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UNE SOIRÉE PARMI DES RÉFUGIÉS AFRICAINS «Ne nous renvoyez pas vers la mort»

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  • UNE SOIRÉE PARMI DES RÉFUGIÉS AFRICAINS «Ne nous renvoyez pas vers la mort»

    Les frontières ont finalement eu du mal à résister aux flots des réfugiés africains. Comme pour accompagner tous ces hommes et ces femmes en détresse, la nature ou peut-être des hommes ont laissé des brèches s’ouvrir pour laisser s’échapper ces damnés de l’Afrique.
    Abla Cherif - Alger (Le Soir) - Lentement, cette Afrique se «déverse» sur Alger. Elle saute aux yeux. Se fait malgré elle omniprésente. A chaque coin de rue, chaque moment où la torpeur nous fait occulter les images qui nous entourent, ses fils surgissent pour nous rappeler leur présence. Leur misère. Leur détresse. En moins de temps qu’il ne le fallait, ils se sont incrustés dans le paysage. Ne pas les voir relève d’un défaut de vision. Les observer, une indécence.
    Tenter de communiquer une gageure. Il en a d’ailleurs fallu beaucoup pour décrypter les messages qu’a tenté de nous faire passer vendredi soir la communauté nigérienne établie à Baba-Ali. Les images de ces dizaines de familles regroupées sous un pont ont d’ailleurs fait le tour d’Algérie ces derniers jours.
    Des vidéos filmées par des anonymes ont fait le buzz. Sur place, la réalité est encore plus terrible. Poignante. Bouleversante.
    Et lorsqu’elle est appréhendée de nuit, cette réalité se fait tout simplement effarante. Il est 21h30. Sous le pont reliant Baraki à Baba-Ali règne une effervescence inhabituelle. Des voix en sourdine, des pleurs de bébé, des pas que l’on traîne, de la musique, des bruits étouffés… Une odeur terrible empeste les lieux : celle des effluves que dégage un cours d’eau relié à oued El-Harrach. A l’entrée de ce qui apparaît être un véritable village africain, une image retient l’attention. Une jeune femme, voilée d’un long drap marron, prie. Elle se tient droite, immobile, le corps tourné vers la Qabla. Son visage semble avoir été sculpté à la main dans ce bois précieux qui emplit les forêts africaines. Des gouttes de sueur perlent sur son front. La chaleur et l’humidité semblent décuplées ici.
    Dans l’obscurité des lieux, les torches allumées de dizaines de téléphones portables donnent à cette femme un air presque irréel. Non loin d’elle, deux enfants en bas âge dorment sur une couverture usée. Nécessairement, des hommes viennent à notre rencontre. Ils sont habitués au passage des Algériens ici. Les curieux, parfois des bénévoles, et même les médias débarquent ici. Ils avouent cependant recevoir la première visite nocturne depuis leur installation ici. Idriss sera notre guide. Il est l’un des rares ici à pouvoir s’exprimer en arabe et en français. Les lumières faibles qui s’échappent des téléphones nous permettent d’avancer. D’apercevoir plus distinctement tous ces corps allongés sur des cartons, de vieilles couvertures, tête posée sur des sacs emplis à la hâte pour traverser l’immensité désertique qui les séparait de la frontière algérienne. Sous ce pont, il n’y a que des Nigériens, affirme Idriss. «Là-bas, il n’y a que la guerre, la famine et la mort… Pas d’argent, pas de travail… la sécheresse a tué nos bêtes, les bandits nous volent tout, ils incendient nos maisons… Parfois, nos enfants sont capturés et vendus pour quelques sous pour aller travailler ailleurs…»
    Idriss parle vite, insiste, comme pour s’assurer que nous avons bien compris, convaincre que leur fuite n’est pas un choix. Une obligation. Une nécessité. Une lutte pour la survie.
    «Il y a quatre mois, des bandits sont passés et ont brûlé quatre villages. Les autres, ceux qui se trouvaient aux alentours, ont eu peur qu’il leur arrive la même chose, alors ils ont décidé de fuir comme nous (…) Les femmes ont ramassé ce qu’elles ont pu, mais la plupart sont venus sans rien (…) On est partis la nuit (…) Sur le chemin, certains n’ont pas pu résister, ils sont morts dans le désert (…)» La coïncidence fait aussi que leur arrivée aux frontières intervienne en fin de journée.
    Beaucoup s’écroulent en arrivant. «Les Algériens mettent des citernes d’eau là-bas, beaucoup de personnes ont été sauvées ainsi.» Idriss avoue ne pas connaître le nom des lieux par lesquels s’effectuent les passages. «Personne n’a tenté de nous arrêter», dit-il. Epuisée, la longue file humaine poursuit sa progression vers les villes du Nord.
    Leur chemin est parsemé de bénévoles qui leur portent assistance. «A Alger, les gens ont peur de nous, ils nous regardent de façon étrange, ici, ce n’est pas comme les autres pays africains, la vie est différente, elle est meilleure ; pour nous, c’est le paradis, mais tout le monde croit que nous sommes des voleurs.»
    La visite se poursuit. Aux pieds de chaque groupe, des assiettes non encore nettoyées indiquent que le repas du soir vient à peine de s’achever. «Nous sommes musulmans, la plupart d’entre nous observent le jeûne»(*), poursuit notre interlocuteur. Les provisions qui servent à les alimenter proviennent en grande partie de particuliers. «A Alger, il n’y a pas beaucoup de donateurs. Nos jeunes vont deux fois par semaine à Blida pour ramener du ravitaillement. Là-bas, il y a des gens qui nous donnent du riz, des pâtes et ce qu’il faut pour les enfants.» La cuisine s’effectue sur des réchauds offerts par des particuliers. Au cours du mois de Ramadhan, un dîner leur a été offert par le Croissant-Rouge algérien.
    Dans la langue de son pays, un homme d’un certain âge interpelle Idriss. C’est le coiffeur de la communauté. Tout en maniant le rasoir sur un crâne éclairé par la lumière d’un téléphone, il lui demande de nous questionner au sujet d’une rumeur qui circule depuis plusieurs jours au sein de leur communauté.
    «On dit qu’après la fête (l’Aïd), ils vont amener des bus pour nous ramener chez nous. Savez-vous si c’est vrai ?» Smaïl, un autre Nigérien sachant parler français, s’approche et commente : «Nous sommes très inquiets, notre retour là-bas veut dire la mort assurée. En Algérie, au moins nous avons des personnes qui nous aident, chez nous, il n’y a personne pour donner à manger aux enfants.» La rumeur, sortie d’on ne sait où, les terrorise. «Dans votre pays, les Nigériens ne peuvent pas travailler et encore moins s’installer, ce n’est pas comme les Maliens qui sont tolérés chez vous», poursuit Smaïl.
    Comme les autres, il n’ignore pas se trouver en situation illégale, ce qui les soumet au risque permanent de l’expulsion. Des opérations de rapatriement ont d’ailleurs été menées par deux fois au cours de l’année précédente. Elles ont toutes été vouées à l’échec. A peine arrivés au Niger, les familles ont repris la route vers l’Algérie.
    Soumises à l’afflux de ces masses en quête de survie, les autorités algériennes ont peine à réagir. «Comment refouler des femmes et des enfants qui viennent de traverser une immensité désertique, avouait, il y a quelques semaines encore, un responsable algérien. Les renvoyer dans le Sahara les expose à une mort certaine, mais voyez aussi ce qui se produit lorsqu’ils arrivent dans nos villes. Ils sont livrés à eux-mêmes, nous faisons ce que nous pouvons, mais leur prise en charge nécessite un plan d’action. Des décisions ont été prises pour les Syriens, les Maliens et toutes les personnes en provenance de pays en guerre. C’est cette caractéristique qui leur assure une couverture et une prise en charge chez nous. Le Niger n’est pas comptabilisé parmi les pays en guerre. La situation est différente. Mais il va falloir y faire face rapidement.»
    Sur ce point, les autorités algériennes semblent avoir une idée arrêtée. Interpellé par des députés lors de son récent passage à l’APN, Abdelmadjid Tebboune a fait savoir que les services de la gendarmerie et de la police procédaient actuellement au recensement de tous les réfugiés présents sur notre sol. Il a également fait savoir qu’une carte allait être remise à tous les déplacés autorisés à résider en Algérie sans préciser leur nationalité. Les autres, tous les autres seront rapatriés dans des opérations concertées avec les autorités de leurs pays respectifs.
    A. C.

    * Reportage réalisé deux jours avant l’Aïd.
    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)

  • #2
    Je pense que ceux qui sont derrière ce terrorisme dans ces pays africains à savoir la france et consorts doivent trouver la solution à ce problème , la france a poussé (volontairement ou involontairement ) ce flux de migrants vers notre pays , et ça c'est grave pour la sécurité de l'Algérie
    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)

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