En Tunisie, le mouvement Mouch Bessif veut affirmer le droit des musulmans qui s’abstiennent de jeûne au nom de la « liberté de conscience » inscrite dans la nouvelle Constitution.
Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)
LE MONDE Le 06.06.2017 à 06h37 • Mis à jour le 06.06.2017 à 15h59
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Prière à la mosquée d’El-Abidine, près de Tunis (Tunisie), pendant le Ramadan en juillet 2015.
LETTRE DE TUNIS
C’est un rideau rouge, un brin fripé à force d’être empoigné. A l’extérieur, les rues de Tunis vidées par le ramadan étalent leur torpeur. A l’intérieur, il y a de la fumée, des odeurs de café noir et le chuintement des pailles aspirant les verres de citronnade. Au cœur de la capitale, ce petit bar niché dans une ruelle est ouvert mais discrètement. On ne sait jamais. Le rideau de la porte vitrée abrite des regards. C’est qu’en ce mois saint, consommer avant l’iftar (la rupture du jeûne au coucher du soleil) est une affaire sensible, parfois risquée.
Le 1er juin, quatre jeunes de Bizerte, à l’ouest de Tunis, ont été condamnés à un mois de prison pour avoir mangé dans un jardin public en pleine journée. Comme le Code pénal en Tunisie est silencieux sur le jeûne, l’incrimination retenue a été celle d’« outrage public à la pudeur ». Le lendemain, deux artistes de Sousse ont été à leur tour arrêtés après que la police a trouvé une bouteille de vin vide dans le coffre de leur voiture.
Parfois, les plus zélés des policiers font irruption dans les cafés ouverts et verbalisent les patrons en vertu d’obscures prescriptions administratives jamais publiées. Quand la poigne s’abat trop sévèrement, l’Etat rectifie le tir. Quatre policiers avaient ainsi été limogés en juin 2015 pour être intervenus trop brutalement contre des cafés restés ouverts.
Ambivalence
La menace est donc là, sourde, récurrente, imprévisible. Derrière le rideau rouge froissé, Abdelkrim Ben Abdallah – il n’a cure de divulguer son identité – sirote sans complexe son café à trois heures de l’après-midi. Barbe et tignasse bouclée, le jeune est l’image de la jeunesse bohème qui fréquente l’estaminet. Les sièges sont des banquettes de train et les murs sont maculés de dessins et graffitis, œuvre collective de consommateurs libres d’y apposer leurs songes.
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Prière à la mosquée d’El-Abidine, près de Tunis (Tunisie), pendant le Ramadan en juillet 2015.
LETTRE DE TUNIS
C’est un rideau rouge, un brin fripé à force d’être empoigné. A l’extérieur, les rues de Tunis vidées par le ramadan étalent leur torpeur. A l’intérieur, il y a de la fumée, des odeurs de café noir et le chuintement des pailles aspirant les verres de citronnade. Au cœur de la capitale, ce petit bar niché dans une ruelle est ouvert mais discrètement. On ne sait jamais. Le rideau de la porte vitrée abrite des regards. C’est qu’en ce mois saint, consommer avant l’iftar (la rupture du jeûne au coucher du soleil) est une affaire sensible, parfois risquée.
Le 1er juin, quatre jeunes de Bizerte, à l’ouest de Tunis, ont été condamnés à un mois de prison pour avoir mangé dans un jardin public en pleine journée. Comme le Code pénal en Tunisie est silencieux sur le jeûne, l’incrimination retenue a été celle d’« outrage public à la pudeur ». Le lendemain, deux artistes de Sousse ont été à leur tour arrêtés après que la police a trouvé une bouteille de vin vide dans le coffre de leur voiture.
Parfois, les plus zélés des policiers font irruption dans les cafés ouverts et verbalisent les patrons en vertu d’obscures prescriptions administratives jamais publiées. Quand la poigne s’abat trop sévèrement, l’Etat rectifie le tir. Quatre policiers avaient ainsi été limogés en juin 2015 pour être intervenus trop brutalement contre des cafés restés ouverts.
Ambivalence
La menace est donc là, sourde, récurrente, imprévisible. Derrière le rideau rouge froissé, Abdelkrim Ben Abdallah – il n’a cure de divulguer son identité – sirote sans complexe son café à trois heures de l’après-midi. Barbe et tignasse bouclée, le jeune est l’image de la jeunesse bohème qui fréquente l’estaminet. Les sièges sont des banquettes de train et les murs sont maculés de dessins et graffitis, œuvre collective de consommateurs libres d’y apposer leurs songes.
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