Un mort, des dizaines de blessés, des bâtiments et des véhicules de la garde nationale incendiés : le chaos accompagne la colère sociale.
L'annonce de la mort d'un manifestant, renversé « accidentellement » par un véhicule de la garde nationale, a provoqué une flambée de violence sans précédent dans le sud de la Tunisie. En une poignée d'heures, ce sont les locaux de la garde nationale et de la police qui ont été incendiés ainsi que neuf véhicules de la garde nationale, une moto… On dénombre dix-neuf policiers blessés ainsi qu'une cinquantaine de manifestants (selon l'hôpital de la ville). Dans la soirée, la ville voisine de Kébili a connu des heures mouvementées : trois voitures de la garde nationale ont été incendiées.
Foule aux funérailles d'Anouar Sakrafi
Le jeune homme tué « accidentellement », selon les mots officiels, par un véhicule de la garde nationale, a été enterré. Une foule intense a suivi le véhicule qui abritait son cercueil recouvert d'un drapeau tunisien. Le rapport du médecin légiste qui a pratiqué l'autopsie n'a pas encore été rendu public. Anouar Sakrafi a été inhumé à Bir Lahmar, sa ville natale située dans le gouvernorat de Tataouine. Les militaires présents ont fait le salut lors du passage du cortège devant eux. Après une journée et une soirée de rage, la région a retrouvé un calme précaire, selon la pudique expression. À défaut d'une prise de parole du chef de gouvernement Youssef Chahed, ce sont les porte-parole des ministères de la Défense et de l'Intérieur qui communiquent.
Une plénière convoquée à l'ARP
L'Assemblée des représentants du peuple (ARP) a convoqué ce matin une séance plénière dédiée aux événements de Tataouine. Et la tonalité observée était grave. Certains, comme Mongi Harbaoui, élu Nidaa Tounes, ont affirmé que « La campagne Où est le pétrole est une campagne étrangère qui vise à déstabiliser le pays et à semer le désordre ». Ce que la nidaïste Hela Omrane a confirmé. À ses yeux : « Des parties instrumentalisent ce qui se passe à Tataouine pour des raisons politiques. » Le bloc parlementaire de Nidaa Tounes avait enregistré la veille la démission de deux de ses députés. Les autres élus de la République s'accordaient à dire qu'il « s'agit d'une flagrante crise de confiance entre le gouvernement et l'opinion », dixit Mohsen Soudani, député Ennahda de Gafsa, parti clé de la coalition au pouvoir. Sa consœur, native de Tataouine, Jamila Jouini, elle, a estimé qu'il « faut calmer la tension ». « Cessons d'accuser les habitants de Tataouine en disant qu'ils commettent des actes de banditisme ». À écouter les députés, de tous bords, il semble que le gouvernement de Youssef Chahed n'a plus le plein soutien de l'ARP.
Une crise politique va-t-elle se rajouter à celle qui envenime le Sud ? À trois jours du ramadan, le silence du pouvoir exécutif est assourdissant. Pour sa part, le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Imed Hammami, a parlé « d'agenda caché », « de partis politiques à la dérive », pour expliquer la situation. Et évoquer le rôle de certains barons de la contrebande. Un fléau réel qui malmène l'économie tunisienne. La crise de 2017 exige une réponse subtile des autorités. La crise qui couve à Tataouine depuis deux mois est un révélateur de la situation sociale ambiante. Les autorités ne peuvent oublier la crise qui avait déjà, en juin 2015, agité le Sud tunisien.
Déjà, en 2015, une crise similaire dans le Sud
L'embrasement temporaire de Tataouine rappelle celui qui a agité Douz (gouvernorat voisin de Kébili) et ses environs en juin 2015. Les sièges de la garde nationale et de la police avaient été incendiés ainsi que des véhicules dans la foulée d'une campagne « Winou el-petrole » (« il est où le pétrole ? ») lancée anonymement sur les réseaux sociaux. Durant plusieurs nuits, des affrontements avaient eu lieu. En cause : la supposée richesse en or noir du Sud tunisien et le manque de transparence sur les concessions accordées à des groupes étrangers. La rumeur laisserait croire que la Tunisie bénéficie d'importantes réserves en pétrole. Une opération transparence sur le sujet permettrait de calmer les illusions. À l'époque, un protestataire expliquait que s'il « avait envie de croire qu'il y a du pétrole à côté de chez moi, pourquoi me priver de mon rêve ». Un casse-tête, donc.
Le Point
23.05.17
L'annonce de la mort d'un manifestant, renversé « accidentellement » par un véhicule de la garde nationale, a provoqué une flambée de violence sans précédent dans le sud de la Tunisie. En une poignée d'heures, ce sont les locaux de la garde nationale et de la police qui ont été incendiés ainsi que neuf véhicules de la garde nationale, une moto… On dénombre dix-neuf policiers blessés ainsi qu'une cinquantaine de manifestants (selon l'hôpital de la ville). Dans la soirée, la ville voisine de Kébili a connu des heures mouvementées : trois voitures de la garde nationale ont été incendiées.
Foule aux funérailles d'Anouar Sakrafi
Le jeune homme tué « accidentellement », selon les mots officiels, par un véhicule de la garde nationale, a été enterré. Une foule intense a suivi le véhicule qui abritait son cercueil recouvert d'un drapeau tunisien. Le rapport du médecin légiste qui a pratiqué l'autopsie n'a pas encore été rendu public. Anouar Sakrafi a été inhumé à Bir Lahmar, sa ville natale située dans le gouvernorat de Tataouine. Les militaires présents ont fait le salut lors du passage du cortège devant eux. Après une journée et une soirée de rage, la région a retrouvé un calme précaire, selon la pudique expression. À défaut d'une prise de parole du chef de gouvernement Youssef Chahed, ce sont les porte-parole des ministères de la Défense et de l'Intérieur qui communiquent.
Une plénière convoquée à l'ARP
L'Assemblée des représentants du peuple (ARP) a convoqué ce matin une séance plénière dédiée aux événements de Tataouine. Et la tonalité observée était grave. Certains, comme Mongi Harbaoui, élu Nidaa Tounes, ont affirmé que « La campagne Où est le pétrole est une campagne étrangère qui vise à déstabiliser le pays et à semer le désordre ». Ce que la nidaïste Hela Omrane a confirmé. À ses yeux : « Des parties instrumentalisent ce qui se passe à Tataouine pour des raisons politiques. » Le bloc parlementaire de Nidaa Tounes avait enregistré la veille la démission de deux de ses députés. Les autres élus de la République s'accordaient à dire qu'il « s'agit d'une flagrante crise de confiance entre le gouvernement et l'opinion », dixit Mohsen Soudani, député Ennahda de Gafsa, parti clé de la coalition au pouvoir. Sa consœur, native de Tataouine, Jamila Jouini, elle, a estimé qu'il « faut calmer la tension ». « Cessons d'accuser les habitants de Tataouine en disant qu'ils commettent des actes de banditisme ». À écouter les députés, de tous bords, il semble que le gouvernement de Youssef Chahed n'a plus le plein soutien de l'ARP.
Une crise politique va-t-elle se rajouter à celle qui envenime le Sud ? À trois jours du ramadan, le silence du pouvoir exécutif est assourdissant. Pour sa part, le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Imed Hammami, a parlé « d'agenda caché », « de partis politiques à la dérive », pour expliquer la situation. Et évoquer le rôle de certains barons de la contrebande. Un fléau réel qui malmène l'économie tunisienne. La crise de 2017 exige une réponse subtile des autorités. La crise qui couve à Tataouine depuis deux mois est un révélateur de la situation sociale ambiante. Les autorités ne peuvent oublier la crise qui avait déjà, en juin 2015, agité le Sud tunisien.
Déjà, en 2015, une crise similaire dans le Sud
L'embrasement temporaire de Tataouine rappelle celui qui a agité Douz (gouvernorat voisin de Kébili) et ses environs en juin 2015. Les sièges de la garde nationale et de la police avaient été incendiés ainsi que des véhicules dans la foulée d'une campagne « Winou el-petrole » (« il est où le pétrole ? ») lancée anonymement sur les réseaux sociaux. Durant plusieurs nuits, des affrontements avaient eu lieu. En cause : la supposée richesse en or noir du Sud tunisien et le manque de transparence sur les concessions accordées à des groupes étrangers. La rumeur laisserait croire que la Tunisie bénéficie d'importantes réserves en pétrole. Une opération transparence sur le sujet permettrait de calmer les illusions. À l'époque, un protestataire expliquait que s'il « avait envie de croire qu'il y a du pétrole à côté de chez moi, pourquoi me priver de mon rêve ». Un casse-tête, donc.
Le Point
23.05.17
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