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Iguersafene : «Nous travaillons pour nous. Nous finançons nos projets avec nos propres fonds»

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  • Iguersafene : «Nous travaillons pour nous. Nous finançons nos projets avec nos propres fonds»

    La Kabylie, avec ses légendes et ses mythes, sa culture, ses paysages naturels et son ciel bleu inaltérables, ses montagnes mystérieuses et fascinantes, ses contes fabuleux où des héros de légende ont été immortalisés par les poètes, n’en finit jamais de séduire, de captiver l’imagination, d’attirer tel un aimant, les touristes venant de partout. Il y a tant de choses à voir, à apprendre, à découvrir avec un plaisir qui frise la délectation, car, dans ces villages de la grande Kabylie, il n’est pas rare de voir la réalité se confondre avec le mystère.

    L’altière contrée des antiques Amazighs n’est pas uniquement cette terre gorgée de vestiges historiques réputée pour tant de richesses ancestrales, historiques, patrimoniales et culturelles qui méritent un détour, pour sortir de la routine de nos habitudes coutumières, quitter les sentiers battus de notre existence faite de soucis quotidiens, de préoccupations tellement contraignantes.

    Sur les hauteurs du col du genêt (Tizi Ouzou), où l’aide publique faisant défaut, plusieurs communes de la région ont appris au fil du temps à se prendre en charge elles-mêmes. C’est l’essence même du tourisme d’aventure que nous avons expérimenté à travers les villes aux noms tellement pittoresques que nous avons visitées : Yakourène, Bouzguène, Idjer, Iguersafène le village le plus propre en Algérie et qui sert d’exemple pour toutes les communes algériennes où l’autogestion et l’autosuffisance sont devenues une culture. Nous avons pu faire cette découverte, grâce à l’inlassable homme de terrain, qui n’est autre que le président de l’association EL-AMAN, Hacène Menouar, qui est toujours actif pour la sensibilisation du citoyen sur la consolidation des droits des consommateurs, l’instauration d’une pratique commerciale loyale, la sauvegarde d’une bonne gestion productive et économique, mais aussi de faire connaître au grand public la richesse patrimoniale, historique et touristique de notre pays, à travers les redonnées qu’il organise. Cette dernière a commencé de la forêt de Yakourène, que nous avons traversée pour une durée de plus de deux heures, arrivant par la suite à Iguersafène en passant par d’autres villages telle que la zaouïa d’Oumalek et de la commune d’Idjer…

    Un système d’autogestion bien rodé

    À Iguersafène, qui se situe à près de 70 km au sud-est de la wilaya de Tizi Ouzou, et qui administrativement relève de la commune d’Idjer, daïra de Bouzeguène, à 1.000 mètres d’altitude, les habitants ont créé leur propre système de gestion. Tajmaât, le comité de village, est toujours d’actualité, et c’est lui qui gère les affaires locales. Avec un système d’autogestion bien rodé, ce sont les habitants qui travaillent avec le financement et l’aide de leur communauté établie à l’étranger, tous les projets réalisés.
    Ici, on respire la propreté. Vous ne risquez pas de trouver un sachet, un papier, une bouteille ou même un mégot par terre. D’ailleurs, plusieurs panneaux dressés dans tout le village rappellent à tout un chacun l’importance du combat pour l’environnement, en l’occurrence «Pour la protection de notre santé, préservez les milieux et les espèces de la biodiversité», «La propreté est une affaire qui concerne tout le monde». «Les familles paient la taxe d’environnement fixée par le comité à 400 DA par an. Mais, actuellement, ces familles ne participent pas aux cotisations, elles sont du ressort exclusif des ressortissants vivant à l’étrangers à raison de 5 euros/personne chaque mois», nous précise Arezki Messaoudène, président du comité de village, soulignant que les villageois sont épargnés par ce qu’ils compensent par le travail de volontariat, le travail manuel… ce comité, à son tour, a procédé à la création d’une association, ALMA VERT, qui se charge de la protection de l’environnement : la gestion du tri sélectif, le compactage des PET pour les revendre à des entreprises, elle prend en charge la pépinière du village qui sert à consommer les déchets organiques en les transformant en engrais, la plantation des végétations tout autour des bords du village… la composition des déchets traités dans ce village est à 90% partagée entre les PET et les déchets organiques. Ces familles veillent parallèlement sur l’opération du tri sélectif des déchets. Sur les routes, les poubelles entreposées indiquent chacune le genre de déchets à jeter séparément.
    Les déchets organiques, verre ou plastique, sont collectés dans un centre aménagé pour cela, comme il nous a été expliqué par notre guide Zahir Messaouden, ainsi que notre accompagnateur Hacène Menouar ; pour ce qui est des déchets plastiques, ils sont vendus à des usines de transformation, permettant ainsi au comité d’avoir de nouvelles entrées d’argent et de conforter un peu plus les caisses du village. Par contre, les déchets plastiques sont compactés et entreposés dans un centre d’enfouissement technique (CET) aménagé à l’extérieur du village. Pour veiller au transport de ces derniers, les habitants ont acheté un tracteur et paient mensuellement son chauffeur. «Nous travaillons pour nous. Nous finançons nos projets avec nos propres fonds», dit-il, relevant qu’en 1974, une charte regroupant les sujets qui ont trait à la vie du village sont évoqués oralement, en raison que le comité était composé de vieux, d’analphabètes… mais les choses ont changé par la suite. Au cours de la même année, cette charte qui comporte différents aspects allant de la solidarité, les cotisations, la gestion des déchets, la gestion de l’eau, jusqu'à la gestion des conflits sociaux, a été rédigée, modernisée et mise à jour. Chaque 10 ou 15 ans, le comité procède à l’amendement de certaines lois.

    Tout reconstruire par soi-même

    L’autogestion et l’autosuffisance sont devenues chez eux une culture. Avec l’absence de l’aide de l’État, ils ne comptent que sur eux-mêmes. Mais cela ne date pas d’hier. Tout a commencé depuis l’indépendance, raconte le président du village. Pour rejoindre les maquis de l’ALN avec armes et munitions, 65 habitants d’Iguersafène décident, en 1957, de rallier l’armée coloniale afin de tirer profit de son armement. Aussitôt engagés, ils organisent une fuite collective vers le quartier général du colonel Amirouche. En signe de représailles, tout le village sera rasé par l’armée française.
    Avec le manque de moyens après l’indépendance, les villageois se sont trouvés dans l’obligation de tout reconstruire par eux-mêmes. C’est à partir de là qu’ils organisent le premier volontariat, puis un deuxième pour alimenter le village en eau de source. «La mairie ne s’est occupée que de l’assainissement, poursuit le président du village. En 2008, nous avons demandé l’extension du réseau électrique aux 145 nouveaux foyers que comptait le village, mais rien n’a été fait jusqu’à aujourd’hui. On ne peut pas attendre l’aide de l’État quand on vit isolé dans les montagnes.» En 1998, les villageois décident d’alimenter l’intérieur des maisons en eau potable et installent leurs propres compteurs d’eau. Le projet a été réalisé avec leurs propres fonds. De 2012 à 2013, le village était entouré d’une quinzaine de décharges sauvages, nous indique-t-il, en poursuivant qu’il fallait dans l’urgence s’en débarrasser.

    Iguersafène remporte le prix de la propreté

    Le plus grand village de la commune ouvre la voie à une «révolution environnementale». Les rues et les ruelles sont bitumées ou dallées par des mains de spécialistes. Les villageois ont décidé de s’organiser sans attendre l’aide de quiconque, à commencer par les autorités. Grâce à une gestion atypique de la protection de son environnement, de la lutte contre les pollutions de tous genres, de la gestion rationnelle des déchets dans le tri, la promotion du recyclage, de la sensibilisation quotidienne des ménages, des hommes, des femmes, des écoliers, le village Iguersafène a réussi, d’une main de maître, son pari, celui d’arracher la première place dans le «concours Rabah-Aïssat» 2014, du village le plus propre organisé par l’APW de Tizi Ouzou, avec 97 points/100. Pas moins de 62 villages ont concouru à ce prix. Seulement 4 villages ont été retenus et classés par ordre de mérite. Ce village est devenu une source d’inspiration et d’aide à d’autres villages. Il a servi d’exemple à plus de 40 autres villages à avoir leur propre autogestion et autosuffisance.

    Les volontariats, une tradition

    Avec une population qui avoisine les 45.000 habitants, à tour de rôle, tout le monde doit accomplir des tâches pour l’intérêt du village. C’est le cas de Mohand, un jeune artiste qui a contribué à l’embellissement du village en peignant ses murs. La mobilisation des habitants se fait d’une manière régulière et selon la nécessité. Ils sont appelés par le cheikh du village pour un rassemblement qui se fait sur une petite placette, dans le cas d’une absence injustifiée, la personne concernée peut demander un autre horaire ou payer des pénalités de 200 DA/p. «Tout ce qui se fait au sein de ce village est de notre propre création. Nous avons une vie à part entière. Nous sommes une république», certifie-t-il, en ajoutant que le comité projette la création d’un site web pour le village
    Avec les fonds de la caisse du village, les habitants ont réalisé des caniveaux, aménagé les pistes du village, élargi les rues afin de les rendre carrossables et construit deux places publiques. Ils ont aussi rénové le cimetière du village et installé des éclairages autour de la route et sur le chemin qui mène au cimetière.

    Le village s’est également doté d’un règlement communautaire, que l’ensemble des habitants appliquent à la lettre. D’ailleurs, il est soumis actuellement à débat, car les villageois veulent l’amender. «Nous finirons les discussions autour du nouveau règlement d’ici la fin de l’année. Il faut l’adapter à notre époque, car le village et les mentalités ont évolué depuis», assure Arezki Messaoudène. Et puis, en termes de valeurs, dans tous les villages visités, les habitants n’abandonnent jamais quelqu’un dans le besoin. Les personnes démunies sont systématiquement aidées. Dans ce village comme dans beaucoup d’autres en Kabylie, l’assemblée générale est considérée comme un parlement où le président du comité est perçu comme un guide. Un nombreux public, venu des quatre coins de la Kabylie, a rallié ce village exemplaire qui, las d’attendre un miracle qui viendrait remédier à la situation insoutenable d’insalubrité, a relevé le défi en prenant le taureau par les cornes. Iguersafène, chef-lieu de la commune d’Idjeur, est en réalité une sorte «d’État dans un État». Ce qu’il vient d’atteindre n’est ni plus ni moins qu’un produit de la volonté humaine.
    Kafia Ait Allouache
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

  • #2
    Quant on sait qu'Iguersafène fut bombardé et incendié en 54/62, la population déplacée ou emprisonnée, on ne peut que saluer le courage de ces villageois qui prennent en main leur destin et ont redonné vie à leur village.
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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    • #3
      azul/salam zwina

      pas qu'en Kabylie.

      beaucoup de peuples dans le monde vivaient en autonomie, arrivait à s'en sortir indépendemment de toute aide extérieure et en bonne harmonie avec leur environnement.

      mais à travers ces derniers siècles, la succession de colonisations, les grands exodes à cause des guerres et autres, ainsi que la mondialisation ont cassé à jamais tous ces écosystèmes.
      Dernière modification par Pomaria, 14 mai 2017, 15h00.
      Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

      Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

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      • #4
        Azul Pomaria

        les grands exodes à cause des guerres et autres, ainsi que la mondialisation ont cassé à jamais tous ces écosystèmes.
        La preuve que non avec Iguersafène. Beaucoup devraient s'en inspirer plutôt que passer leur temps à se chamailler. Comme disait Ait Ahmed "nous avons libéré le pays mais pas le peuple" qui n'est toujours pas guéri du "diviser pour mieux régner". A Iguersafène et dans la région, ils savent ce qu'ont enduré les anciens pour parvenir à la liberté, ils connaissent leur histoire et n'ont pas besoin d'aller chercher ailleurs des ancêtres prestigieux et honorables. Quant on ne connait pas son histoire, on est forcement en perdition et en recherche d'une identité ; quant on la connait c'est une force puissante pour avancer.
        Dernière modification par zwina, 14 mai 2017, 17h11.
        Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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