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Les vagues scélérates, terreurs des océans

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  • Les vagues scélérates, terreurs des océans

    Ces phénomènes extrêmes, que la science tente toujours de modéliser, sont la terreur des marins. Une expédition menée par Jean-Louis Étienne pourrait lever le mystère.

    « À BORD DE L’ADOUR, au large de la Crète, nous étions en train d’essuyer une mer démontée depuis cinq jours. Soudain, une véritable montagne liquide est apparue devant nous, suivie d’un précipice terrifiant… Je suis certain d’avoir vu, ce jour-là, une vague scélérate. » Cette rencontre, le philosophe Michel Serres - qui fut officier de marine de 1956 à 1958 - ne l’oubliera jamais. Et il n’est pas le seul ! Cette expérience traumatisante, et parfois mortelle, a été moult fois rapportée par des marins. Pourtant, ce mur d’eau de 20 à 30 mètres de haut décrit par les survivants - soit un immeuble de 8 à 12 étages - est longtemps demeuré un mythe faute de données scientifiques fiables. Mais les scientifiques devraient en apprendre bientôt davantage. La prochaine expédition du Français Jean-Louis Étienne, nommée Polar Pod (Plate-forme océanique d’observation australe), devrait en effet débuter d’ici à 2019. Elle est en partie financée par le projet européen Multivawe, destiné à l’étude des vagues scélérates et des phénomènes extrêmes et coordonné par les physiciens et océanologues néo-zélandais John Dudley, de l’institut Femto-ST de Besançon, et français Frédéric Dias, de l’University College de Dublin (Irlande), détaché de l’École normale de Cachan (Valde-Marne). Il y a en effet urgence à les comprendre : avec l’intensification des événements météorologiques exceptionnels due au réchauffement climatique, ces vagues pourraient en effet devenir de plus en plus fréquentes et mettre en danger les équipages. La course à la modélisation est donc lancée, pour tenter, in fine, de mettre en place si possible des systèmes d’alerte embarqués.

    Une première preuve scientifique des vagues scélérates en 1995

    La première vague scélérate à avoir été mesurée a été nommée « la vague du Nouvel An ». Elle a eu lieu en mer du Nord le 1er janvier 1995 et a déferlé sur la plate-forme pétrolière Draupner. Celle-ci étant équipée de capteurs, il a pu être établi que la vague mesurait 25,6 mètres, ce qui a constitué la première preuve scientifique de l’amplitude extrême de ces ondes par rapport au niveau moyen de la mer. Plusieurs naufrages mystérieux de très grands navires trouvaient là une explication rationnelle. Comme la disparition subite du MS München de 37 000 tonnes de la compagnie allemande Combi-Line au nord des Açores en 1978, avec 28 personnes à bord. Un nouveau champ scientifique s’est alors ouvert pour comprendre comment se forment ces monstres océaniques.

    Depuis, d’autres ondes extrêmes ont été détectées, sur des platesformes offshore et par satellites, ce qui laisse penser qu’elles sont relativement fréquentes. En 2004, par exemple, l’analyse de trois semaines d’images radar provenant de satellites européens a permis d’identifier 10 vagues scélérates de 25 mètres ! Et en janvier 2014, une vague de plus de 29 mètres a été mesurée au disparilarge de Killard, en Irlande. Pour l’anecdote historique, c’est d’ailleurs l’un de ces monstres qu’aurait représenté le peintre japonais Katsushika Hokusai vers 1830, comme l’a démontré en 2013 une étude réalisée par John Dudley, Frédéric Dias et Véronique Sarano.

    Les vagues scélérates : une durée de vie d’environ 20 secondes

    Une vague scélérate se définit donc principalement par sa hauteur, deux à trois fois plus importante que celle des vagues alentours. Phénomène spontané et localisé, elle « surgit de nulle part » dans des mers houleuses et a une durée de vie très brève (environ 20 secondes). Pour comprendre les lois gouvernant leur émergence, les physiciens ont donc d’abord tenté de les modéliser grâce à l’équation d’onde dont une des solutions serait un soliton du nom de cette onde solitaire. Celle-ci a la particularité de se propager sans se déformer dans des milieux dits non linéaires et elle n’est précédée ni suivie par de quelconques perturbations. Or si deux vagues sont en phase, leurs amplitudes (hauteur) s’additionnent. Pour mieux en comprendre le mécanisme, Frédéric Dias et John Dudley ont eu d’abord l’idée de transposer ce comportement aquatique aux ondes lumineuses dans le cadre d’une collaboration soutenue par l’Agence nationale de la recherche (ANR) française. Car les chercheurs savent reproduire des solitons dans certaines fibres optiques dans lesquelles ils ont ainsi réussi à former l’équivalent d’une vague scélérate.

    « C’était la première fois que l’on prenait un phénomène dans un domaine et que cela marchait dans un autre ! », souligne Michel Olagnon, ancien ingénieur-chercheur à l’Ifremer. Mais Frédéric Dias demeure sceptique sur les résultats de sa propre expérience, après avoir tenté de reproduire le fameux soliton dans un bassin : « Nous avons créé une vague unidimensionnelle, à longue crête, sans effet de surface, qui se propage de manière rectiligne dans un bassin où la longueur est plus importante que la largeur. Or il n’existe rien de tel dans l’océan, où il n’y a que des vagues à courtes crêtes ! », explique-t-il. Le chercheur poursuit : « En outre, notre expérience impliquait un spectre d’énergie étroit, concentré sur une seule fréquence, alors que dans les océans les spectres sont larges. Dans la nature, si une vague prend de l’énergie aux autres, celle-ci part sur les côtés et non pas dans la direction de la vague. Cette instabilité peut être observée en laboratoire, mais dans l’océan, je n’y crois pas trop. »

    Les chercheurs se sont alors intéressés à un autre soliton, dit de Peregrine, du nom du mathématicien britannique Howell Peregrine. À la différence de l’onde solitaire « classique » qui présente une même forme durant sa propagation, le soliton de Peregrine est localisé à la fois dans l’espace et le temps. « Il émerge de nulle part et extrait son énergie d’une onde continue, pour atteindre une très forte intensité avant de disparaître aussi subitement qu’elle est apparue et retrouver son état initial », décrit Bertrand Kibler, chercheur à l’Institut Carnot de Bourgogne qui a également participé à la collaboration.

    Un milieu complexe qui se joue des modélisations

    « Bien que les vagues aient une direction prédominante, en plein océan des formes d’onde peuvent survenir d’autres directions, explique Francesco Fedele, chercheur à la Georgia Tech School, aux États-Unis. Ainsi, parfois, deux vagues peuvent arriver d’une manière si organisée [crêtes et creux correspondant exactement les uns avec les autres] qu’elles se transforment subitement en une autre vague dont la hauteur est la somme des deux précédentes. » Et c’est ce « monstre »-là qui constituerait la vague scélérate.

    Mais cette théorie ne fait pas non plus consensus dans la communauté scientifique tant l’océan reste un milieu d’une complexité redoutable qui se joue des modélisations. Pour Frédéric Dias, le défi désormais est « d’intégrer dans nos calculs les effets du vent et du déferlement, car les vagues scélérates se produisent dans des états de mer perturbés ». La prochaine expédition de Jean-Louis Étienne apportera peut-être enfin des éléments nécessaires à la solution de l’énigme.




    SH

  • #2
    bonjour

    Un milieu complexe qui se joue des modélisations
    A l'universite d'Edinbourgh, j'ai assiste a une demonstration de quelques-unes de ces modelisations et c'est vraiment monstre..
    Contrairement a ce qu'on pensait, ces vagues scelerates (Tsunami) se manifestent aussi dans des eaux calmes, et beaucoup de parametres entrent en jeu...en plus des interferences constructives, il y'a la salinite (donc densite) mais aussi des vents et typologie des fonds...

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