'est donc envolé pour la France avec son attaché-case bourré de documents, de copies de jugements ou de règlements. "Il les distribue à tout le monde lors des réunions", sourit Sofia Macher, une militante péruvienne des droits de l'homme. Elle s'étonne encore de la capacité du directeur d'Aprodeh à "être informé sur tous les dossiers en cours et à se souvenir de chaque cas du passé".

    Pour elle, Francisco Soberon est devenu "Super Pancho" un jour de 1997. Le gouvernement d'Alberto Fujimori (1990-2000) venait d'arrêter des paysans, accusés de terrorisme. "On nous avait dit qu'ils étaient innocents et nous sommes partis vérifier les faits dans un coin très reculé du pays", raconte Sofia Macher. Un arbre au milieu de la route les avait obligés à finir le voyage à pied. Francisco Soberon était alors passé devant pour motiver son équipe. Une fois arrivé, il était resté de longues heures avec les familles des paysans arrêtés pour discuter. "Il est infatigable. C'est une locomotive qui transcende et exténue tous ceux qui sont autour."

    "Activiste", comme il aime à se définir, Francisco Soberon, 59 ans, a fait ses premières armes dans les années 1970. Il s'était joint au mouvement étudiant de l'Université catholique de Lima où il étudiait la sociologie, puis avait lutté au sein du mouvement paysan. Mais c'est en 1980 qu'il s'intéresse pleinement à la question des droits de l'homme. Le Sentier lumineux vient de déclencher sa "lutte révolutionnaire" contre l'Etat péruvien, avec des attentats et des exécutions sommaires. C'est à cette même époque que les premières plaintes pour des abus commis par des militaires, chargés de la lutte contre le terrorisme, sont déposées.

    Face à la terreur qui submerge le pays, Francisco Soberon et un groupe d'amis fondent Aprodeh, en 1983. Leur but : venir en aide aux familles des victimes et dénoncer les exécutions extrajudiciaires commises par certains militaires. Toutes les personnes qui ont lutté pour les droits de l'homme dans les années 1980 au Pérou et à l'époque d'Alberto Fujimori ont fait preuve d'un grand courage. "C'était vraiment dangereux et Francisco a toujours été la face visible du mouvement", insiste Sofia Macher.

    L'assassinat du directeur d'Aprodeh a même été planifié, dans les années 1990. De 1988 à 1992, Francisco Soberon ne pouvait pas sortir sans une protection rapprochée. "Je n'avais pas de vie sociale, car c'était m'exposer", se souvient-il. Il a même reçu une couronne mortuaire avec son nom écrit ; elle avait été envoyée à Aprodeh par les membres d'un groupe paramilitaire. Autant de raisons, évidemment, pour protéger sa vie privée.

    Un père militaire, une mère au foyer, deux filles de 18 et 16 ans, deux de ses quatre frères qui vivent en France depuis plusieurs années... Il n'en dit pas plus. Avec ses éternelles chemises aux manches courtes, son allure décontractée contraste avec les traditionnels costumes cravates tellement prisés par les Péruviens qui occupent un poste à responsabilités. "Pancho" affiche l'air serein de ceux qui ont vu des horreurs. "Vingt-quatre ans de lutte m'ont apporté un sentiment de plénitude. Il y a eu des moments difficiles mais aussi de grandes avancées." Comme la mise en place de la Commission de la vérité et de la réconciliation (CVR) en 2001, chargée de faire le bilan de vingt ans d'un conflit qui a fait plus de 69 000 morts.

    Le terrorisme a désormais disparu du pays mais le directeur d'Aprodeh ne désarme pas. "Francisco est une autorité et un leader reconnu non seulement au niveau national mais aussi sur l'ensemble du continent", assure Hans Landolt, directeur de l'Institut de défense juridique péruvien (IDL). Le titre n'est pourtant pas un des plus simples à assumer dans un pays où les organisations non gouvernementales comme les mouvements de la société civile sont parfois vus d'un mauvais oeil. "Tout cela est la conséquence de la campagne menée par le pouvoir contre les défenseurs des droits de l'homme durant les années 1980 et 1990 mais je crois que cette perception est en train de changer", se rassure Francisco Soberon.

    Beaucoup de Péruviens, encore marqués par vingt ans de conflit, ont pourtant du mal à comprendre pourquoi la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) vient d'ordonner à l'Etat d'indemniser à hauteur de 4 000 à 20 000 dollars chaque famille de personnes accusées de terrorisme et exécutées sommairement par l'armée en 1992 alors qu'elles étaient en prison. " (Elles) aussi ont été victimes d'une tuerie", tente d'expliquer "Pancho". Peu importe, selon lui, qu'elles aient fait partie ou non du Sentier lumineux. "On ne peut faire de discriminations entre deux personnes ayant souffert de violation de droits de l'homme."

    Pour beaucoup, le discours et les positions de Francisco Soberon dérangent. Il ouvre toujours les manifestations et ne se cache pas derrière les banderoles. Sa force ? "Je n'ai jamais cédé à la sensualité du pouvoir", s'enorgueillit l'homme de terrain qui avoue réserver son admiration aux activistes du monde entier. "Ceux qui défendent les droits de l'homme", évidemment.

    Parcours

    1948
    Naissance à Lima (Pérou).

    1983
    Fondation de l'Association pour les droits de l'homme (Aprodeh), qu'il dirige.

    1995-2003
    Vice-président de la Fédération internationale des droits de l'homme.

    2002
    Secrétaire exécutif de la Coordination nationale des droits de l'homme du Pérou.


    2007
    Participe au Congrès contre la peine de mort, organisé à Paris du 1er au 3 février.

    Par Le Monde
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