L'effort d'investissement moins bien récompensé qu'ailleurs
Les maux de l'économie ont une source commune: L'éducation
La fiscalité détourne des secteurs productifs
Le niveau de vie d'un Marocain équivaut à peine à 18% de celui d'un Espagnol! Certes, l'économie marocaine figure dans le peloton de tête en Afrique mais comparée aux pays européens ou aux grands émergents, l'écart est encore significatif. Des économistes et chercheurs brossent un panorama critique dans le livre «Equilibres externes, compétitivité et processus de transformation structurelle de l'économie marocaine», présenté mardi 18 avril au Centre de recherche Links, de la Faculté des sciences économiques de l'Université Hassan II.
Les principaux constats rejoignent les conclusions déjà relevées dans d'autres travaux sur le Maroc: le Royaume investit mal. Le taux d'investissement, l'un des plus élevés au monde, se situe en moyenne à 32% sur les quinze dernières années. Sauf que cet effort n'a pas les effets escomptés sur la croissance comme dans des pays qui investissent autant que nous, voire moins.
L'effet multiplicateur de l'investissement sur l'activité économique n'est pas visible parce que la dynamique est d'abord essentiellement publique. Les investissements dans les ports, les aéroports, les autoroutes... ont vocation à produire des effets sur le long terme. Parallèlement, le secteur privé reste relativement à l'écart. Or, ce sont les entreprises qui créent la richesse et l'emploi. Au-delà des facteurs conjoncturels qui impactent les décisions d'investissement, «la fiscalité détourne des secteurs productifs», observe Lahcen Oulhaj, enseignant-chercheur en économie à l'Université Mohammed V de Rabat.
L'un des défis pour le Royaume est de réorienter l'économie vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée, relève Idriss El Abbassi, enseignant-chercheur à l'Université Mohammed V. Le processus est en cours avec l'émergence des secteurs tels que l'automobile ou encore l'aéronautique. Toutefois, le processus est lent. Il faudra aussi développer des industries classiques comme le textile et l'habillement. L'accord multifibre a bouleversé ce secteur mais il souffre aussi du manque d'innovation. De façon générale, la capacité des entreprises marocaines à monter en gamme reste limitée.
Dans les activités manufacturières, «la plupart des entreprises ont une productivité inférieure à la moyenne des pays de benchmark», relèvent les auteurs de l'ouvrage. Or, les clés de rattrapage se trouvent dans les gains de productivité. Et cela, on ne le décrète pas. Pour y arriver il faudra accélérer la restructuration de l'économie et le train des réformes à commencer par le système éducatif. «Le capital fixe seul ne peut pas nourrir la croissance et donc l'emploi. Il faut le mixer avec le capital immatériel», insiste Mohamed Berrada, président du centre Links et ancien ministre des Finances.
Très critiqué, le système éducatif abrite des îlots d'excellence puisque l'on s'arrache par exemple les informaticiens marocains à l'étranger (cf. L'Economiste n°5001 du 12 avril 2017). Cela veut dire plusieurs choses. La faible capacité des entreprises à s'adapter aux changements économiques fait qu'elles ont du mal à absorber les nouveaux profils sur le marché. Ce phénomène se voit dans les statistiques du HCP sur l'emploi. Le taux de chômage des diplômés est cinq fois supérieur à celui des personnes qui n'ont aucune qualification.
Aux entreprises qui soutiennent que l'université forme des chômeurs, le Pr Berrada rétorque: «Nous avons des jeunes qui sont bien formés mais n'arrivent pas à trouver leur place sur le marché du travail parce que l'économie ne se réforme pas assez». Par ailleurs, le pays traîne des bombes à retardement: les Neet's (ni en éducation, ni en formation, ni en emploi). «Pour la stabilité du Maroc, il vaut mieux intégrer les jeunes», avertit Berrada.
Au rythme actuel, il faudra attendre au moins 2050 pour franchir plusieurs paliers dans le processus de développement, estiment les économistes. Sinon, le Maroc a besoin d'une croissance soutenue de l'ordre de 8% par an sur une longue période pour converger rapidement vers les économies avancées. Au-delà des points supplémentaires, il faudra surtout rechercher la qualité, ce qui fait défaut aujourd'hui. Pour s'approcher de la moitié du niveau de vie d'un Espagnol d'ici 2040, il faudra que le taux de productivité augmente de 2,2% en moyenne par an.
l'économiste
Les maux de l'économie ont une source commune: L'éducation
La fiscalité détourne des secteurs productifs
Le niveau de vie d'un Marocain équivaut à peine à 18% de celui d'un Espagnol! Certes, l'économie marocaine figure dans le peloton de tête en Afrique mais comparée aux pays européens ou aux grands émergents, l'écart est encore significatif. Des économistes et chercheurs brossent un panorama critique dans le livre «Equilibres externes, compétitivité et processus de transformation structurelle de l'économie marocaine», présenté mardi 18 avril au Centre de recherche Links, de la Faculté des sciences économiques de l'Université Hassan II.
Les principaux constats rejoignent les conclusions déjà relevées dans d'autres travaux sur le Maroc: le Royaume investit mal. Le taux d'investissement, l'un des plus élevés au monde, se situe en moyenne à 32% sur les quinze dernières années. Sauf que cet effort n'a pas les effets escomptés sur la croissance comme dans des pays qui investissent autant que nous, voire moins.
L'effet multiplicateur de l'investissement sur l'activité économique n'est pas visible parce que la dynamique est d'abord essentiellement publique. Les investissements dans les ports, les aéroports, les autoroutes... ont vocation à produire des effets sur le long terme. Parallèlement, le secteur privé reste relativement à l'écart. Or, ce sont les entreprises qui créent la richesse et l'emploi. Au-delà des facteurs conjoncturels qui impactent les décisions d'investissement, «la fiscalité détourne des secteurs productifs», observe Lahcen Oulhaj, enseignant-chercheur en économie à l'Université Mohammed V de Rabat.
L'un des défis pour le Royaume est de réorienter l'économie vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée, relève Idriss El Abbassi, enseignant-chercheur à l'Université Mohammed V. Le processus est en cours avec l'émergence des secteurs tels que l'automobile ou encore l'aéronautique. Toutefois, le processus est lent. Il faudra aussi développer des industries classiques comme le textile et l'habillement. L'accord multifibre a bouleversé ce secteur mais il souffre aussi du manque d'innovation. De façon générale, la capacité des entreprises marocaines à monter en gamme reste limitée.
Dans les activités manufacturières, «la plupart des entreprises ont une productivité inférieure à la moyenne des pays de benchmark», relèvent les auteurs de l'ouvrage. Or, les clés de rattrapage se trouvent dans les gains de productivité. Et cela, on ne le décrète pas. Pour y arriver il faudra accélérer la restructuration de l'économie et le train des réformes à commencer par le système éducatif. «Le capital fixe seul ne peut pas nourrir la croissance et donc l'emploi. Il faut le mixer avec le capital immatériel», insiste Mohamed Berrada, président du centre Links et ancien ministre des Finances.
Très critiqué, le système éducatif abrite des îlots d'excellence puisque l'on s'arrache par exemple les informaticiens marocains à l'étranger (cf. L'Economiste n°5001 du 12 avril 2017). Cela veut dire plusieurs choses. La faible capacité des entreprises à s'adapter aux changements économiques fait qu'elles ont du mal à absorber les nouveaux profils sur le marché. Ce phénomène se voit dans les statistiques du HCP sur l'emploi. Le taux de chômage des diplômés est cinq fois supérieur à celui des personnes qui n'ont aucune qualification.
Aux entreprises qui soutiennent que l'université forme des chômeurs, le Pr Berrada rétorque: «Nous avons des jeunes qui sont bien formés mais n'arrivent pas à trouver leur place sur le marché du travail parce que l'économie ne se réforme pas assez». Par ailleurs, le pays traîne des bombes à retardement: les Neet's (ni en éducation, ni en formation, ni en emploi). «Pour la stabilité du Maroc, il vaut mieux intégrer les jeunes», avertit Berrada.
Au rythme actuel, il faudra attendre au moins 2050 pour franchir plusieurs paliers dans le processus de développement, estiment les économistes. Sinon, le Maroc a besoin d'une croissance soutenue de l'ordre de 8% par an sur une longue période pour converger rapidement vers les économies avancées. Au-delà des points supplémentaires, il faudra surtout rechercher la qualité, ce qui fait défaut aujourd'hui. Pour s'approcher de la moitié du niveau de vie d'un Espagnol d'ici 2040, il faudra que le taux de productivité augmente de 2,2% en moyenne par an.
l'économiste
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