Figure majeure des sciences sociales, le sociologue Pierre Bourdieu a laissé derrière lui une œuvre immense. Au-delà de la révérence, comment peut-elle encore aider à analyser le monde social ?
La Distinction, La reproduction, Le sens pratique… La bibliographie de Pierre Bourdieu est parsemée de ces pavés qui ont marqué leur époque en jetant une lumière nouvelle sur la dimension symbolique de la domination, les inégalités face à l’éducation et à la culture, sur la théorie de l’action… Mais cette époque a désormais trente ou quarante ans. A la mort du sociologue, en janvier 2002, les hommages, sincères ou convenus, se sont multipliés pour saluer l’importance de son œuvre. Mais concrètement, lire Bourdieu nous aide-t-il à comprendre la société contemporaine ? Les concepts qu’il a forgés d’habitus, champ, capital, sont-ils toujours productifs ? Quel est l’héritage Bourdieu ? Il est certes impossible de faire le tour de tous les usages dont fait l’objet celui qui fut, paraît-il, le sociologue le plus cité au monde. On peut néanmoins repérer quelques tendances.
On pourrait commencer par rappeler que l’entreprise scientifique que Bourdieu a mené tout au long de sa carrière ne s’est pas évanouie. Il a légué à ses proches collaborateurs un centre de recherches (le Centre de Sociologie Européenne, fondée en 1968 et devenu en 2010 le Le Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne), une revue de stature internationale (les Actes de la Recherche en Sciences Sociales –ARSS-, publiés depuis 1975), une collection (Liber) chez un grand éditeur (Seuil), sans oublier les éditions Raisons d’Agir. De quoi assurer l’autonomie des chercheurs qui entendent prolonger, plus ou moins fidèlement, la démarche du professeur au Collège de France. Les dossiers récents publiés par les ARSS témoignent de la vitalité de courant « bourdieusien », avec un mélange de problématiques classiques (« les classes populaires dans l’enseignement supérieur», « les partitions du goût musical ») et nouvelles (« l’évaluation», « l’insécurité comme condition de travail») et en particulier un accent mis sur l’internationalisation des phénomènes sociaux (« politiques impérialistes », « constructions européennes »).
Au-delà de ce cercle, depuis une quinzaine d’années a pu se développer autour de la théorie développée par le sociologue un débat serein qui évite à la fois l’adoration stérile et le rejet de principe. Les mérites du concept d’habitus, par exemple, ont été discutés par Bernard Lahire. Selon lui, le concept a l’intérêt de faire porter le regard vers la dimension incorporée du social, c’est-à-dire la manière dont ce que pensons être le plus intime (nos goûts et dégoûts, nos manières de nous tenir, nos façons de parler…) est façonné par les rapports sociaux. Mais d’une part, rien n’est dit de la manière concrète dont se fait cette incorporation : pour reprendre les concepts de P. Bourdieu qu’est-ce concrètement qu’une « disposition » ? Un « schème générateur » ? Comment se transmet le capital culturel ?). D’autre part, il engage une vision homogène de l’homme, qui transposerait dans tous les domaines de sa pratique les mêmes dispositions (l’habitus, justement). OR, selon B. Lahire, nous pouvons être porteurs de dispositions hétérogènes voire contradictoires, parce que nous avons subi l’influence de nombreuses socialisations : la famille, l’école, les médias, les amis, les clubs auquel on participe… Bref, il ne s’agit pas de renoncer à la perspective qu’ouvre l’habitus, mais bien de l’approfondir et de la complexifier.
Le concept de champ suscite également des débats. Sous la plume de P. Bourdieu et d’autres, de nombreux travaux sur le champ littéraire, le champ scientifique, le champ religieux, le patronat… ont apporté la preuve de sa pertinence. Porteur d’une vision originale du monde social – un ensemble de sphères d’activités structurées et relativement autonomes, porteuses d’enjeux spécifiques – ce concept est-il pour autant universel ? Autrement dit, permet-il d’expliquer l’ensemble des actions humaines ? Des sociologues féministes se sont par exemple demandé dans quel « champ » il fallait inscrire les femmes au foyer. De même, à quel champ rapporter un ouvrier ? Le politiste Lilian Mathieu a témoigné de son embarras lorsque, jeune chercheur enthousisaste, il part sur le terrain de la prostitution avec l’ambition de l’étudier comme un champ. Il doit déchanter : certes, la prostitution a ses dominant(e)s et ses dominé(e)s, ses logiques de concurrence et ses conflits de légitimité (en particulier autour des espaces occupés). Mais il manque ce que Bourdieu appelle l’illusio, c’est-à-dire le fait d’être pris au jeu, de vivre pour le jeu, comme l’écrivain qui rêve du prix Goncourt, et d’en maîtriser les règles implicites. Après quoi courir dans le monde de la prostitution, sinon le client ? Cet exemple souligne que la théorie des champs semble être calée pour l’étude des activités de production des biens symboliques (artistes, écrivains, scientifiques…) et, plus généralement, des pôles dominants du monde social. C’est pourquoi, selon B. Lahire, « la théorie des champs (il faudrait d’ailleurs toujours parler de la théorie des champs du pouvoir) ne peut constituer une théorie générale et universelle, mais représente – et c’est déjà bien – une théorie régionale du monde social. »
Plus largement encore, on assiste à un essaimage des concepts. Alors que P. Bourdieu avait défendu que les trois concepts majeurs d’habitus, capital et champ devaient fonctionner ensemble, ils font l’objet d’un usage de plus en plus libre de sa théorie. Le concept de capital le montre bien. Un de ses dérivés, le capital social, a connu un véritable succès en solo, aux Etats-Unis en particulier où le sociologue Robert Putnam a repris le terme dans une acception légèrement différente et lancé tout un courant de recherche. Plus récemment, on a vu fleurir de nouveaux types de capitaux, non prévus par Bourdieu. Ont ainsi été proposés le « capital militant » déjà évoqué, ont été proposés le « capital social populaire » (ressources liés pour les classes populaires au fait d’être d’un lieu, de participer d’une société d’interconnaissance) ou encore le « capital guerrier » (dans les banlieues, ressources mobilisables dans les situations violentes : force physique, capacité d’intimidiation, capital social…).
Bref, tout semble indiquer que l’héritage scientifique se détache peu à peu de son créateur, pour entrer dans le patrimoine commun des sciences sociales dans lequel chacun peut puiser selon ses besoins. Reste également, au-delà des concepts estampillés, une ligne d’analyse du monde social. Son principe majeur est sans doute de rappeler la nécessité de resituer la dimension historique des faits sociaux, et en particulier d’envisager l’action individuelle comme la rencontre entre l’histoire faite corps et l’histoire faite chose. L’histoire faite corps, c’est-à-dire les diverses façons d’agir, de penser et de sentir que l’individu incorpore selon sa socialisation, sa trajectoire, sa position. L’histoire faite chose, c’est-à-dire l’action humaine qu’ont objectivé les institutions qui constituent un état du monde social, avec ses dominants, ses dominés, ses différents champs et leurs enjeux de lutte spécifiques, ses catégories de pensée…Une perspective auxquelles il n’est sans doute plus aujourd’hui nécessaire d’être bourdieusien pour adhérer.
Pierre Bourdieu
Né en 1930 Denguin, dans le Pyrénées-Atlantiques, fils d’un petit fonctionnaire, P. Bourdieu atteint le sommet de la hiérarchie scolaire en intégrant l’Ecole Normale Supérieure et en devenant agrégé de philosophie. Il se tourne pourtant très vite vers l’ethnologie. Il profite de son service militaire pour faire ses premières enquêtes sur les paysans algériens dans le contexte de la décolonisation (sociologie de l’Algérie, 1958). Puis il part étudier ceux de son village natal, confrontés à une crise du célibat (« célibat et condition paysanne », 1962). Passant de l’ethnologie à la sociologie, il va déployer un vaste programme d’analyse de la société française, et en particulier des dimensions culturelle et symbolique des inégalités sociales. Dès 1964, il frappe un grand coup : dans Les héritiers, il montre avec Jean-Claude Passeron que les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur sont dus essentiellement à des facteurs culturels. Les enfants des classes supérieures acquièrent au travers de leur famille un capital culturel (connaissance, lectures, savoir-faire et savoir-dire), tandis que ceux des milieux populaires doivent subir une véritable acculturation qui leur rend la tâche nettement plus difficile. Après l’éducation, Bourdieu et son équipe s’intéresseront de la même façon aux usages différentiels de la photographie (Un art moyen, 1965) et à la fréquentation des musées (L’amour de l’art, 1966). Toutes approches qui alimenteront la vaste analyse des styles de vie et de leur rôle de différenciation sociale que constitue La distinction (1979).
Quasiment au même moment, revenant sur son moment anthropologique, il publie Le sens pratique (1980), où il expose sa conception de l’action centrée autour du concept d’habitus. Puis il analyse les transformations du champ académique sous l’effet de mai 68 (Homo academicus, 1984), et celle de la formation des élites du pouvoir (La noblesse d’Etat, 1989). Après une analyse de la genèse du champ littéraire, les années 1990 sont celles de la médiatisation. La misère du monde, vaste ouvrage collectif sur la souffrance sociale qu’il dirige en 1993, bat des records de vente. Son soutien aux grévistes s’opposant en décembre 1995 au plan Juppé sur les retraites lui offrira une publicité encore accrue. En 1996, son « petit livre rouge » sur la télévision (Raisons d’agir), où il s’inquiète de l’emprise des médias sur le champ intellectuel, connaît un vaste succès de librairie et suscite la controverse. Multipliant les interventions, il publie néanmoins des méditations pascaliennes (Seuil, 1997) où il livre sa conception de l’homme puis son dernier livre, une analyse des structures sociales de l’économie (Seuil, 2000) fondée sur une enquête autour du marché de la maison individuelle. Il meurt alors qu’il travaillait à appliquer à lui-même ses outils d’analyse (Esquisse pour une auto-analyse, Raisons d’Agir, 2004), ainsi qu’à une étude sur Manet.
La Distinction, La reproduction, Le sens pratique… La bibliographie de Pierre Bourdieu est parsemée de ces pavés qui ont marqué leur époque en jetant une lumière nouvelle sur la dimension symbolique de la domination, les inégalités face à l’éducation et à la culture, sur la théorie de l’action… Mais cette époque a désormais trente ou quarante ans. A la mort du sociologue, en janvier 2002, les hommages, sincères ou convenus, se sont multipliés pour saluer l’importance de son œuvre. Mais concrètement, lire Bourdieu nous aide-t-il à comprendre la société contemporaine ? Les concepts qu’il a forgés d’habitus, champ, capital, sont-ils toujours productifs ? Quel est l’héritage Bourdieu ? Il est certes impossible de faire le tour de tous les usages dont fait l’objet celui qui fut, paraît-il, le sociologue le plus cité au monde. On peut néanmoins repérer quelques tendances.
On pourrait commencer par rappeler que l’entreprise scientifique que Bourdieu a mené tout au long de sa carrière ne s’est pas évanouie. Il a légué à ses proches collaborateurs un centre de recherches (le Centre de Sociologie Européenne, fondée en 1968 et devenu en 2010 le Le Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne), une revue de stature internationale (les Actes de la Recherche en Sciences Sociales –ARSS-, publiés depuis 1975), une collection (Liber) chez un grand éditeur (Seuil), sans oublier les éditions Raisons d’Agir. De quoi assurer l’autonomie des chercheurs qui entendent prolonger, plus ou moins fidèlement, la démarche du professeur au Collège de France. Les dossiers récents publiés par les ARSS témoignent de la vitalité de courant « bourdieusien », avec un mélange de problématiques classiques (« les classes populaires dans l’enseignement supérieur», « les partitions du goût musical ») et nouvelles (« l’évaluation», « l’insécurité comme condition de travail») et en particulier un accent mis sur l’internationalisation des phénomènes sociaux (« politiques impérialistes », « constructions européennes »).
Au-delà de ce cercle, depuis une quinzaine d’années a pu se développer autour de la théorie développée par le sociologue un débat serein qui évite à la fois l’adoration stérile et le rejet de principe. Les mérites du concept d’habitus, par exemple, ont été discutés par Bernard Lahire. Selon lui, le concept a l’intérêt de faire porter le regard vers la dimension incorporée du social, c’est-à-dire la manière dont ce que pensons être le plus intime (nos goûts et dégoûts, nos manières de nous tenir, nos façons de parler…) est façonné par les rapports sociaux. Mais d’une part, rien n’est dit de la manière concrète dont se fait cette incorporation : pour reprendre les concepts de P. Bourdieu qu’est-ce concrètement qu’une « disposition » ? Un « schème générateur » ? Comment se transmet le capital culturel ?). D’autre part, il engage une vision homogène de l’homme, qui transposerait dans tous les domaines de sa pratique les mêmes dispositions (l’habitus, justement). OR, selon B. Lahire, nous pouvons être porteurs de dispositions hétérogènes voire contradictoires, parce que nous avons subi l’influence de nombreuses socialisations : la famille, l’école, les médias, les amis, les clubs auquel on participe… Bref, il ne s’agit pas de renoncer à la perspective qu’ouvre l’habitus, mais bien de l’approfondir et de la complexifier.
Le concept de champ suscite également des débats. Sous la plume de P. Bourdieu et d’autres, de nombreux travaux sur le champ littéraire, le champ scientifique, le champ religieux, le patronat… ont apporté la preuve de sa pertinence. Porteur d’une vision originale du monde social – un ensemble de sphères d’activités structurées et relativement autonomes, porteuses d’enjeux spécifiques – ce concept est-il pour autant universel ? Autrement dit, permet-il d’expliquer l’ensemble des actions humaines ? Des sociologues féministes se sont par exemple demandé dans quel « champ » il fallait inscrire les femmes au foyer. De même, à quel champ rapporter un ouvrier ? Le politiste Lilian Mathieu a témoigné de son embarras lorsque, jeune chercheur enthousisaste, il part sur le terrain de la prostitution avec l’ambition de l’étudier comme un champ. Il doit déchanter : certes, la prostitution a ses dominant(e)s et ses dominé(e)s, ses logiques de concurrence et ses conflits de légitimité (en particulier autour des espaces occupés). Mais il manque ce que Bourdieu appelle l’illusio, c’est-à-dire le fait d’être pris au jeu, de vivre pour le jeu, comme l’écrivain qui rêve du prix Goncourt, et d’en maîtriser les règles implicites. Après quoi courir dans le monde de la prostitution, sinon le client ? Cet exemple souligne que la théorie des champs semble être calée pour l’étude des activités de production des biens symboliques (artistes, écrivains, scientifiques…) et, plus généralement, des pôles dominants du monde social. C’est pourquoi, selon B. Lahire, « la théorie des champs (il faudrait d’ailleurs toujours parler de la théorie des champs du pouvoir) ne peut constituer une théorie générale et universelle, mais représente – et c’est déjà bien – une théorie régionale du monde social. »
Plus largement encore, on assiste à un essaimage des concepts. Alors que P. Bourdieu avait défendu que les trois concepts majeurs d’habitus, capital et champ devaient fonctionner ensemble, ils font l’objet d’un usage de plus en plus libre de sa théorie. Le concept de capital le montre bien. Un de ses dérivés, le capital social, a connu un véritable succès en solo, aux Etats-Unis en particulier où le sociologue Robert Putnam a repris le terme dans une acception légèrement différente et lancé tout un courant de recherche. Plus récemment, on a vu fleurir de nouveaux types de capitaux, non prévus par Bourdieu. Ont ainsi été proposés le « capital militant » déjà évoqué, ont été proposés le « capital social populaire » (ressources liés pour les classes populaires au fait d’être d’un lieu, de participer d’une société d’interconnaissance) ou encore le « capital guerrier » (dans les banlieues, ressources mobilisables dans les situations violentes : force physique, capacité d’intimidiation, capital social…).
Bref, tout semble indiquer que l’héritage scientifique se détache peu à peu de son créateur, pour entrer dans le patrimoine commun des sciences sociales dans lequel chacun peut puiser selon ses besoins. Reste également, au-delà des concepts estampillés, une ligne d’analyse du monde social. Son principe majeur est sans doute de rappeler la nécessité de resituer la dimension historique des faits sociaux, et en particulier d’envisager l’action individuelle comme la rencontre entre l’histoire faite corps et l’histoire faite chose. L’histoire faite corps, c’est-à-dire les diverses façons d’agir, de penser et de sentir que l’individu incorpore selon sa socialisation, sa trajectoire, sa position. L’histoire faite chose, c’est-à-dire l’action humaine qu’ont objectivé les institutions qui constituent un état du monde social, avec ses dominants, ses dominés, ses différents champs et leurs enjeux de lutte spécifiques, ses catégories de pensée…Une perspective auxquelles il n’est sans doute plus aujourd’hui nécessaire d’être bourdieusien pour adhérer.
Pierre Bourdieu
Né en 1930 Denguin, dans le Pyrénées-Atlantiques, fils d’un petit fonctionnaire, P. Bourdieu atteint le sommet de la hiérarchie scolaire en intégrant l’Ecole Normale Supérieure et en devenant agrégé de philosophie. Il se tourne pourtant très vite vers l’ethnologie. Il profite de son service militaire pour faire ses premières enquêtes sur les paysans algériens dans le contexte de la décolonisation (sociologie de l’Algérie, 1958). Puis il part étudier ceux de son village natal, confrontés à une crise du célibat (« célibat et condition paysanne », 1962). Passant de l’ethnologie à la sociologie, il va déployer un vaste programme d’analyse de la société française, et en particulier des dimensions culturelle et symbolique des inégalités sociales. Dès 1964, il frappe un grand coup : dans Les héritiers, il montre avec Jean-Claude Passeron que les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur sont dus essentiellement à des facteurs culturels. Les enfants des classes supérieures acquièrent au travers de leur famille un capital culturel (connaissance, lectures, savoir-faire et savoir-dire), tandis que ceux des milieux populaires doivent subir une véritable acculturation qui leur rend la tâche nettement plus difficile. Après l’éducation, Bourdieu et son équipe s’intéresseront de la même façon aux usages différentiels de la photographie (Un art moyen, 1965) et à la fréquentation des musées (L’amour de l’art, 1966). Toutes approches qui alimenteront la vaste analyse des styles de vie et de leur rôle de différenciation sociale que constitue La distinction (1979).
Quasiment au même moment, revenant sur son moment anthropologique, il publie Le sens pratique (1980), où il expose sa conception de l’action centrée autour du concept d’habitus. Puis il analyse les transformations du champ académique sous l’effet de mai 68 (Homo academicus, 1984), et celle de la formation des élites du pouvoir (La noblesse d’Etat, 1989). Après une analyse de la genèse du champ littéraire, les années 1990 sont celles de la médiatisation. La misère du monde, vaste ouvrage collectif sur la souffrance sociale qu’il dirige en 1993, bat des records de vente. Son soutien aux grévistes s’opposant en décembre 1995 au plan Juppé sur les retraites lui offrira une publicité encore accrue. En 1996, son « petit livre rouge » sur la télévision (Raisons d’agir), où il s’inquiète de l’emprise des médias sur le champ intellectuel, connaît un vaste succès de librairie et suscite la controverse. Multipliant les interventions, il publie néanmoins des méditations pascaliennes (Seuil, 1997) où il livre sa conception de l’homme puis son dernier livre, une analyse des structures sociales de l’économie (Seuil, 2000) fondée sur une enquête autour du marché de la maison individuelle. Il meurt alors qu’il travaillait à appliquer à lui-même ses outils d’analyse (Esquisse pour une auto-analyse, Raisons d’Agir, 2004), ainsi qu’à une étude sur Manet.
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