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“Les vices privés font la vertu publique” / Bernard Mandeville / La Fable aux abeilles (1705)

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  • “Les vices privés font la vertu publique” / Bernard Mandeville / La Fable aux abeilles (1705)

    L’égoïsme pousse à agir, tandis que la morale invite à la léthargie. C’est donc la dynamique des intérêts particuliers qui stimule la prospérité d’une société, selon le théoricien néerlandais qui a inspiré Adam Smith

    Imaginez une vaste ruche, prospère et confortable. Les abeilles vivent dans l’opulence mais aussi dans la plus grande immoralité. Certaines ne supportant plus la corruption régnante demandent à Dieu d’intervenir. Il exauce leur vœu et les abeilles deviennent irréprochables. Mais aussitôt la ruche dépérit, elle tombe dans l’inertie et la pauvreté apparaît. C’est que les vices étaient le ressort de la prospérité. Plus encore, les comportements vertueux ont fait le malheur de la cité.

    Dans La Fable des abeilles, plus connue par son sous-titre, Les vices privés font le bien public (1705), Bernard Mandeville prend le contre-pied de la pensée classique : ce n’est pas de la vertu mais de l’égoïsme de chacun qu’il faut attendre le bien public. Il préfère les maisons closes aux maisons de charité, fait l’apologie de la cupidité, de l’exploitation et de la malhonnêteté, et déconsidère l’altruisme, la frugalité et la mesure. Son livre est brûlé dans toute l’Europe comme l’ouvrage du diable, une œuvre de « Man Devil ».
    La fable donne le principe de l’économie de marché, théorisé un peu plus tard par Adam Smith sous la forme de la « main invisible ». Tous les deux appartiennent au mouvement des Lumières anglo-écossaises dont l’originalité est d’avoir dévoilé les mécanismes d’autorégulation spontanée de la société, sur la base de comportements individuels orientés vers l’intérêt personnel. L’ordre social, comme la ruche, n’est pas le résultat d’un dessein rationnel et moral, mais l’effet d’une multitude d’actions individuelles non concertées et vicieuses.
    La société ne trouve pas son équilibre par l’intervention d’une autorité politique ou religieuse mais par la libre affirmation des désirs de chacun. La diversité des passions et la concurrence des intérêts stimulent le génie des commerçants, développent l’industrie et, du coup, améliorent aussi le sort de millions de pauvres. Alors que la vertu endort les sens et l’action, le vice réveille l’homme et appelle l’activité. Non seulement il n’est pas nécessaire que l’État impose la première, mais il doit absolument s’en abstenir et, au contraire, exciter les intérêts égoïstes.

    Pour comprendre la fable, il ne faut pas oublier que Mandeville est d’abord « psychiatre ». Avant Freud, il observe que les maladies de l’âme naissent d’un contrôle excessif des passions. Plutôt que d’accepter ce contrôle, à l’instar de Freud, comme une nécessité sociale, il entend le supprimer. Pour soigner les individus, il faut laisser faire les passions, ne pas les contrarier par des injonctions vertueuses. C’est là le cœur de l’inspiration libérale. En libérant l’individu de toute tutelle politique, morale et religieuse, on légitime l’affirmation du désir, qui peut s’épanouir librement par le jeu des intérêts.


    Philo mag
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