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Ibn Khaldoun: Un historien innovant, un précurseur des sciences sociales

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  • Ibn Khaldoun: Un historien innovant, un précurseur des sciences sociales

    Un historien innovant, un précurseur des sciences sociales
    Personne n'a, avant lui, conçu l'Histoire comme Ibn Khaldoun. En élevant cette discipline au rang de science qui ne s'occupe que de connaissance et refuse toute altération à des fins politiques, religieuses ou autres, il opère une rupture radicale avec la conception qui prévalait alors. Il marque le passage d'un paradigme (modèle d'interprétation) théologique à un paradigme historique, de l'immutabilité à l'évolution. Autre révolution conduite par Ibn Khaldoun : l'Histoire cesse de se contenter de relater de façon chronologique les faits ou les dynasties. Elle s'attache à l'étude d'objets nouveaux (l'histoire de l'utilisation des métaux, par exemple). L'extrême détail permet d'affiner la vue d'ensemble suivant le principe de la cosmographie, qu'adoptera plus tard l'un des « héritiers » d'Ibn Khaldoun, Hassan al-Wazzan, alias Léon l'Africain : partir d'un point particulier pour décrire un phénomène général.

    Innovant dans son approche de l'Histoire, Ibn Khaldoun est aussi « l'inventeur d'une science nouvelle, une science de la société humaine qui préfigure les sciences sociales modernes, telles que l'anthropologie et la sociologie. » Fait radicalement nouveau pour l'époque, il prend pour objet d'étude la manière dont les sociétés s'organisent, accumulent des richesses mais aussi du savoir, se policent de façon contraignante et finissent par se « civiliser ». Il analyse également le rapport entre le monde rural (bédouin) et le monde urbain. Une dichotomie, parfois conflictuelle, qu'on observe encore dans nos sociétés contemporaines. Enfin, même si cela est moins connu, Ibn Khaldoun fut également un fin pédagogue. Sa vie durant, il n'aura de cesse de penser d'une façon étonnamment moderne le rapport au savoir et à la transmission du savoir.

    Ibn Khaldoun, peu connu au sud du Sahara...
    Mais nul n'est prophète en son pays. Pas même Ibn Khaldoun, penseur africain et musulman. Dans la partie subsaharienne de l'Afrique, sa figure est relativement peu connue et, quand elle l'est, peu populaire. En cause, sa perception du « monde noir ». Dans ses Prolégomènes, Ibn Khaldoun écrit : « Au sud de ce Nil existe un peuple noir que l'on désigne par le nom de Lemlem… Les habitants de Ghana et de Tekrour font des incursions dans le territoire de ce peuple pour faire des prisonniers. Les marchands auxquels ils vendent leurs captifs les conduisent dans le Maghreb, pays dont la plupart des esclaves appartiennent à cette race nègre »...

    ...., plus populaire au Maghreb
    En Afrique du Nord et ailleurs dans le monde musulman, le nom d'Ibn Khaldoun est davantage connu. À l'époque cependant, son œuvre passe largement inaperçue « car la société n'avait pas un besoin impérieux de sciences sociales », explique l'historien marocain Abdeslam Cheddadi. Des siècles plus tard, si sa notoriété est plus grande, Ibn Khaldoun jouit dans cette partie du monde d'une image contrastée. Certes, il a donné son nom à des universités ou des rues, des statues ont été érigées à son nom, son effigie se retrouve sur des timbres ou sur des billets de banque en Tunisie. Mais, encore aujourd'hui, sa pensée n'est pas toujours bien acceptée. En cause, les distances qu'Ibn Khaldoun aurait prises, selon certains, avec la religion. Pour ses détracteurs, les voies de la compréhension et de l'entendement ne sont pas compatibles avec le respect du dogme.

    Ibn Khaldoun, imprégné de religion ?
    Un point de vue battu en brèche par nombre de spécialistes. Selon Gabriel Martinez-Gros, historien français, spécialiste de l'histoire politique et culturelle d'al-Andalus, l'influence de la religion musulmane sur la pensée d'Ibn Khaldoun est incontestable. D'abord, il considère le moment prophétique comme exceptionnel, en ce sens qu'il ne le fait pas entrer dans le mécanisme rationnel de son explication de l'Histoire. Ensuite, il attribue une cause religieuse à l'origine de nombre de dynasties. Enfin, il est persuadé de l'arrivée prochaine de la fin des temps et du fait qu'il appartient à l'Islam de clore l'histoire religieuse. Il dit d'ailleurs à Tamerlan qui assiège Damas en 1400 qu'il est possiblement l'Imam al-Mahdî, celui qui viendra sauver un jour l'humanité comme le dit le Coran. Cette perception d'un Ibn Khaldoun imprégné de religiosité est partagée par Ali Benmakhlouf, professeur de philosophie arabe et de philosophie de la logique, pour qui l'historien maghrebin « utilise une immense rationalité pour parler de prescription religieuse. » De fait, dans la conception khaldounienne, la religion est nécessaire au gouvernement des hommes. Ibn Khaldoun est en effet convaincu que la crainte de Dieu incite les gouvernants à faire le bien.

    Aujourd'hui, tous Khaldouniens ?
    Plus qu'en Afrique et dans le monde arabo-musulman, Ibn Khaldoun semble davantage connu de nos jours en Occident. En Europe en particulier, où il est redécouvert et largement traduit à partir du XIXe siècle. Il y est alors comparé à Rousseau, Diderot et aux autres philosophes des Lumières, ou encore à Machiavel pour son absence d'« esprit théologique ». Le XXe siècle donnera à ses travaux une résonance encore plus forte. La façon dont il a abordé l'histoire et l'importance qu'il a accordée aux sciences sociales se sont, sept siècles plus tard, imposées partout dans le monde. Au point qu'aujourd'hui, Ibn Khaldoun fait incontestablement partie du patrimoine universel.
    Gilbert Faye, Le Point (France)
    Dernière modification par Slimane53, 29 mai 2017, 07h21.
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