La prolongation d’un conflit qui oppose les deux plus grands voisins du Maghreb, l’Algérie et le Maroc et qui dure depuis 40 ans, est un fardeau qui devient insupportable pour tous les pays de la région. Quoi que l’on puisse en penser, il faut admettre que le gel de la construction maghrébine et les relations exécrables entre les deux pays, ont pour origine la question du Sahara Occidental.
Le statu-quo actuel ne peut plus durer car il freine non seulement le développement des deux principaux protagonistes dans cette affaire mais aussi le processus d’intégration maghrébin et le développement de l’ensemble de la région. Le faible niveau des échanges intra-maghrébins (moins de 2%) illustre cette profonde anomalie, unique dans le monde entre pays voisins. Une anomalie qui coûte 1 à 2 % de croissance par an à chaque pays.
Le Maroc et l’Algérie seraient deux fois plus riches aujourd’hui s’ils avaient entretenu des relations normales. La crise du Sahara Occidental a en outre amoindri les ressources que les deux voisins consacrent à leur développement, car elle les a conduits à se lancer dans une course aussi effrénée qu’absurde aux armements.
La non-résolution de cette crise freine aussi le développement des relations entre le nord et le sud de la Méditerranée, tant il est admis que la réussite de l’intégration des économies des deux rives (l’intégration verticale) passe par leur intégration horizontale. L’Europe a accompli la sienne et parle d’une seule voix avec ses partenaires du Sud qui eux parlent de façon désunie. Une asymétrie qui appauvrit davantage ces derniers. Enfin, la prolongation du statu-quo fait planer de lourdes menaces sur la paix dans la région.
Le problème du Sahara Occidental ne devait pas être un obstacle au développement des relations entre les pays du Maghreb
Tel n’a malheureusement pas été le cas puisque ces accords sont gelés depuis plus de deux décennies. Le gel de ces Accords nous interpelle tous, européens et maghrébins, car d’une part il s’est accompagné d’un recul relatif considérable au plan économique, et d’autre part il accentue les risques d’un conflit ouvert dont les conséquences seront tragiques pour tout le monde. La population de l’ensemble maghrébin a en effet doublé depuis les accords de Zeralda. Dans le même temps, les risques de nature sécuritaire se sont accrus, tant dans la région Maghreb que plus à l’Est, ainsi qu’au Sud du Sahara.
La région, relativement épargnée par les soubresauts du Printemps arabe m’en demeure pas moins une véritable poudrière. Au déficit de développement s’ajoute le DÉFICIT DÉMOCRATIQUE sur fonds de MENACES TERRORISTES.
Le terrorisme se nourrissant, comme on le sait, autant de la misère que du manque de liberté et d’absence totale de perspectives pour les populations musulmanes, dans leur propre pays. On ne peut pas, on ne peut plus continuer à compter sur l’ONU pour trouver une issue à un conflit larvé qui ne figure pas à l’agenda des grandes puissances. Il ne le sera que s’il dégénère en conflit ouvert, ce qui n’est souhaitable pour personne.
Les conditions préliminaires pour résoudre le problème
Il s’agit avant tout de revenir à l’esprit de Zeralda. Ce qui suppose que le Maroc et l’Algérie puissent renouer le fil du dialogue. La réouverture des frontières, sans conditions, est à cet égard un impératif. Une fois la confiance rétablie, les deux pays pourront aborder la question du règlement du conflit sahraoui. La population sahraouie étant, bien entendu, tenue au courant de ces contacts préliminaires.
Tout plan de règlement doit tenir compte de la dimension maghrébine du problème. Il devra donc être conçu dans ce cadre et devra être soumis aux sahraouis ainsi qu’aux pays de l’UMA, qui devront l’avaliser. Il faut considérer que l’intérêt légitime des populations sahraouies ne saurait prévaloir sur l’intérêt des pays et des peuples de l’UMA. L’intérêt de toutes les parties doit être pris en compte. Pour cette raison, tout plan de règlement devra d’abord soumis à l’accord de l’ensemble des populations des pays de l’UMA, et ce, par référendum. Les Etats de la région peuvent seulement le négocier, mais ce sont les peuples qui doivent le ratifier, afin de lui conférer la légitimité nécessaire, qui a pu manquer aux Gouvernements concernés. Ainsi, ce qui freine le développement de l’UMA deviendra un catalyseur. Le problème devient solution, à la satisfaction de toutes les parties, lui conférant ainsi un caractère durable. Il deviendra en somme la solution par le haut à un conflit dont les répercussions se sont révélées négatives pour tous les pays de la région. La solution à un conflit qui a pris les apparences, dès le départ, d’un conflit bilatéral, qu’on a voulu régler au niveau international, au niveau de l’ONU, comme s’il s’agissait d’un simple problème de décolonisation.
Depuis 40 ans que cela dure, on sait que celle-ci n’a pas été capable de le régler, laissant le champ libre au coûteux lobbying et à un surarmement qui ne profite qu’aux marchands d’armes. Dès le départ, on savait pourtant les limites de l’arbitrage international. Rappelons-nous l’arbitrage de la Cour internationale de La Haye, qui avait rendu deux arrêts qui renvoyaient dos à dos avait le Maroc et Algérie. Une espèce de jugement de Salomon.
L’importance de trouver un Accord dans le cadre de l’UMA se nourrit en effet de la nécessité où se trouvent ses membres d’aller vers la création d’un ensemble Nord-Africain, seule issue pour rattraper leur retard, et satisfaire le désir d’union de leurs populations. A quoi on pourrait ajouter leur volonté d’arrimer leur avenir à celui de la rive Nord de la méditerranée. Volonté largement partagée d’ailleurs par les pays de l’Union Européenne et consacrée par les Accords de Barcelone de Novembre 1975 et la création de l’Union pour la Méditerranée (UPM). Les pays européens pourront, à ce titre, être sollicités pour appuyer la démarche.
Les grandes lignes d’un plan simple
Le règlement durable de la question sahraouie pourrait s’appuyer sur les quelques idées maîtresses suivantes :
1. l’octroi d’une très large autonome au peuple sahraoui, avec un statut spécial qui en ferait un des fondateurs de la nouvelle UMA. A titre symbolique celle-ci pourrait s’intituler Union des peuples Nord-Africains (UPNA).
Cette UMA rénovée garantira l’autonomie effective des sahraouis et s’engagera à financer le retour des réfugiés sahraoui et le développement de la Province.
3.. l’engagement simultané de tous les États membres de déléguer les pouvoirs les plus larges à un Parlement maghrébin bicaméraliste. Une Chambre serait composée de représentants des peuples maghrébins et une seconde chambre qui attribuerait un siège à chaque État et un siège à la Province sahraouie.
En s’inspirant de l’expérience de l’Union européenne, des abandons progressifs de souveraineté des Etats membres au profit de l’Union contribueront à dissiper la méfiance et les malentendus accumulés au fil des décennies. Le nationalisme étriqué, ainsi que les tensions de nature régionaliste céderont ainsi la place, progressivement, à une ambition plus large. Celle de faire de l’Union un des « major players » de la planète, en mesure de concurrencer les autres grands ensembles régionaux. La libre circulation des populations et un passeport commun pourront, dans cet esprit, être rapidement adoptés. Aux côtés d’une monnaie commune, Ils seront les symboles qui aideront à cimenter l’Union et à rapprocher, dans un délai relativement court, les peuples du Maghreb.
Le défi est de taille, mais l’enjeu le justifie amplement.
L’exemple européen est là pour nous rappeler qu’une étroite coopération et une prospérité partagée sont les meilleurs gages d’amitié et de paix. Enfin, aux sceptiques qui trouveront à redire quant à la complexité du mécanisme d’intégration des sahraouis, je leur rappellerai le précédent de la constitution fédéraliste de l’Etat fédéral de la Bosnie Herzégovine. Un véritable « Leviathan » constitutionnel qui a ramené la paix dans les Balkans. Oui, il faut de l’audace pour réussir à rattraper des décennies de retard et de régression économique et politique au Maghreb. Tel est le défi posé aux élites nord-africaines.
Ali Benouari
Ancien Ministre délégué au Trésor.
CNPNEWS
Le statu-quo actuel ne peut plus durer car il freine non seulement le développement des deux principaux protagonistes dans cette affaire mais aussi le processus d’intégration maghrébin et le développement de l’ensemble de la région. Le faible niveau des échanges intra-maghrébins (moins de 2%) illustre cette profonde anomalie, unique dans le monde entre pays voisins. Une anomalie qui coûte 1 à 2 % de croissance par an à chaque pays.
Le Maroc et l’Algérie seraient deux fois plus riches aujourd’hui s’ils avaient entretenu des relations normales. La crise du Sahara Occidental a en outre amoindri les ressources que les deux voisins consacrent à leur développement, car elle les a conduits à se lancer dans une course aussi effrénée qu’absurde aux armements.
La non-résolution de cette crise freine aussi le développement des relations entre le nord et le sud de la Méditerranée, tant il est admis que la réussite de l’intégration des économies des deux rives (l’intégration verticale) passe par leur intégration horizontale. L’Europe a accompli la sienne et parle d’une seule voix avec ses partenaires du Sud qui eux parlent de façon désunie. Une asymétrie qui appauvrit davantage ces derniers. Enfin, la prolongation du statu-quo fait planer de lourdes menaces sur la paix dans la région.
Le problème du Sahara Occidental ne devait pas être un obstacle au développement des relations entre les pays du Maghreb
Tel n’a malheureusement pas été le cas puisque ces accords sont gelés depuis plus de deux décennies. Le gel de ces Accords nous interpelle tous, européens et maghrébins, car d’une part il s’est accompagné d’un recul relatif considérable au plan économique, et d’autre part il accentue les risques d’un conflit ouvert dont les conséquences seront tragiques pour tout le monde. La population de l’ensemble maghrébin a en effet doublé depuis les accords de Zeralda. Dans le même temps, les risques de nature sécuritaire se sont accrus, tant dans la région Maghreb que plus à l’Est, ainsi qu’au Sud du Sahara.
La région, relativement épargnée par les soubresauts du Printemps arabe m’en demeure pas moins une véritable poudrière. Au déficit de développement s’ajoute le DÉFICIT DÉMOCRATIQUE sur fonds de MENACES TERRORISTES.
Le terrorisme se nourrissant, comme on le sait, autant de la misère que du manque de liberté et d’absence totale de perspectives pour les populations musulmanes, dans leur propre pays. On ne peut pas, on ne peut plus continuer à compter sur l’ONU pour trouver une issue à un conflit larvé qui ne figure pas à l’agenda des grandes puissances. Il ne le sera que s’il dégénère en conflit ouvert, ce qui n’est souhaitable pour personne.
Les conditions préliminaires pour résoudre le problème
Il s’agit avant tout de revenir à l’esprit de Zeralda. Ce qui suppose que le Maroc et l’Algérie puissent renouer le fil du dialogue. La réouverture des frontières, sans conditions, est à cet égard un impératif. Une fois la confiance rétablie, les deux pays pourront aborder la question du règlement du conflit sahraoui. La population sahraouie étant, bien entendu, tenue au courant de ces contacts préliminaires.
Tout plan de règlement doit tenir compte de la dimension maghrébine du problème. Il devra donc être conçu dans ce cadre et devra être soumis aux sahraouis ainsi qu’aux pays de l’UMA, qui devront l’avaliser. Il faut considérer que l’intérêt légitime des populations sahraouies ne saurait prévaloir sur l’intérêt des pays et des peuples de l’UMA. L’intérêt de toutes les parties doit être pris en compte. Pour cette raison, tout plan de règlement devra d’abord soumis à l’accord de l’ensemble des populations des pays de l’UMA, et ce, par référendum. Les Etats de la région peuvent seulement le négocier, mais ce sont les peuples qui doivent le ratifier, afin de lui conférer la légitimité nécessaire, qui a pu manquer aux Gouvernements concernés. Ainsi, ce qui freine le développement de l’UMA deviendra un catalyseur. Le problème devient solution, à la satisfaction de toutes les parties, lui conférant ainsi un caractère durable. Il deviendra en somme la solution par le haut à un conflit dont les répercussions se sont révélées négatives pour tous les pays de la région. La solution à un conflit qui a pris les apparences, dès le départ, d’un conflit bilatéral, qu’on a voulu régler au niveau international, au niveau de l’ONU, comme s’il s’agissait d’un simple problème de décolonisation.
Depuis 40 ans que cela dure, on sait que celle-ci n’a pas été capable de le régler, laissant le champ libre au coûteux lobbying et à un surarmement qui ne profite qu’aux marchands d’armes. Dès le départ, on savait pourtant les limites de l’arbitrage international. Rappelons-nous l’arbitrage de la Cour internationale de La Haye, qui avait rendu deux arrêts qui renvoyaient dos à dos avait le Maroc et Algérie. Une espèce de jugement de Salomon.
L’importance de trouver un Accord dans le cadre de l’UMA se nourrit en effet de la nécessité où se trouvent ses membres d’aller vers la création d’un ensemble Nord-Africain, seule issue pour rattraper leur retard, et satisfaire le désir d’union de leurs populations. A quoi on pourrait ajouter leur volonté d’arrimer leur avenir à celui de la rive Nord de la méditerranée. Volonté largement partagée d’ailleurs par les pays de l’Union Européenne et consacrée par les Accords de Barcelone de Novembre 1975 et la création de l’Union pour la Méditerranée (UPM). Les pays européens pourront, à ce titre, être sollicités pour appuyer la démarche.
Les grandes lignes d’un plan simple
Le règlement durable de la question sahraouie pourrait s’appuyer sur les quelques idées maîtresses suivantes :
1. l’octroi d’une très large autonome au peuple sahraoui, avec un statut spécial qui en ferait un des fondateurs de la nouvelle UMA. A titre symbolique celle-ci pourrait s’intituler Union des peuples Nord-Africains (UPNA).
Cette UMA rénovée garantira l’autonomie effective des sahraouis et s’engagera à financer le retour des réfugiés sahraoui et le développement de la Province.
3.. l’engagement simultané de tous les États membres de déléguer les pouvoirs les plus larges à un Parlement maghrébin bicaméraliste. Une Chambre serait composée de représentants des peuples maghrébins et une seconde chambre qui attribuerait un siège à chaque État et un siège à la Province sahraouie.
En s’inspirant de l’expérience de l’Union européenne, des abandons progressifs de souveraineté des Etats membres au profit de l’Union contribueront à dissiper la méfiance et les malentendus accumulés au fil des décennies. Le nationalisme étriqué, ainsi que les tensions de nature régionaliste céderont ainsi la place, progressivement, à une ambition plus large. Celle de faire de l’Union un des « major players » de la planète, en mesure de concurrencer les autres grands ensembles régionaux. La libre circulation des populations et un passeport commun pourront, dans cet esprit, être rapidement adoptés. Aux côtés d’une monnaie commune, Ils seront les symboles qui aideront à cimenter l’Union et à rapprocher, dans un délai relativement court, les peuples du Maghreb.
Le défi est de taille, mais l’enjeu le justifie amplement.
L’exemple européen est là pour nous rappeler qu’une étroite coopération et une prospérité partagée sont les meilleurs gages d’amitié et de paix. Enfin, aux sceptiques qui trouveront à redire quant à la complexité du mécanisme d’intégration des sahraouis, je leur rappellerai le précédent de la constitution fédéraliste de l’Etat fédéral de la Bosnie Herzégovine. Un véritable « Leviathan » constitutionnel qui a ramené la paix dans les Balkans. Oui, il faut de l’audace pour réussir à rattraper des décennies de retard et de régression économique et politique au Maghreb. Tel est le défi posé aux élites nord-africaines.
Ali Benouari
Ancien Ministre délégué au Trésor.
CNPNEWS
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