les négociations ben bella - FFS de 1965 (Maquis de kabylie) : l’ombre de Omar Oussedik
images6En 1965, Omar Oussedik, ambassadeur à Sofia (Bulgarie), avait été désigné par son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, pour une longue mission, qui devait le mener en République populaire de Chine, dans l’Union indienne, au Pakistan, en Mongolie et en République populaire de Corée (Corée du Nord), et ce, dans le cadre de la préparation de la 2e Conférence afro-asiatique, prévue à Alger pour la dernière semaine du mois de juin, et qui ne se déroulera jamais.
Le même jour, l’ancien secrétaire d’Etat à la Guerre, au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) entre 1958 et 1960, qu’il avait été, recevait une convocation de la part du président de la République, Ahmed Ben Bella, en personne. Le chef de l’Etat lui demandait de surseoir instamment à la mission qui lui avait été confiée par le ministre des Affaires étrangères et donc de renoncer au périple asiatique. Omar Oussedik qui ne s’étonnait de rien, connaissant parfaitement le personnel politique de l’époque et même d’après, et son goût particulier pour l’improvisation, n’a pas sourcillé quand Ahmed Ben Bella le chargeait d’une tâche délicate d’entre toutes, auprès des responsables du Front des forces socialistes (FFS).
Le lendemain donc, Omar Oussedik se rendit auprès de son supérieur pour l’informer du changement de programme. «Le Président m’a chargé d’une mission et toi d’une autre, il faudrait peut-être voir pour vous accorder», lui dit Omar, connaissant d’avance la réponse de son hiérarque.
- Il est le chef de l’Etat, tu obéis, lui fut-il répondu, non sans une pointe acide de fatalité
- OK. l’Asie attendra donc, dit Omar accommodant.
Ce dernier devinait que Bouteflika était intrigué par la décision de l’envoyer, lui qu’il savait pourtant habile négociateur vers le FFS, de surcroît un Kabyle et en plus un des tout premiers maquisards qui avait hanté les crêtes du Djurdjura. Omar était en effet l’hôte des maquis kabyles depuis 1945. On le surnommait «vouthkelmount», (l’homme au capuchon).
Sans avoir l’air d’y toucher, mais très attentif à la réponse qu’il allait lui donner, Bouteflika s’inquiéta :
- Quel est son objectif ?
- Son objectif ?
- Oui. Quel but poursuit le Président en t’envoyant chez les gars d’Aït Ahmed. D’autant que celui-ci a été arrêté, jugé et condamné et qu’il attend, maintenant en prison, son exécution
-C’est évident qu’il veut stopper définitivement le FFS, ou du moins ses résidus qui présentent encore une capacité certaine de nuisance. Autrement dit, il a besoin d’un curetage politico-militaire pour arriver à la Conférence afro-asiatique à la tête d’un pays apaisé, calme, stable, tranquille et un peuple uni autour de sa personne... Ce n’est qu’après qu’il s’occupera de vous...
- Qu’est-ce qui te fait penser «qu’après il s’occupera de nous ?»
- Dans son esprit c’est réglé comme du papier à musique, répondit Omar avant de lui rappeler : il a liquidé le GPRA, les wilayas, toutes les personnalités qui pouvaient présenter une gêne quelconque, telles que Khider, Bitat, Boudiaf, Krim, etc. Maintenant, il veut en finir avec le FFS et calmer les Kabyles. Il ne lui restera plus que l’ANP. C’est donc votre tour qui s’annonce.
Bouteflika relève la tête et se cale dans son fauteuil ministériel, en regardant droit Oussedik, il lui demande :
- Et toi ?
- Comment moi ?
- Qu’est-ce que tu vas faire ?
- Il m’a demandé de contacter les gars du FFS, je vais donc aller à Paris pour...
- Je ne parle pas de ça... Est-ce que cela signifie que tu prends position contre nous ?
- Oussedik feint de n’avoir pas bien saisi :
-Comment ça contre vous ? Qui vous ? N’êtes-vous pas ceux qui l’avez amené et installé là où il se trouve ? C’est vous qui le protégez.
Mais depuis quelque temps il voit en vous une menace. Alors de deux choses l’une, ou bien il vous écarte et il restera seul avec des pouvoirs incommensurables, et il lui sera facile de vous «liquider», ou alors vous le devancez et là, bien évidemment, vous sauvez votre peau. Sans parler des nouvelles perspectives qui s’ouvrent devant vous. Pour ce qui concerne la mission dont il m’a chargé, n’êtes-vous pas tous unis contre le FFS ?
C’est ainsi que Omar Oussedik se rendit à Paris où il s’est mis, dès son arrivée, en quête de Slimane Dehilès (dit Si Sadek). Il connaissait bien le colonel Si Sadek, qui avait succédé, en 1957, à Amar Ouamrane à la tête de la Wilaya IV. Le commandant Omar Oussedik (Si Tayeb) avait été un de ses meilleurs cadres. Mais son ancien officier demeurait introuvable ou du moins intouchable, «couvé» qu’il était par une sa garde prétorienne et d’autres qui voulaient à tout prix, pour des raisons avouables ou non, empêcher la rencontre entre les deux hommes.
Mais usant de ruse et de roublardise, il parvient à son but. Aussitôt l’entrevue concrétisée et comme un boxeur qui veut «kaoter» son adversaire dès le premier round, Omar n’y va pas par quatre
chemins : «Ben Bella et Boumediène vont s’affronter à couteaux tirés jusqu’au finish. Mais il veut, avant cela, en finir avec vous. Autrement dit crever l’abcès.» Si Sadek est cueilli à froid par le jab d’Oussedik.
- Et alors ?
- Et alors... Et alors... Tu ne penses pas qu’il vaut mieux pour tout le monde que vous vous arrangiez afin qu’ils aient enfin leur match ?
Le cadre du FFS savait parfaitement à qui il avait à faire. Il connaissait depuis longtemps le redoutable politicien qu’il avait en face de lui. C’est la raison pour laquelle il lui donnera carte blanche pour contacter ses amis encore restés dans les maquis en Algérie.
Au sixième jour, Omar rentrera à Alger. Rencontrant Bouteflika, il lui transmettra les «salutations cordiales de chaïb rass» (chauve).
- Tu es en train de faire du marketing «ya Si Omar! ».
Je ne saurai dire si l’émissaire de Ben Bella et l’ancien proche de Boumediène ont échangé d’autres propos, ou si le second voulait en savoir plus quant aux résultats de la mission du premier. Quoiqu’il en fut, le rapport que fit ensuite Omar Oussedik, au siège de la Présidence, à la villa Joly, de sa visite parisienne et de sa rencontre avec Si Sadek avait de quoi apaiser les craintes du chef de l’Etat et, bien plus, de le tranquilliser quant aux intentions politiques du chef du FFS : «Il te dit son souhait que la Conférence afro-asiatique réussisse». Il faut, m’a-t-il confié que : «Ben Bella parle au nom de tout le peuple algérien.»
images6En 1965, Omar Oussedik, ambassadeur à Sofia (Bulgarie), avait été désigné par son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, pour une longue mission, qui devait le mener en République populaire de Chine, dans l’Union indienne, au Pakistan, en Mongolie et en République populaire de Corée (Corée du Nord), et ce, dans le cadre de la préparation de la 2e Conférence afro-asiatique, prévue à Alger pour la dernière semaine du mois de juin, et qui ne se déroulera jamais.
Le même jour, l’ancien secrétaire d’Etat à la Guerre, au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) entre 1958 et 1960, qu’il avait été, recevait une convocation de la part du président de la République, Ahmed Ben Bella, en personne. Le chef de l’Etat lui demandait de surseoir instamment à la mission qui lui avait été confiée par le ministre des Affaires étrangères et donc de renoncer au périple asiatique. Omar Oussedik qui ne s’étonnait de rien, connaissant parfaitement le personnel politique de l’époque et même d’après, et son goût particulier pour l’improvisation, n’a pas sourcillé quand Ahmed Ben Bella le chargeait d’une tâche délicate d’entre toutes, auprès des responsables du Front des forces socialistes (FFS).
Le lendemain donc, Omar Oussedik se rendit auprès de son supérieur pour l’informer du changement de programme. «Le Président m’a chargé d’une mission et toi d’une autre, il faudrait peut-être voir pour vous accorder», lui dit Omar, connaissant d’avance la réponse de son hiérarque.
- Il est le chef de l’Etat, tu obéis, lui fut-il répondu, non sans une pointe acide de fatalité
- OK. l’Asie attendra donc, dit Omar accommodant.
Ce dernier devinait que Bouteflika était intrigué par la décision de l’envoyer, lui qu’il savait pourtant habile négociateur vers le FFS, de surcroît un Kabyle et en plus un des tout premiers maquisards qui avait hanté les crêtes du Djurdjura. Omar était en effet l’hôte des maquis kabyles depuis 1945. On le surnommait «vouthkelmount», (l’homme au capuchon).
Sans avoir l’air d’y toucher, mais très attentif à la réponse qu’il allait lui donner, Bouteflika s’inquiéta :
- Quel est son objectif ?
- Son objectif ?
- Oui. Quel but poursuit le Président en t’envoyant chez les gars d’Aït Ahmed. D’autant que celui-ci a été arrêté, jugé et condamné et qu’il attend, maintenant en prison, son exécution
-C’est évident qu’il veut stopper définitivement le FFS, ou du moins ses résidus qui présentent encore une capacité certaine de nuisance. Autrement dit, il a besoin d’un curetage politico-militaire pour arriver à la Conférence afro-asiatique à la tête d’un pays apaisé, calme, stable, tranquille et un peuple uni autour de sa personne... Ce n’est qu’après qu’il s’occupera de vous...
- Qu’est-ce qui te fait penser «qu’après il s’occupera de nous ?»
- Dans son esprit c’est réglé comme du papier à musique, répondit Omar avant de lui rappeler : il a liquidé le GPRA, les wilayas, toutes les personnalités qui pouvaient présenter une gêne quelconque, telles que Khider, Bitat, Boudiaf, Krim, etc. Maintenant, il veut en finir avec le FFS et calmer les Kabyles. Il ne lui restera plus que l’ANP. C’est donc votre tour qui s’annonce.
Bouteflika relève la tête et se cale dans son fauteuil ministériel, en regardant droit Oussedik, il lui demande :
- Et toi ?
- Comment moi ?
- Qu’est-ce que tu vas faire ?
- Il m’a demandé de contacter les gars du FFS, je vais donc aller à Paris pour...
- Je ne parle pas de ça... Est-ce que cela signifie que tu prends position contre nous ?
- Oussedik feint de n’avoir pas bien saisi :
-Comment ça contre vous ? Qui vous ? N’êtes-vous pas ceux qui l’avez amené et installé là où il se trouve ? C’est vous qui le protégez.
Mais depuis quelque temps il voit en vous une menace. Alors de deux choses l’une, ou bien il vous écarte et il restera seul avec des pouvoirs incommensurables, et il lui sera facile de vous «liquider», ou alors vous le devancez et là, bien évidemment, vous sauvez votre peau. Sans parler des nouvelles perspectives qui s’ouvrent devant vous. Pour ce qui concerne la mission dont il m’a chargé, n’êtes-vous pas tous unis contre le FFS ?
C’est ainsi que Omar Oussedik se rendit à Paris où il s’est mis, dès son arrivée, en quête de Slimane Dehilès (dit Si Sadek). Il connaissait bien le colonel Si Sadek, qui avait succédé, en 1957, à Amar Ouamrane à la tête de la Wilaya IV. Le commandant Omar Oussedik (Si Tayeb) avait été un de ses meilleurs cadres. Mais son ancien officier demeurait introuvable ou du moins intouchable, «couvé» qu’il était par une sa garde prétorienne et d’autres qui voulaient à tout prix, pour des raisons avouables ou non, empêcher la rencontre entre les deux hommes.
Mais usant de ruse et de roublardise, il parvient à son but. Aussitôt l’entrevue concrétisée et comme un boxeur qui veut «kaoter» son adversaire dès le premier round, Omar n’y va pas par quatre
chemins : «Ben Bella et Boumediène vont s’affronter à couteaux tirés jusqu’au finish. Mais il veut, avant cela, en finir avec vous. Autrement dit crever l’abcès.» Si Sadek est cueilli à froid par le jab d’Oussedik.
- Et alors ?
- Et alors... Et alors... Tu ne penses pas qu’il vaut mieux pour tout le monde que vous vous arrangiez afin qu’ils aient enfin leur match ?
Le cadre du FFS savait parfaitement à qui il avait à faire. Il connaissait depuis longtemps le redoutable politicien qu’il avait en face de lui. C’est la raison pour laquelle il lui donnera carte blanche pour contacter ses amis encore restés dans les maquis en Algérie.
Au sixième jour, Omar rentrera à Alger. Rencontrant Bouteflika, il lui transmettra les «salutations cordiales de chaïb rass» (chauve).
- Tu es en train de faire du marketing «ya Si Omar! ».
Je ne saurai dire si l’émissaire de Ben Bella et l’ancien proche de Boumediène ont échangé d’autres propos, ou si le second voulait en savoir plus quant aux résultats de la mission du premier. Quoiqu’il en fut, le rapport que fit ensuite Omar Oussedik, au siège de la Présidence, à la villa Joly, de sa visite parisienne et de sa rencontre avec Si Sadek avait de quoi apaiser les craintes du chef de l’Etat et, bien plus, de le tranquilliser quant aux intentions politiques du chef du FFS : «Il te dit son souhait que la Conférence afro-asiatique réussisse». Il faut, m’a-t-il confié que : «Ben Bella parle au nom de tout le peuple algérien.»
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