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Le professeur Didier Raoult explique comment le blocage du budget américain a mis en lumière notre manque d'indépendance en matière de recherche.
Le "shut down", c'est-à-dire le blocage du budget américain, a entraîné pendant dix jours l'interruption du paiement des fonctionnaires et mécaniquement la fermeture de tous les services non prioritaires. De ce fait, le répertoire des publications scientifiques médicales (PubMed) n'a plus été mis à jour. Beaucoup de grands journaux américains étant financés et entretenus par le gouvernement des États-Unis, tout le monde est rentré à la maison ! De même, le réservoir de toutes les séquences génétiques des microbes, des animaux et de l'homme disponibles sur un site de l'État américain (GenBank) s'est retrouvé lui aussi bloqué.
Le "shut down" a montré à quel point nous sommes devenus dépendants des États-Unis sur le plan scientifique et technologique. La communauté scientifique internationale avait déjà été surprise quand, à la suite du 11 septembre 2001, la banque de tissus et de microbes américaine (ATCC), qui paraissait être un dépositaire collectif utilisable par le monde entier, avait été fermée.
Cette collection comprend des microbes pathogènes humains pour lesquels il est nécessaire d'avoir une recherche approfondie. Ils n'ont plus été accessibles en dehors des États-Unis du jour au lendemain. Jusqu'alors, nous pensions que la collection américaine continuerait à nous les fournir comme un service scientifique. Nous fûmes pris au dépourvu : à titre d'exemple, j'ai dû créer une collection de microbes, car il n'en existait aucune ailleurs qu'aux États-Unis.
Otages des Américains
De même que le GPS qui guide tous nos téléphones, nos voitures, nos bateaux... appartient au gouvernement des États-Unis et que celui-ci peut décider brutalement de nous en interdire l'usage. Ou que les services d'utilisateurs d'Internet, Google entre autres, sont soumis directement à l'autorité politique américaine qui les a utilisés pour saisir nos informations personnelles, et peut-être scientifiques, comme l'a révélé l'affaire Snowden.
La recherche scientifique internationale est dépendante des mouvements politiques intérieurs des États-Unis. Le livre La grève d'Ayn Rand, l'inspiratrice du Tea Party, raconte l'effondrement du pays après la grève des entrepreneurs, ce qui a peut-être inspiré les républicains. Nous avions, à tort, considéré les États-Unis comme le sanctuaire gratuit et définitif de la science, ce qui nous a empêchés de nous doter de moyens autonomes.
Pour continuer à faire une recherche indépendante, il faut développer au niveau européen des outils scientifiques qui ne puissent pas être les otages du vote des sénateurs américains.
* Le professeur Didier Raoult dirige l'unité de recherche en maladies infectieuses et tropicales émergentes à la faculté de médecine de Marseille.
Par le professeur Didier Raoult
Le Point
Le "shut down", c'est-à-dire le blocage du budget américain, a entraîné pendant dix jours l'interruption du paiement des fonctionnaires et mécaniquement la fermeture de tous les services non prioritaires. De ce fait, le répertoire des publications scientifiques médicales (PubMed) n'a plus été mis à jour. Beaucoup de grands journaux américains étant financés et entretenus par le gouvernement des États-Unis, tout le monde est rentré à la maison ! De même, le réservoir de toutes les séquences génétiques des microbes, des animaux et de l'homme disponibles sur un site de l'État américain (GenBank) s'est retrouvé lui aussi bloqué.
Le "shut down" a montré à quel point nous sommes devenus dépendants des États-Unis sur le plan scientifique et technologique. La communauté scientifique internationale avait déjà été surprise quand, à la suite du 11 septembre 2001, la banque de tissus et de microbes américaine (ATCC), qui paraissait être un dépositaire collectif utilisable par le monde entier, avait été fermée.
Cette collection comprend des microbes pathogènes humains pour lesquels il est nécessaire d'avoir une recherche approfondie. Ils n'ont plus été accessibles en dehors des États-Unis du jour au lendemain. Jusqu'alors, nous pensions que la collection américaine continuerait à nous les fournir comme un service scientifique. Nous fûmes pris au dépourvu : à titre d'exemple, j'ai dû créer une collection de microbes, car il n'en existait aucune ailleurs qu'aux États-Unis.
Otages des Américains
De même que le GPS qui guide tous nos téléphones, nos voitures, nos bateaux... appartient au gouvernement des États-Unis et que celui-ci peut décider brutalement de nous en interdire l'usage. Ou que les services d'utilisateurs d'Internet, Google entre autres, sont soumis directement à l'autorité politique américaine qui les a utilisés pour saisir nos informations personnelles, et peut-être scientifiques, comme l'a révélé l'affaire Snowden.
La recherche scientifique internationale est dépendante des mouvements politiques intérieurs des États-Unis. Le livre La grève d'Ayn Rand, l'inspiratrice du Tea Party, raconte l'effondrement du pays après la grève des entrepreneurs, ce qui a peut-être inspiré les républicains. Nous avions, à tort, considéré les États-Unis comme le sanctuaire gratuit et définitif de la science, ce qui nous a empêchés de nous doter de moyens autonomes.
Pour continuer à faire une recherche indépendante, il faut développer au niveau européen des outils scientifiques qui ne puissent pas être les otages du vote des sénateurs américains.
* Le professeur Didier Raoult dirige l'unité de recherche en maladies infectieuses et tropicales émergentes à la faculté de médecine de Marseille.
Par le professeur Didier Raoult
Le Point