05.05.2017
Lors de la joute télévisée, la candidate du Front national fut brouillonne, imprécise et agressive. Perdante ? Pas sûr. Sa stratégie tient du poison lent.
Hier matin, la cause semblait entendue : la candidate du Front national, brouillonne, imprécise et agressive avait raté son débat.
Le calme, la précision et la répartie d'Emmanuel Macron en faisaient forcément le vainqueur, pouvait-on lire dans l'ensemble de la presse.
Et pourtant, 24 heures après, cette joute télévisuelle laisse un arrière-goût un peu douteux. En politique, le candidat qui impose ses thèmes (et ses mots) prend l'avantage. C'est ainsi que Nicolas Sarkozy, entre 2002 et 2007, avait réussi à faire tourner le débat public autour de lui.
Or, de quoi a-t-on parlé hier ? Presque uniquement des saillies de Marine Le Pen, de ses insinuations et de ses mises en cause.
La bombe lâchée devant 15 millions de téléspectateurs - l'accusation de dissimulation fiscale contre Emmanuel Macron - était en fait une bombe à fragmentation.
Au même moment, l'offensive coordonnée lancée sur le web, relayée par des comptes proches de l'extrême-droite, faisait état de mystérieux documents pour accréditer ces allégations.
A tel point qu'Emmanuel Macron a fini par porter plainte hier, ce qui a encore augmenté la diffusion de cette rumeur, lancée en une phrase de 5 secondes sur un débat de 2h20.
Comme toutes les autres fake news, c'est un poison lent, à laquelle la société démocratique de 2017 n'a pas vraiment d'antidote.
La presse, notamment, est prise en tenailles : si elle ne relève pas ces mensonges, elle paraît donner quitus à leur auteur. Si elle les démonte, elle alimente la rhétorique d'acharnement du « système » contre la candidate qui serait brimée par l'"oligarchie".
Évidemment, la stratégie de Marine Le Pen ne se caractérise pas par sa finesse : il s'agit pourrir le match, faire douter les électeurs, de doper l'abstention, et surtout d'éviter le fond des sujets, qui est manifestement mal maîtrisé.
C'est pourquoi beaucoup d'observateurs se sont frottés les yeux, quand un sondage auprès des téléspectateurs a indiqué que la candidate FN a été jugée la plus convaincante par 34% du panel ; avait-on regardé le même débat ? Attention aux filtres, à l'enfermement, à la certitude que le vrai l'emporte par essence - puisque c'est le vrai.
Le vrai est cette notion, à notre époque, qui ne porte plus de majuscule et s'écrit au pluriel. Les "vérités alternatives" ont amené Donald Trump au pouvoir, pendant que l'essentiel de la presse américaine fustigeait sa nullité et ses mensonges crasses.
Il n'est évidemment pas question de dire ici qu'Emmanuel Macron a perdu le match, ce débat lui a plutôt donné de l'oxygène ; simplement il ne l'a pas tué, ce match. Les attaques et la boue déversées par son adversaire tiennent des sables mouvants : on s'y enfonce à mesure que l'on (se) débat.
Frédéric Says
france culture
Lors de la joute télévisée, la candidate du Front national fut brouillonne, imprécise et agressive. Perdante ? Pas sûr. Sa stratégie tient du poison lent.
Hier matin, la cause semblait entendue : la candidate du Front national, brouillonne, imprécise et agressive avait raté son débat.
Le calme, la précision et la répartie d'Emmanuel Macron en faisaient forcément le vainqueur, pouvait-on lire dans l'ensemble de la presse.
Et pourtant, 24 heures après, cette joute télévisuelle laisse un arrière-goût un peu douteux. En politique, le candidat qui impose ses thèmes (et ses mots) prend l'avantage. C'est ainsi que Nicolas Sarkozy, entre 2002 et 2007, avait réussi à faire tourner le débat public autour de lui.
Or, de quoi a-t-on parlé hier ? Presque uniquement des saillies de Marine Le Pen, de ses insinuations et de ses mises en cause.
La bombe lâchée devant 15 millions de téléspectateurs - l'accusation de dissimulation fiscale contre Emmanuel Macron - était en fait une bombe à fragmentation.
Au même moment, l'offensive coordonnée lancée sur le web, relayée par des comptes proches de l'extrême-droite, faisait état de mystérieux documents pour accréditer ces allégations.
A tel point qu'Emmanuel Macron a fini par porter plainte hier, ce qui a encore augmenté la diffusion de cette rumeur, lancée en une phrase de 5 secondes sur un débat de 2h20.
Comme toutes les autres fake news, c'est un poison lent, à laquelle la société démocratique de 2017 n'a pas vraiment d'antidote.
La presse, notamment, est prise en tenailles : si elle ne relève pas ces mensonges, elle paraît donner quitus à leur auteur. Si elle les démonte, elle alimente la rhétorique d'acharnement du « système » contre la candidate qui serait brimée par l'"oligarchie".
Évidemment, la stratégie de Marine Le Pen ne se caractérise pas par sa finesse : il s'agit pourrir le match, faire douter les électeurs, de doper l'abstention, et surtout d'éviter le fond des sujets, qui est manifestement mal maîtrisé.
C'est pourquoi beaucoup d'observateurs se sont frottés les yeux, quand un sondage auprès des téléspectateurs a indiqué que la candidate FN a été jugée la plus convaincante par 34% du panel ; avait-on regardé le même débat ? Attention aux filtres, à l'enfermement, à la certitude que le vrai l'emporte par essence - puisque c'est le vrai.
Le vrai est cette notion, à notre époque, qui ne porte plus de majuscule et s'écrit au pluriel. Les "vérités alternatives" ont amené Donald Trump au pouvoir, pendant que l'essentiel de la presse américaine fustigeait sa nullité et ses mensonges crasses.
Il n'est évidemment pas question de dire ici qu'Emmanuel Macron a perdu le match, ce débat lui a plutôt donné de l'oxygène ; simplement il ne l'a pas tué, ce match. Les attaques et la boue déversées par son adversaire tiennent des sables mouvants : on s'y enfonce à mesure que l'on (se) débat.
Frédéric Says
france culture
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