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Les travailleurs détachés en France sont aussi… des Français !

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  • Les travailleurs détachés en France sont aussi… des Français !

    Être un travailleur détaché dans son propre pays, c'est possible. Derrière le débat sur les clauses Molière, des intérimaires français profitent des dérives du système pour effectuer des missions en France grâce à l'aide de sociétés luxembourgeoises. Principale victime : la Sécurité sociale.

    Avant de s'en excuser, Jean-Luc Mélenchon les avait accusés de "voler le pain des travailleurs qui se trouvent sur place". L'ancien Premier ministre Manuel Valls avait un temps menacé de ne plus appliquer la directive qui leur permet de travailler à travers l'Union européenne. Marine Le Pen a promis, en cas de victoire le 7 mai prochain, de leur privilégier les travailleurs français…

    Les travailleurs détachés : un argument de choix pour illustrer les effets néfastes de la politique bruxelloise. Mais nos élus nationaux parlent peu du fait que près de 10% des travailleurs détachés présents sur le sol français seraient en réalité… français. Effectuer des missions sous ce statut dans son propre pays, une incongruité rendue possible par la cupidité de certaines entreprises hexagonales, qui peuvent compter sur l'appui de boîtes d'intérim basées dans des pays voisins, notamment au Luxembourg. Et ce, en toute légalité.

    Une seule victime : la Sécu

    Bordant la frontière française, la ville luxembourgeoise d'Esch-sur-Alzette se distingue ainsi par le nombre de ses agences d'intérim : la deuxième ville du Grand-Duché, 33.000 habitants, dispose en effet de 33 offices spécialisés dans le travail temporaire. Soit une agence pour 1.000 habitants ! Un nombre largement suffisant pour satisfaire la demande locale et au-delà… Dans les registres de ces boîtes, on trouve en effet de nombreux Français, pour la plupart venus de la Moselle toute proche.

    "Les Français s'inscrivent au Luxembourg, ou en Belgique, puis sont envoyés en mission en France. Ainsi, l'entreprise française qui les recrute doit s'acquitter des cotisations sociales luxembourgeoises qui sont, bien sûr, beaucoup plus avantageuses". Député PS de Gironde, Gilles Savary connaît bien ce système. Il a participé, avec la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, à l'élaboration d'un rapport sur le sujet en 2013. L'élu girondin veut attirer l'attention sur cette dérive, inadmissible à ses yeux : "Avec ce système, nous avons créé de nouveaux mercenaires, un marché des hommes où l'on place des travailleurs à droite, à gauche, un marché parallèle dont la victime principale est la Sécurité sociale".

    Car le travailleur détaché français effectue des missions en France en percevant le Smic luxembourgeois (environ 1.900 euros net). Ainsi, il coûte moins cher à l'entreprise qui le recrute, qui ne paie pas sur son salaire les cotisations normalement dues à l'Etat français. Un petit jeu dont tout le monde ressort gagnant, si l'on excepte bien sûr la Sécurité sociale, privée de recettes.

    Rien qu'à Esch-sur-Alzette, il y aurait environ 6.500 Français inscrits en intérim.

    député PS

    Impossible d'estimer le montant du préjudice subi par la Sécu. Car il est déjà très difficile d'avoir une réelle idée du nombre d'intérimaires qui ont - ou ont eu - recours à ce procédé. "Il y a peu de chiffres, très peu d'investigations ont été menées, regrette Gilles Savary. Il y a un an, on estimait leur nombre à 18.000 ou 19.000. Dans ce domaine, tout est extrêmement dur à vérifier. Mais rien qu'à Esch-sur-Alzette, il y aurait environ 6.500 Français inscrits en intérim."

    Un phénomène difficile à quantifier

    En 2012, les Français étaient ainsi la quatrième nationalité de travailleurs détachés la plus représentée en France, derrière les Polonais (31.700), selon un rapport de la Cour des comptes consacré à la Sécurité sociale. Ils talonnaient les Portugais (20.100) et les Roumains (17.500). Le rapport précise par ailleurs que les deux tiers des Français concernés sont Lorrains. Au vu de l'ampleur du phénomène, les Sages de la Cour des comptes estimaient même nécessaire "l'emploi des moyens de la police judiciaire". Une préconisation qui n'a, semble-t-il, pas été suivie d'effets. Car cinq ans plus tard, on ne connaît toujours pas le nombre précis de travailleurs détachés français en France.

    La Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) de la région Grand-Est a mené des campagnes sur ce sujet, mais elle ne possède aucune statistique actualisée : "Nous sommes incapables de dire combien de cas il y a aujourd'hui, ni si cela augmente ou si cela diminue".

    La DIRECCTE a malgré tout confié à Marianne une statistique assez révélatrice. "En 2015, nous avons relevé 2.000 détachements d'intérimaires français depuis des boîtes luxembourgeoises, en Moselle uniquement". Un chiffre à mettre en comparaison avec les 8.600 intérimaires officiellement dénombrés en Moselle par l'Observatoire de l'intérim et du recrutement en décembre 2014.

    Une catégorie semble plus particulièrement touchée. "Le BTP est le plus concerné et de loin, pour tous les autres secteurs, c'est très marginal". Les durées des détachements peuvent être très variables, allant d'une seule journée jusqu'à plusieurs mois. Mais comment expliquer qu'il soit si difficile de déterminer l'ampleur réelle du phénomène ?

    "C'est pratiquement impossible à quantifier, justifie un représentant de l'Agence pour le développement de l'emploi luxembourgeoise. Les Français qui viennent ici peuvent être inscrits dans plusieurs agences simultanément, parfois jusqu'à une dizaine. Dix noms peuvent, au final, ne correspondre qu'à une seule personne". Des difficultés aussi liées aux particularités de l'intérim. "Dans l'intérim, ça entre, ça sort… Si je vous donne des chiffres aujourd'hui, ils n'auront plus de valeur dans un mois".

    L'Europe, coupable devenu sauveur ?

    Le 4 avril 2016, le député Gilles Savary a déposé un amendement chargé de mettre fin à ce système ubuesque. Un texte qui, selon l'élu, n'a pas vraiment été soutenu par le Medef ni par la FNSEA… Pourtant, celui-ci prévoyait simplement "qu'un travailleur intérimaire soit employé aux mêmes conditions, qu'il relève d'une agence d'intérim française ou qu'il soit détaché en France par une agence transfrontalière de travail temporaire".

    Une solution qui aurait certainement mis fin à l'exil d'intérimaires vers les boîtes du Grand-Duché. Mais la solution n'a pas pu être appliquée et depuis un an, c'est le statu quo. "Mon amendement n'a pas porté ses fruits. Il n'est pas réalisable à cause des directives européennes". La directive européenne en vigueur sur les travailleurs détachés impose en effet que les cotisations sociales soient prélevées selon les règles du pays d'origine de l'agence et non du salarié.

    Le gouvernement luxembourgeois a été rabroué par les autorités européennes

    François Rouxdélégué général Prism'emploi

    Mais selon François Roux, délégué général de Prism'emploi, syndicat patronal qui regroupe des centaines d'entreprises du secteur, l'amendement de Gilles Savary n'a pas été complètement inutile : "Il a des vertus pédagogiques. Il aura au moins eu le mérite de mieux faire connaître ce sujet". Selon ce fin connaisseur de l'intérim en France, le phénomène des travailleurs français détachés dans leur propre pays se trouverait néanmoins sur la pente descendante. Une baisse qui ne serait pas vraiment du fait de nos élus : "Depuis un an, j'ai le sentiment que ce phénomène tend à diminuer, non pas à cause de l'amendement mais parce que le gouvernement luxembourgeois a été rabroué par les autorités européennes".

    Selon François Roux, les boîtes d'intérim du Grand-Duché ne se contentaient pas seulement d'accueillir des travailleurs français : "Elles venaient les chercher directement en France ! Elles envoyaient des fax, des mails pour faire la promotion de leurs régimes sociaux. Leur politique était très agressive et Bruxelles leur a demandé d'arrêter ces pratiques".

    La lumière viendra-t-elle des instances européennes, souvent décriées sur ce sujet ? La Commission européenne travaille actuellement sur un projet de modification de la directive sur les travailleurs détachés, qui date de 1996. Des modifications qui pourraient empêcher certaines dérives, mais Gilles Savary n'est pas complètement rassuré : "Nous avons déjà, en France, la législation la plus sévère sur ce sujet, cela n'empêche pas tout. La directive va être modifiée et encadrée certes, mais là encore est-ce que ce sera suffisant ?".

    Par Pascal Marie
    Marianne
    Dernière modification par zek, 28 mars 2017, 08h30.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    C'est encore une fois une manifestation flagrante des distorsions de l'union européenne. L'UE court vers sa désintégration.

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    • #3
      C'est encore une fois une manifestation flagrante des distorsions de l'union européenne. L'UE court vers sa désintégration.
      Il y a bien un problème, l'Europe est une chimère, la France finance rien que pour la Bulgarie via l'Union Européenne 300 millions d'euros par an, alors que la Guyane qui coure à sa perte à un budget de 60 millions.

      Trouvez l'erreur.
      Dernière modification par zek, 28 mars 2017, 10h58.
      Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

      Commentaire

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