Anne-Marie Delcambre
Docteur d'Etat en droit, docteur en civilisation islamique
Islamologue et professeur d'arabe
Puritanisme moral et égalitarisme démocratique, tels sont les traits dont se réclame la première grande secte musulmane. Au-delà de la doctrine, dont les variantes ont été le fait des azraqites, des najadât, des sofrites et des ibadites, les khâridjites jouèrent un rôle politique important, autant par leur fanatisme récurrent que par leur position de rebelles, tout d'abord dans les querelles entre les différentes tribus d'Arabie, puis en Tripolitaine et en Afrique du Nord. Aujourd'hui, comme nous l'explique Anne-Marie Delcambre, les khâridjites mozabites comme les khâridjites omanais sont les deux dernières communautés ibadites, où la rigueur morale va de pair avec une réelle réussite commerciale.
La secte des « sortants »
Lors de l'assassinat du calife ‘Uthmân, en juin 656, un violent conflit opposa Ali, cousin et gendre de Mahomet, proclamé calife dans la plus grande confusion, à Mu'âwiya, gouverneur de Damas et parent du calife ‘Uthmân assassiné. Pour Ali dont le califat était contesté par les puissants Mecquois, le meurtre du précédent calife était un véritable désastre. Il se trouvait en butte aux accusations de la puissante famille des Banû Omayya – les Omeyyades – qui réclamaient le prix du sang d'Uthmân. Du fait des lourds soupçons qui pesaient sur lui, Ali ne pouvait rester sans réagir. Il proposa donc à Mu'âwiya un affrontement. Celui-ci se déroula en juin et juillet 657 sur la rive droite de l'Euphrate, à Siffin. Mu'âwiya allait être vaincu quand un de ses généraux, Amr, usa d'un stratagème : mettre des feuillets du Coran au bout des lances. Les partisans d'Ali refusèrent de continuer le combat. Un arbitrage fut alors proposé par le rusé Mu'âwiya qui se termina à l'avantage des Omeyyades : ce fut l'arbitrage d'Adhruh, en janvier 659. Or l'acceptation de ce compromis par Ali fut le point de départ d'un mouvement de révolte, dans les rangs de ses compagnons. En effet certains, déçus par la faiblesse d'Ali, « sortirent » des rangs. De ce verbe arabe « kharaja » allait naître le nom de la première grande secte musulmane, celle des « sortants », les khâridjites.
Signification sociologique de la rupture des khâridjites
Si les « khâridjites » rompaient avec Ali c'est parce que ce dernier, en acceptant l'arbitrage proposé par Mu'âwiya, au lieu de défendre son autorité par les armes, substituait un jugement humain au verdict d'Allah. Mais en réalité le khâridjisme avait au milieu du VIIe siècle une signification principalement politique ; ce n'est que beaucoup plus tard qu'à cette signification politique et tribale se substitua une signification religieuse « islamique », détachée du contexte initial des querelles entre clans d'Arabie. En effet les premiers califes étaient non seulement tous de la tribu de Quraych, des Quraychites de La Mecque, mais, avec le calife ‘Uthmân, c'était le clan le plus prestigieux qui avait repris le pouvoir puisque le troisième calife allait favoriser sa famille, pratiquant outrageusement le népotisme. Or la majorité des partisans de Mahomet, ceux du moins qui l'avaient conduit à la victoire contre les puissants Mecquois, non seulement n'appartenaient pas à des clans prestigieux mais n'avaient souvent ni généalogie ni fortune ; c'était souvent leur courage dans la bataille qui leur tenait lieu de noblesse. Face aux prétentions des puissants chefs de tribus d'Arabie, ils rappelaient que l'islam était intervenu et par lui une nouvelle hiérarchie avec à la base l'égalité entre les croyants. ‘Uthmân, en accordant la priorité aux revendications de famille et Ali en acceptant l'arbitrage du puissant Mu'âwiya, étaient deux califes qui n'étaient pas fidèles à Mahomet et à sa religion. Aussi en février 661, Ali était poignardé dans la mosquée de Kûfa par un khâridjite, Abd al-Rahmân b. Muljam. Une tradition accusera ce dernier d'avoir aussi voulu assassiner, sans toutefois y réussir, Mu'âwiya et Amr, les deux autres responsables du schisme qui avait déchiré la communauté musulmane.
Ce que voulaient les khâridjites, c'était la fin de la préséance due à l'origine et à la richesse. Ils revendiquaient un traitement égal entre tous les croyants. Seule la vertu devait départager les musulmans et les vertus guerrières venaient en premier. On peut donc parler de rigueur morale extrême. Tous les khâridjites n'avaient cependant pas la même intransigeance. Certains acceptèrent même – provisoirement du moins – le califat omeyyade de Mu'âwiya. Mais d'autres entrèrent en révolte car ils soutenaient que les croyants musulmans avaient non seulement le droit de s'insurger contre le calife coupable d'une faute grave mais encore celui de choisir librement leurs chefs, que ceux-ci fussent ou non de descendance arabe quraychite. Ils allaient jusqu'à prétendre que c'était le meilleur des musulmans, même s'il s'agissait d'un esclave noir, qui devait être élu pour guider la communauté. Plus démocratique et plus égalitaire, le khâridjisme apparaissait ainsi sous les traits d'un rigorisme moral ennemi des concessions et des compromissions inhérentes à l'exercice du pouvoir politique en Arabie. Les khâridjites étaient d'anciens partisans d'Ali. Ce dernier avait rallié les suffrages des Médinois et des exclus de la féroce et très sélective hiérarchie tribale. La tradition sunnite aussi bien que chiite considère que les khâridjites sont les premiers responsables du déchirement de la communauté et de la violence de l'islam. On ne peut nier le fanatisme de certains éléments les plus intransigeants du khâridjisme. Le califat de Mu'âwiya eut à affronter des émeutes khâridjites. À chaque fois la révolte khâridjite fut écrasée par les forces califales plus nombreuses et mieux organisées mais cela ne pouvait occulter que l'idéologie khâridjite était bien vivante et surtout qu'elle séduisait les masses populaires les plus déshéritées.
Les différentes doctrines
Dès le début le khâridjisme était apparu fort divisé. Quatre grands mouvements se distinguèrent par des différences de comportements autant que de doctrines.
Les azraqites de Mésopotamie et de Perse se singularisèrent par leur extrémisme ; les najadât, les sofrites et les ibadites étaient plus modérés et étaient disséminés sur tout le territoire de l'islam, en Irak, en Arabie, au Yémen mais aussi dans les provinces très éloignées du siège du califat, en Afrique du Nord particulièrement.
La doctrine khâréjite des azraqites
Son nom provient d'un mouvement de révolte « azraqite », du nom de Nâfi'b. Al-Azraq. Il éclata en 684 à Bassorah et s'étendit ensuite au sud de l'Irak et en Perse. Les azraqites allèrent fort loin sur la voie de l'intransigeance dogmatique. Étaient considérés comme des grands pécheurs, ceux qui s'abstenaient de lever l'étendard de la révolte contre tout pouvoir injuste. Ce rigorisme ne laissait aucune place à l'opportunisme, au « neutralisme », à l'hypocrisie. La pratique de la dissimulation légale, la taqiya, des chiites était totalement interdite. Mais surtout les khâridjites azraqites préconisaient et appliquaient un véritable terrorisme fanatique.
Ils utilisaient deux pratiques que ne connaissaient pas les sunnites : l'imtihân et l'isti'râd. L'imtihân ou examen probatoire consistait à exiger de tout musulman néophyte khâréjite, comme gage de sa sincérité, d'égorger un adversaire prisonnier, se référant au fait que le prophète avait demandé à Ali de couper la tête de prisonniers mecquois. Ensuite la pratique de l'isti'râd, du meurtre religieux, qui autorisait la mise à mort des hommes mais aussi des femmes et des enfants, fussent-ils impubères, de ces derniers. Ils considéraient le territoire occupé par les autres musulmans comme un territoire d'infidélité ou dâr kufr, où il était licite de s'attaquer aux personnes et aux biens.
En 695 éclatait une autre révolte khâréjite, menée par Shabîb, le fils d'un Arabe et d'une Grecque. Il pénétra de nuit dans Kûfa, avec des partisans auxquels s'était joint un détachement de femmes armées que commandaient sa mère Ghazzâla et sa femme Juhaiza. La tradition sunnite se plaît à souligner, comme un nouvel exemple de la fureur sanguinaire des khâridjites, la sauvagerie avec laquelle furent massacrés, dans la mosquée de Kûfa, les musulmans, tandis que Ghazzâla, montant en chaire enflammait les rebelles. Certains virent en Shabîb un sofrite : mais la seule doctrine qui soit attribuée en propre à Shabîb est d'avoir soutenu qu'il était légitime de confier le califat à une femme s'il s'avérait que cette dernière était capable de diriger la communauté.
Avec la mort de Shabîb, qui périt noyé en essayant de franchir un fleuve au Khuzistan, prenait fin la première grande période de l'agitation khâridjite en Orient. Mais sous le calife omeyyade Hicham (724-743) éclataient encore des révoltes khâridjites au Maghreb. Toutes ces agitations khâridjites eurent pour conséquence d'affaiblir le califat omeyyade et de préparer le succès de ses adversaires.
La doctrine khâréjite des najadât
C'est par réaction contre l'extrémisme des khâréjites azraqites que naquit, en Arabie centrale, le mouvement des najadât, des azraqites plus modérés. Ils s'emparèrent de Bahrein en 685. Ils prirent ensuite pied dans l'Oman et conquirent une partie du Yémen. Ils interceptaient les caravanes comme l'avait fait le Prophète Mahomet. Mais la discorde se mit dans leurs rangs alors qu'ils projetaient de faire la conquête du Hedjaz en Arabie ; la doctrine des najadât est un rejet de l'extrémisme azraqite. En effet la légitimité du meurtre politique n'était pas admise et les « tièdes » étaient considérés non pas comme des renégats mais comme des poltrons, de simples hypocrites. Mais les khâridjites najadât restaient néanmoins des théoriciens de la violence et avaient recours avant tout aux armes pour conquérir le pouvoir.
Docteur d'Etat en droit, docteur en civilisation islamique
Islamologue et professeur d'arabe
Puritanisme moral et égalitarisme démocratique, tels sont les traits dont se réclame la première grande secte musulmane. Au-delà de la doctrine, dont les variantes ont été le fait des azraqites, des najadât, des sofrites et des ibadites, les khâridjites jouèrent un rôle politique important, autant par leur fanatisme récurrent que par leur position de rebelles, tout d'abord dans les querelles entre les différentes tribus d'Arabie, puis en Tripolitaine et en Afrique du Nord. Aujourd'hui, comme nous l'explique Anne-Marie Delcambre, les khâridjites mozabites comme les khâridjites omanais sont les deux dernières communautés ibadites, où la rigueur morale va de pair avec une réelle réussite commerciale.
La secte des « sortants »
Lors de l'assassinat du calife ‘Uthmân, en juin 656, un violent conflit opposa Ali, cousin et gendre de Mahomet, proclamé calife dans la plus grande confusion, à Mu'âwiya, gouverneur de Damas et parent du calife ‘Uthmân assassiné. Pour Ali dont le califat était contesté par les puissants Mecquois, le meurtre du précédent calife était un véritable désastre. Il se trouvait en butte aux accusations de la puissante famille des Banû Omayya – les Omeyyades – qui réclamaient le prix du sang d'Uthmân. Du fait des lourds soupçons qui pesaient sur lui, Ali ne pouvait rester sans réagir. Il proposa donc à Mu'âwiya un affrontement. Celui-ci se déroula en juin et juillet 657 sur la rive droite de l'Euphrate, à Siffin. Mu'âwiya allait être vaincu quand un de ses généraux, Amr, usa d'un stratagème : mettre des feuillets du Coran au bout des lances. Les partisans d'Ali refusèrent de continuer le combat. Un arbitrage fut alors proposé par le rusé Mu'âwiya qui se termina à l'avantage des Omeyyades : ce fut l'arbitrage d'Adhruh, en janvier 659. Or l'acceptation de ce compromis par Ali fut le point de départ d'un mouvement de révolte, dans les rangs de ses compagnons. En effet certains, déçus par la faiblesse d'Ali, « sortirent » des rangs. De ce verbe arabe « kharaja » allait naître le nom de la première grande secte musulmane, celle des « sortants », les khâridjites.
Signification sociologique de la rupture des khâridjites
Si les « khâridjites » rompaient avec Ali c'est parce que ce dernier, en acceptant l'arbitrage proposé par Mu'âwiya, au lieu de défendre son autorité par les armes, substituait un jugement humain au verdict d'Allah. Mais en réalité le khâridjisme avait au milieu du VIIe siècle une signification principalement politique ; ce n'est que beaucoup plus tard qu'à cette signification politique et tribale se substitua une signification religieuse « islamique », détachée du contexte initial des querelles entre clans d'Arabie. En effet les premiers califes étaient non seulement tous de la tribu de Quraych, des Quraychites de La Mecque, mais, avec le calife ‘Uthmân, c'était le clan le plus prestigieux qui avait repris le pouvoir puisque le troisième calife allait favoriser sa famille, pratiquant outrageusement le népotisme. Or la majorité des partisans de Mahomet, ceux du moins qui l'avaient conduit à la victoire contre les puissants Mecquois, non seulement n'appartenaient pas à des clans prestigieux mais n'avaient souvent ni généalogie ni fortune ; c'était souvent leur courage dans la bataille qui leur tenait lieu de noblesse. Face aux prétentions des puissants chefs de tribus d'Arabie, ils rappelaient que l'islam était intervenu et par lui une nouvelle hiérarchie avec à la base l'égalité entre les croyants. ‘Uthmân, en accordant la priorité aux revendications de famille et Ali en acceptant l'arbitrage du puissant Mu'âwiya, étaient deux califes qui n'étaient pas fidèles à Mahomet et à sa religion. Aussi en février 661, Ali était poignardé dans la mosquée de Kûfa par un khâridjite, Abd al-Rahmân b. Muljam. Une tradition accusera ce dernier d'avoir aussi voulu assassiner, sans toutefois y réussir, Mu'âwiya et Amr, les deux autres responsables du schisme qui avait déchiré la communauté musulmane.
Ce que voulaient les khâridjites, c'était la fin de la préséance due à l'origine et à la richesse. Ils revendiquaient un traitement égal entre tous les croyants. Seule la vertu devait départager les musulmans et les vertus guerrières venaient en premier. On peut donc parler de rigueur morale extrême. Tous les khâridjites n'avaient cependant pas la même intransigeance. Certains acceptèrent même – provisoirement du moins – le califat omeyyade de Mu'âwiya. Mais d'autres entrèrent en révolte car ils soutenaient que les croyants musulmans avaient non seulement le droit de s'insurger contre le calife coupable d'une faute grave mais encore celui de choisir librement leurs chefs, que ceux-ci fussent ou non de descendance arabe quraychite. Ils allaient jusqu'à prétendre que c'était le meilleur des musulmans, même s'il s'agissait d'un esclave noir, qui devait être élu pour guider la communauté. Plus démocratique et plus égalitaire, le khâridjisme apparaissait ainsi sous les traits d'un rigorisme moral ennemi des concessions et des compromissions inhérentes à l'exercice du pouvoir politique en Arabie. Les khâridjites étaient d'anciens partisans d'Ali. Ce dernier avait rallié les suffrages des Médinois et des exclus de la féroce et très sélective hiérarchie tribale. La tradition sunnite aussi bien que chiite considère que les khâridjites sont les premiers responsables du déchirement de la communauté et de la violence de l'islam. On ne peut nier le fanatisme de certains éléments les plus intransigeants du khâridjisme. Le califat de Mu'âwiya eut à affronter des émeutes khâridjites. À chaque fois la révolte khâridjite fut écrasée par les forces califales plus nombreuses et mieux organisées mais cela ne pouvait occulter que l'idéologie khâridjite était bien vivante et surtout qu'elle séduisait les masses populaires les plus déshéritées.
Les différentes doctrines
Dès le début le khâridjisme était apparu fort divisé. Quatre grands mouvements se distinguèrent par des différences de comportements autant que de doctrines.
Les azraqites de Mésopotamie et de Perse se singularisèrent par leur extrémisme ; les najadât, les sofrites et les ibadites étaient plus modérés et étaient disséminés sur tout le territoire de l'islam, en Irak, en Arabie, au Yémen mais aussi dans les provinces très éloignées du siège du califat, en Afrique du Nord particulièrement.
La doctrine khâréjite des azraqites
Son nom provient d'un mouvement de révolte « azraqite », du nom de Nâfi'b. Al-Azraq. Il éclata en 684 à Bassorah et s'étendit ensuite au sud de l'Irak et en Perse. Les azraqites allèrent fort loin sur la voie de l'intransigeance dogmatique. Étaient considérés comme des grands pécheurs, ceux qui s'abstenaient de lever l'étendard de la révolte contre tout pouvoir injuste. Ce rigorisme ne laissait aucune place à l'opportunisme, au « neutralisme », à l'hypocrisie. La pratique de la dissimulation légale, la taqiya, des chiites était totalement interdite. Mais surtout les khâridjites azraqites préconisaient et appliquaient un véritable terrorisme fanatique.
Ils utilisaient deux pratiques que ne connaissaient pas les sunnites : l'imtihân et l'isti'râd. L'imtihân ou examen probatoire consistait à exiger de tout musulman néophyte khâréjite, comme gage de sa sincérité, d'égorger un adversaire prisonnier, se référant au fait que le prophète avait demandé à Ali de couper la tête de prisonniers mecquois. Ensuite la pratique de l'isti'râd, du meurtre religieux, qui autorisait la mise à mort des hommes mais aussi des femmes et des enfants, fussent-ils impubères, de ces derniers. Ils considéraient le territoire occupé par les autres musulmans comme un territoire d'infidélité ou dâr kufr, où il était licite de s'attaquer aux personnes et aux biens.
En 695 éclatait une autre révolte khâréjite, menée par Shabîb, le fils d'un Arabe et d'une Grecque. Il pénétra de nuit dans Kûfa, avec des partisans auxquels s'était joint un détachement de femmes armées que commandaient sa mère Ghazzâla et sa femme Juhaiza. La tradition sunnite se plaît à souligner, comme un nouvel exemple de la fureur sanguinaire des khâridjites, la sauvagerie avec laquelle furent massacrés, dans la mosquée de Kûfa, les musulmans, tandis que Ghazzâla, montant en chaire enflammait les rebelles. Certains virent en Shabîb un sofrite : mais la seule doctrine qui soit attribuée en propre à Shabîb est d'avoir soutenu qu'il était légitime de confier le califat à une femme s'il s'avérait que cette dernière était capable de diriger la communauté.
Avec la mort de Shabîb, qui périt noyé en essayant de franchir un fleuve au Khuzistan, prenait fin la première grande période de l'agitation khâridjite en Orient. Mais sous le calife omeyyade Hicham (724-743) éclataient encore des révoltes khâridjites au Maghreb. Toutes ces agitations khâridjites eurent pour conséquence d'affaiblir le califat omeyyade et de préparer le succès de ses adversaires.
La doctrine khâréjite des najadât
C'est par réaction contre l'extrémisme des khâréjites azraqites que naquit, en Arabie centrale, le mouvement des najadât, des azraqites plus modérés. Ils s'emparèrent de Bahrein en 685. Ils prirent ensuite pied dans l'Oman et conquirent une partie du Yémen. Ils interceptaient les caravanes comme l'avait fait le Prophète Mahomet. Mais la discorde se mit dans leurs rangs alors qu'ils projetaient de faire la conquête du Hedjaz en Arabie ; la doctrine des najadât est un rejet de l'extrémisme azraqite. En effet la légitimité du meurtre politique n'était pas admise et les « tièdes » étaient considérés non pas comme des renégats mais comme des poltrons, de simples hypocrites. Mais les khâridjites najadât restaient néanmoins des théoriciens de la violence et avaient recours avant tout aux armes pour conquérir le pouvoir.
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