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Il faut repenser la mondialisation

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    Pour reprendre la célèbre phrase du personnage de Tancredi Falconeri dans le roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa Le Guépard, « il faut que tout change pour que rien ne change. » L’aristocratie sicilienne dont il est l’incarnation n’a qu’un moyen de préserver ses privilèges au moment du Risorgimento de Garibaldi : changer les choses en surface pour qu’en réalité rien ne change.

    Ces derniers mois, de nombreuses voix – y compris celle de l’OCDE – ont exprimé une volonté de « réparer » la mondialisation, dans le climat global de rejet qu’elle suscite. De tels appels sont perçus avec défiance, ce qui est compréhensible. D’aucuns redoutent que « l’élite mondiale » ne soit tentée, à l’instar de Tancredi, de procéder à des changements superficiels pour éviter la remise en cause d’un ordre qui fonctionne si bien pour certains.

    On ne peut blâmer les tenants de la prudence. Pour des institutions qui, de tout temps, ont prôné l’ouverture des marchés et la libéralisation, piliers de la mondialisation, il peut être tentant de « réparer » les choses comme on répare un vieux moteur cassé – revoir la phraséologie, infléchir les politiques, juste assez pour dépasser le protectionnisme, l’isolationnisme et le populisme actuels, mais revenir au statu quo.

    En vérité, toutefois, cela ne fonctionnera pas. Nous ne pouvons nous contenter de solutions ponctuelles pour parer au mécontentement des citoyens. Il n’y aura pas de retour vers le passé. Il y a trop de choses qui ne fonctionnent pas pour trop de gens. La seule voie à suivre consiste non pas à « faire de simples retouches » mais à repenser de fond en comble la mondialisation.

    À moins que les gouvernements ne décident de modifier en profondeur – tant individuellement que collectivement – la façon dont nos économies, nos sociétés et nos systèmes politiques fonctionnent, tous nos efforts ne feront que favoriser l’éclosion d’une nouvelle crise. Nous verrons reculer la paix et le progrès que l’ouverture et la coopération multilatérale nous avaient apportés au cours des dernières décennies.

    Cela fait longtemps qu’il aurait fallu porter remède à un certain nombre de défis majeurs : la déconnexion grandissante entre la sphère financière et l’économie réelle ; une divergence croissante des niveaux de productivité entre travailleurs, entreprises et régions ; une dynamique du « presque tout au gagnant » sur de nombreux marchés ; la progressivité limitée de nos systèmes fiscaux ; la corruption et la mainmise de groupes d’intérêts sur les politiques et les institutions ; le défaut de transparence et de participation des citoyens à la prise de décision ; la solidité de l’enseignement et des valeurs que nous transmettons aux générations futures.

    À l’OCDE, nous avons posé les fondements d’un différent modèle de croissance – inclusive, durable et intégrant d’emblée la dimension d’égalité. Nous avons essayé de transcender la pensée traditionnelle et de promouvoir de nouvelles approches face aux défis économiques, centrées sur le bien-être et allant au-delà du seul PIB et des agrégats. Mais ce ne sera pas suffisant. Un nouveau contrat social doit être instauré entre les générations afin de rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions. Pour y parvenir, les États doivent définir des politiques qui donnent à chacun de nos concitoyens les moyens de réussir.

    Si les réponses doivent dans un premier temps relever de la sphère nationale, aucune solution à terme ne pourra être mise en œuvre isolément. Ces mêmes dynamiques mondiales qui suscitent un sentiment de vulnérabilité et d’incertitude peuvent offrir des solutions aux défis actuels. Prenons l’exemple du vieillissement dans les économies de l’OCDE, où les migrations peuvent être un secours. Ou celui des échanges et des investissements internationaux, qui permettent de mobiliser des ressources à l’appui de la réalisation des Objectifs de développement durable. Ou encore l’exemple des progrès sans précédent accomplis pour lutter contre les paradis fiscaux ou le changement climatique lorsque la communauté internationale unit ses efforts. Aujourd’hui, la collaboration scientifique entre pays favorise une révolution numérique et technologique que beaucoup redoutent, mais qui peut aussi transformer positivement la production, la consommation, le monde du travail et le fonctionnement global de nos sociétés.

    Le dilemme entre « mondialisation ou non-mondialisation » n’est plus d’actualité depuis longtemps. La question, aujourd’hui, est de savoir de quoi cette nouvelle mondialisation sera faite. Elle n’a pas à être semblable à celle du passé. Nous devons remettre le bien-être au centre de nos priorités, et veiller à ce que les bienfaits découlant de l’interconnexion de nos économies, de nos sociétés, de nos institutions et de nos cultures soient plus également répartis. Pour ce faire, notre action politique et nos politiques proprement dites doivent être mises en phase avec l’intégration croissante qui caractérise le monde d’aujourd’hui. La mondialisation politique ne peut continuellement avoir un temps de retard sur la mondialisation économique. Nous devons renforcer les règles du jeu et les mécanismes de gouvernance afin d’améliorer l’action coordonnée à l’échelle internationale. Nous devons nous doter de normes internationales qui offrent des conditions égales à tous et favorisent l’adoption de pratiques optimales. Nous devons enfin garantir plus de transparence, de démocratie et d’engagement civique, à tous les niveaux, de l’échelle locale à l’échelle mondiale.

    Cette semaine, les Ministres des 35 pays Membres de l’OCDE se réuniront à Paris pour débattre de ces questions. Nous regarderons également vers le passé pour tirer les enseignements du discours historique qui marqua le lancement du Plan Marshall il y a 70 ans cette semaine aussi, et qui a donné naissance à l’OCDE elle-même. « Toute aide que ce gouvernement pourra apporter à l'avenir devrait être un remède plutôt qu'un simple palliatif », avait déclaré le Secrétaire d’État George C. Marshall le 5 juin 1947. Nous vivions aujourd’hui un moment fondateur de même nature, qui exige un traitement de choc et non de simples palliatifs. Le monde d’aujourd’hui requiert la même audace, la même innovation et surtout, l’action indispensable tant attendue pour rebâtir, avec nos concitoyens, un avenir juste et prospère pour tous.


    Ecomatin
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