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David Hume Le soleil se lèvera-t-il demain ?

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  • David Hume Le soleil se lèvera-t-il demain ?

    Faire descendre la raison du piédestal où René Descartes l’avait placée, 
tel est le pari du philosophe écossais. 
À partir d’observations simples sur nos habitudes mentales, 
il fait valoir le rôle de l’expérience dans la connaissance.

    Le soleil va-t-il encore se lever demain ? Certainement, mais qu’est-ce qui nous porte à le croire : la raison ou l’habitude ?

    Voir le soleil se lever tous les matins permet sans doute de s’en persuader mais pour un rationaliste, la raison doit permettre d’expliquer ce phénomène. En sachant que la Terre tourne autour du Soleil en 24 heures et qu’il y a en tout point de la planète un jour et une nuit, ne peut-on pas prévoir à la minute près quand le soleil se lèvera à un endroit précis du globe ? Les lois mathématiques de la science ne permettent-elles pas de comprendre les lois de la nature ?


    Non !, affirme un jeune homme de 25 ans à l’encontre du grand René Descartes. Seules l’expérience et l’habitude nous font croire que le soleil va se lever et rien ne prouve rigoureusement qu’il se lèvera demain ! Qui est celui qui affirme ça ?


    Il s’appelle David Hume, est né à Édimbourg, en Écosse, en 1711. Lorsqu’il écrit son Traité de la nature humaine (1739-1740), il est installé en France, à La Flèche, dans la Sarthe, à l’endroit même où Descartes étudia au siècle précédent et commença à songer à sa théorie de la raison toute-puissante. Mais la roue de l’histoire tourne et un siècle plus tard, alors que la philosophie rationaliste a conquis une partie de l’Europe savante, David Hume veut la détrôner. Comment ? En se posant la question apparemment la plus simple et la plus évidente qui soit : le soleil se lèvera-t-il demain ?

    Si nous en sommes sûrs, affirme Hume, c’est parce que nous en avons l’expérience. Tous les jours et depuis toujours, le soleil se lève. Il en sera donc de même demain. Mais alors, soutient Hume, ce n’est que l’habitude qui guide notre pensée et pas la logique. Effectivement, qu’est-ce qui nous prouve que demain, une météorite ne viendra pas s’écraser sur la Terre ou faire exploser le Soleil, brisant ainsi la constance du phénomène observé jusque-là ? Aujourd’hui, un scientifique pourrait rétorquer que les astronomes auraient déjà repéré cette météorite et nous en aurait informés. C’est sans doute vrai mais cela nous montre justement que c’est l’expérience et non la pure déduction qui est à la base de notre savoir.


    Le calcul permet de prévoir où et quand le soleil se lèvera demain ; il permet d’anticiper, de construire des calendriers précis et de faire des modèles. Cependant, rien ne permet d’affirmer en toute rigueur que le phénomène se conformera à ces modèles ! Après tout, il y a des inconnus dans l’univers : pourquoi un énorme trou noir ne surgirait-il pas du vide quantique pour déchirer l’univers et broyer la Terre en une fraction de seconde ? En toute logique, rien ne l’interdit ! C’est le point sensible de l’argumentation de Hume : il ne conteste ni la régularité de certains phénomènes naturels ni la capacité de la raison à forger des modèles. Ce qu’il conteste, c’est l’adéquation entre les prévisions générées par ces modèles et le déroulement de phénomènes naturels comme le lever du soleil.


    Le problème de Hume


    Karl Popper a baptisé « problème de Hume » ce défi posé à l’induction, c’est-à-dire à la démarche consistant à établir une loi générale à partir de l’observation d’une série de faits : tous les cygnes sont blancs puisque tous les cygnes que nous voyions sont blancs ! Voilà un raisonnement inductif. Cependant, pour Hume il s’agit là d’une sorte de routine mentale bien plus que d’un raisonnement logique. Généraliser à partir d’expériences quotidiennes (ce que nous faisons en permanence) est certes raisonnable, mais ce n’est pas absolument logique.

    Prenons un autre exemple pour bien cerner le propos de Hume. Si je vous dis que Marie est dans la salle de bain, vous pouvez en déduire qu’elle n’est pas dans la cuisine puisqu’on ne peut pas être à deux endroits en même temps !

    Sauf si la salle de bain est elle-même dans la cuisine ! Certes, une salle de bain se trouve rarement dans une cuisine mais rien ne l’interdit en principe. Ce qui apparaît comme une contradiction logique n’est donc en fait qu’une habitude de pensée elle-même liée au fait que les architectes sont généralement des gens raisonnables.

    Une fois achevé son Traité de la nature humaine dans lequel il présente ses objections au rationalisme et développe une vision « empiriste » de la connaissance postulant que toutes nos connaissances sont fondées sur l’expérience, Hume s’empresse de rentrer en Écosse pour le faire publier. Ce sera un échec complet. « Mon livre est tombé mort-né de la presse », écrira-t-il plus tard.

    Par la suite, Hume continuera à publier des essais philosophiques et moraux avec un succès mitigé. Auteur d’une Histoire d’Angleterre, il sera surtout connu comme historien. En 1776, date de sa mort, ses critiques contre le rationalisme sont toujours inconnues. Enfin presque.

    Emmanuel Kant a lu le Traité de la nature humaine et a été ébranlé par son argumentation antirationnaliste. Il confiera même que la découverte de Hume l’a « réveillé de son sommeil dogmatique ». Si la raison permet d’élaborer de nombreuses déductions logiques reliant des propriétés entre elles, ces déductions ne permettent en aucun cas d’établir des conclusions sur les faits eux-mêmes. Inversement, les connaissances empiriques ne doivent rien à la raison.

    « Le problème de Hume » sera le point de départ d’une série de débats philosophiques qui se poursuivront pendant trois siècles. Après Kant, le problème resurgira au XXe siècle avec Bertrand Russell, puis Karl Popper, Nelson Goodman et Carl Gustav Hempel. Aujourd’hui encore, le métaphysicien français Quentin Meillassoux fait du « problème de Hume » l’un des points de départ d’un « réalisme spéculatif » cherchant à définir ce que les choses « pourraient être » plutôt que de s’échiner à montrer pourquoi elles sont ce qu’elles sont (confondant souvent l’état de fait avec une causalité implacable) (1).





    Hume prend comme exemple canonique, l’évidence du levé de soleil, fausse évidence qui correspond bien à un expérience passé et peut être raisonnablement anticipé pour le lendemain. Mais ce « raisonnablement » n’est en aucun cas une pure déduction: elle vient de l’expérience et non de la logique.*

    D'où vient le sens moral ?

    « Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt. Il n’est pas contraire à la raison que je choisisse de me ruiner complètement pour prévenir le moindre malaise d’un Indien ou d’une personne complètement inconnue de moi » (Traité de la nature humaine). 
Pour le philosophe David Hume (1711-1776), on ne peut fonder la morale sur un principe supérieur comme la raison. Nos conduites morales sont exclusivement guidées par nos émotions. C’est une fausse évidence qui nous fait prendre pour un comportement raisonnable ce qui n’est en fait que la manifestation d’un penchant naturel. Hume s’oppose donc aux rationalistes et souligne la relativité de la morale : il n’existe pas de « faits moraux » en soi, puisque nos croyances morales sont guidées essentiellement par nos passions et intérêts particuliers.


    NOTES
    1. Quentin Meillassoux, Après la finitude. Essai sur la nécessité de la contingence, Seuil, 2006.

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