La seule manière de lutter contre les islamistes est de tous s’engager dans la résistance. Musulmans inclus.
Au-delà de l’idéologique, une question pratique : peut-on vaincre le djihadisme en France ?
Question de fond, car le piège est total : si on s’y met avec la seule formule du sécuritaire et de la riposte musclée, cela alimente la propagande victimaire des islamistes, accentue les islamophobies entretenues et élargit les champs de recrutement pour l’islamisme. D’ailleurs, conscient de cela, ce courant totalitaire s’est fait maître dans les jeux de propagande qui présentent les musulmans de France comme victimes, pourchassés, nouveaux étoilés en jaune de la fausse république. Mais ne rien faire, c’est aussi se soumettre à ce jeu de violence qui vise à installer la peur et la mort et à consommer les ruptures du communautaire « vendues » en rupture confessionnelle. Le tout dans un jeu de confrérie mondiale qui veut le monde et la fin du monde à la fois. On aura beau parler de culture, d’idées et d’analyse sur les identités et les enjeux électoraux, la question se résume, un peu partout dans le monde, à « que faire face aux islamistes ? ». Dans le tas, on peut parler de l’expérience algérienne. Le pays, le régime surtout, confronté au phénomène en mode précoce, durant les années 1990 et avant tous, a développé sa propre stratégie, peut-être impossible ailleurs : « pollution » des courants islamistes par des courants radicaux qui les disqualifient aux yeux de l’opinion qui les soutient passivement, émiettement entre factions et sigles, infiltration et autres. Mais la grande idée a été celle d’impliquer la majorité passive dans le jeu de résistance. C’est ce qui manque en France. La résistance à l’islamisme s’enfonce dans l’analyse bloquée de l’identité et des différences.
«... Les musulmans de France ne peuvent pas rester à regarder la mer derrière un burkini et une prière... »
Du coup, isolés, les musulmans de France optent pour cette passivité désastreuse qui à la fois les criminalise, les isole et les rend indirectement complices des thèses djihadistes. A tort ou à raison. Par acte de silence ou par passivité. Et c’est un peu la faille du système France pour lutter contre la terreur : ses musulmans ne sont pas de son côté. Au-delà des jeux de passion et de ce qu’est être français ou pas, la tactique de résistance ne peut pas aboutir à faire front au djihadisme sans une réaction de barrage, directe et assumée des musulmans de France face à l’islamisme. Il n’y a pas de réformes de l’islam et de volonté d’intégrer l’universel ou le républicain sans une implication directe et consolidée des musulmans de France (ou d’ailleurs) dans cette résistance.
En Algérie, la stratégie un peu félonne du régime, à l’époque, a été de laisser, au-delà des heures de fermeture des administrations et des bureaux, le peuple face à la terreur. Pour lui donner une leçon, lui montrer l’issue fatale de sa passivité avec les islamistes qui avaient déjà opté pour les armes. Cela a fonctionné et a abouti à ce sursaut, certes assisté de volonté de résister dans les villages à la terreur. Cela ne fonctionnera pas aussi simplement ailleurs (le prix en exactions est horrible), mais cela montre la voie : il n’y a pas de victoire sur l’islamisme sans une action directe des musulmans de ce pays (ou d’un autre) face à cette ombre noire. La réforme de l’islam, sa restauration comme foi de choix ne peuvent pas aboutir avec une majorité de musulmans qui choisissent le silence ou qui, au nom du ressentiment colonial, de la douleur d’avoir été exclus, de la réaction au rejet politicien, ne font rien, laissent passer le train, mais sur leur corps. Et cela ne sert à rien de se présenter comme victime de l’exclusion à la française sans assumer la conséquence d’être les premières victimes de l’islamisme. Cette inclusion dans la résistance ne doit pas se faire sur le mode de la concession et de la compromission, mais sur celui de la responsabilité et de l’obligation de sursaut. Il n’y a pas d’issue autrement que par ce jeu de démonstration des responsabilités. Les musulmans de France ne peuvent pas être jetés à la mer, mais ils ne peuvent pas non plus rester à la regarder derrière un burkini et une prière. Le salut solidaire n’est pas traîtrise d’une foi et d’une culture, et ne doit pas être pensé sous la forme de la culpabilité historique.
Pays inventeur de la raison, la France cultive paradoxalement les grandes passions. Et ces passions voilent aujourd’hui les obligations de stratégies face aux nouveaux fascismes. Alors qu’il y faut un mélange savant entre Voltaire et Machiavel en quelque sorte. Et très vite...
Kamel Daoud
Au-delà de l’idéologique, une question pratique : peut-on vaincre le djihadisme en France ?
Question de fond, car le piège est total : si on s’y met avec la seule formule du sécuritaire et de la riposte musclée, cela alimente la propagande victimaire des islamistes, accentue les islamophobies entretenues et élargit les champs de recrutement pour l’islamisme. D’ailleurs, conscient de cela, ce courant totalitaire s’est fait maître dans les jeux de propagande qui présentent les musulmans de France comme victimes, pourchassés, nouveaux étoilés en jaune de la fausse république. Mais ne rien faire, c’est aussi se soumettre à ce jeu de violence qui vise à installer la peur et la mort et à consommer les ruptures du communautaire « vendues » en rupture confessionnelle. Le tout dans un jeu de confrérie mondiale qui veut le monde et la fin du monde à la fois. On aura beau parler de culture, d’idées et d’analyse sur les identités et les enjeux électoraux, la question se résume, un peu partout dans le monde, à « que faire face aux islamistes ? ». Dans le tas, on peut parler de l’expérience algérienne. Le pays, le régime surtout, confronté au phénomène en mode précoce, durant les années 1990 et avant tous, a développé sa propre stratégie, peut-être impossible ailleurs : « pollution » des courants islamistes par des courants radicaux qui les disqualifient aux yeux de l’opinion qui les soutient passivement, émiettement entre factions et sigles, infiltration et autres. Mais la grande idée a été celle d’impliquer la majorité passive dans le jeu de résistance. C’est ce qui manque en France. La résistance à l’islamisme s’enfonce dans l’analyse bloquée de l’identité et des différences.
«... Les musulmans de France ne peuvent pas rester à regarder la mer derrière un burkini et une prière... »
Du coup, isolés, les musulmans de France optent pour cette passivité désastreuse qui à la fois les criminalise, les isole et les rend indirectement complices des thèses djihadistes. A tort ou à raison. Par acte de silence ou par passivité. Et c’est un peu la faille du système France pour lutter contre la terreur : ses musulmans ne sont pas de son côté. Au-delà des jeux de passion et de ce qu’est être français ou pas, la tactique de résistance ne peut pas aboutir à faire front au djihadisme sans une réaction de barrage, directe et assumée des musulmans de France face à l’islamisme. Il n’y a pas de réformes de l’islam et de volonté d’intégrer l’universel ou le républicain sans une implication directe et consolidée des musulmans de France (ou d’ailleurs) dans cette résistance.
En Algérie, la stratégie un peu félonne du régime, à l’époque, a été de laisser, au-delà des heures de fermeture des administrations et des bureaux, le peuple face à la terreur. Pour lui donner une leçon, lui montrer l’issue fatale de sa passivité avec les islamistes qui avaient déjà opté pour les armes. Cela a fonctionné et a abouti à ce sursaut, certes assisté de volonté de résister dans les villages à la terreur. Cela ne fonctionnera pas aussi simplement ailleurs (le prix en exactions est horrible), mais cela montre la voie : il n’y a pas de victoire sur l’islamisme sans une action directe des musulmans de ce pays (ou d’un autre) face à cette ombre noire. La réforme de l’islam, sa restauration comme foi de choix ne peuvent pas aboutir avec une majorité de musulmans qui choisissent le silence ou qui, au nom du ressentiment colonial, de la douleur d’avoir été exclus, de la réaction au rejet politicien, ne font rien, laissent passer le train, mais sur leur corps. Et cela ne sert à rien de se présenter comme victime de l’exclusion à la française sans assumer la conséquence d’être les premières victimes de l’islamisme. Cette inclusion dans la résistance ne doit pas se faire sur le mode de la concession et de la compromission, mais sur celui de la responsabilité et de l’obligation de sursaut. Il n’y a pas d’issue autrement que par ce jeu de démonstration des responsabilités. Les musulmans de France ne peuvent pas être jetés à la mer, mais ils ne peuvent pas non plus rester à la regarder derrière un burkini et une prière. Le salut solidaire n’est pas traîtrise d’une foi et d’une culture, et ne doit pas être pensé sous la forme de la culpabilité historique.
Pays inventeur de la raison, la France cultive paradoxalement les grandes passions. Et ces passions voilent aujourd’hui les obligations de stratégies face aux nouveaux fascismes. Alors qu’il y faut un mélange savant entre Voltaire et Machiavel en quelque sorte. Et très vite...
Kamel Daoud
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