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«Les Français ont vu l’extrême danger du populisme»

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    Pour l’écrivain Erik Orsenna, très proche d’Emmanuel Macron, la prestation de Marine Le Pen a ouvert un «précipice de haine» qu’il sera compliqué de refermer
    Erik Orsenna n’était pas, mercredi soir, un téléspectateur comme les autres. Familier d’Emmanuel Macron, dont il accompagne l’aventure politique depuis le lancement d’En marche! en avril 2016, l’écrivain se trouvait aux côtés du candidat centriste le soir de sa victoire du premier tour.

    Le Temps: Vous étiez, comme des millions de Français, devant votre écran mercredi soir. Lorsque le débat s’est achevé, qu’avez-vous ressenti?

    Erik Orsenna: J’ai ressenti une déferlante de haine de la part d’une candidate qui, pendant deux heures et demie, a raconté n’importe quoi. Je sais que de très nombreux Français ont voté pour elle le 23 avril, et vont recommencer le 7 mai. Est-ce une raison pour tout accepter et pour ne pas dénoncer cette instrumentalisation de leur colère? Marine Le Pen a osé dire lors du débat que, si elle est élue présidente de la République, les douaniers arrêteront les terroristes car les frontières seront rétablies. Qui peut croire de pareils mensonges? La politique telle qu’elle la pratique est une escroquerie. A travers son attitude, ses mots, ses attaques et même son comportement physique sur le plateau, les téléspectateurs ont vu, je l’espère, l’extrême danger du populisme. J’ai repensé, à la fin du débat, à cette phrase de Léopold Sédar Senghor qui, dans un poème dédié à son ami Georges Pompidou, mettait en garde contre «la France qui n’est pas la France, contre le masque de la petitesse et de la haine». Ce masque, nous l’avons vu.

    - Il fallait donc ne pas débattre?

    - Cela ne vous surprendra pas: j’aurais préféré, pour mon pays, un débat d’une tout autre nature. La politique, l’avenir de la France n’ont rien à gagner dans un pareil pugilat. Il fallait, cela dit, accepter la confrontation. Un quart des électeurs français ont voté pour Marine Le Pen et cela justifie ce débat de l’entre-deux-tours. Nous devons affronter le réel et l’importance du vote FN est une réalité. La question porte sur la méthode. A aucun moment la candidate du Front national n’a répondu aux questions. Elle se moque des solutions. Plus grave à mes yeux: son refus hystérique de la complexité. Le monde dans lequel nous vivons, la mondialisation dont je raconte les méandres, sont infiniment complexes. On ne règle pas les problèmes à coups de formules chocs et mensongères. Un responsable politique digne de ce nom n’a pas le droit de prétendre que tout est simple. Emmanuel Macron a parfois peiné car il a conscience de cette complexité.

    - A plusieurs reprises, votre candidat est apparu fragilisé, en difficulté. A-t-il l’étoffe d’un président?

    - Il en a la carrure. Il en a l’épaisseur. Il en a la capacité. Sa métamorphose, au fil de la campagne présidentielle, est impressionnante. J’ai travaillé aux côtés de François Mitterrand qui, en 1981, avait 22 ans de plus qu’Emmanuel Macron. Vous imaginez la différence d’expérience? Qu’il y ait encore des doutes, des failles, des ajustements à faire me paraît très normal. Mais je peux vous dire qu’il apprend vite. Très vite. Le romancier que je suis est stupéfait de l’autorité qu’il parvient à dégager.

    - Vous êtes très sévère envers Marine Le Pen. Vous l’êtes aussi envers ses électeurs?

    - La candidate du Front national, qui se permet de donner des leçons à toute la classe politique, est l’héritière d’un héritier. Son père a hérité d’un château. Elle a hérité d’un parti. Ses électeurs, eux, ont choisi le déraisonnable. C’est très grave. Comment parler avec raison à des électeurs qui sont déraisonnables? Tel sera, pour Emmanuel Macron, l’immense défi. Mercredi, ce dernier a répondu à tout. Les mensonges à répétition sont des machines à désillusion. Ils ne font qu’entretenir le désarroi et la colère…
    Richard Werly, Le Temps (Suisse)
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