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Hommage à une Grande Dame Décès de la moudjahida Izza Bouzekri

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  • Hommage à une Grande Dame Décès de la moudjahida Izza Bouzekri

    Izza Bouzekri n’est plus. La moudjahida, veuve de Abane Ramdane puis de Slimane Dehilès, deux figures de proue de la Révolution nationale, est décédée le mercredi 17 mai 2017, à l’âge de 89 ans, des suites d’une crise cardiaque.




    Partie sur la pointe des pieds, Izza Bouzekri laisse derrière elle l’impérissable souvenir d’une militante de la première heure, qui a consacré les plus belles années de sa vie au service de la cause nationale. Ne cherchant ni reconnaissance ni lauriers pour cet engagement, Izza Bouzekri s’est, au lendemain de l’indépendance, retirée de la scène politique pour se consacrer aux siens. Hommage à une Grande Dame. Enfance à AlgerIzza Bouzekri voit le jour le 15 septembre 1928 au 17 rue Pyramide, à la Casbah d’Alger. Elevée par sa mère et son grand-père, elle grandit dans le quartier de Notre-Dame d’Afrique. Son père dont elle n’a pratiquement pas de souvenirs était d’origine marocaine. Il émigre en Algérie comme journalier mais décède alors que la petite Izza n’a que trois ans. « Mon grand-père maternel, Saïd Ben Salah était musicien, il composait des chants religieux dont certains furent chantés par Hadj El Anka et Boudjemaâ El Ankis. Ma mère m’a inscrite à l’école française où j’ai obtenu mon certificat d’études en 1942, j’avais alors 13 ans et mon oncle maternel a refusé que je continue mes études. Ma mère m’a mise à la médersa Ech Chabiba à la Rampe Vallée, c’était mieux accepté, on y enseignait l’arabe et aussi le français. Un enseignant, Hacène Fodhala el Ouartilani, m’a laissé un souvenir inoubliable. Il enseignait de manière moderne et nous a initiés au patriotisme par des chants et son enseignement de l’histoire. C’était tout nouveau pour nous. L’institutrice en français, mademoiselle Clément, était l’œil de l’administration. Elle a dû faire un rapport contre monsieur Fodhala qui n’est pas resté longtemps. A dix-huit ans, j’ai été exclue parce que j’avais dépassé la limite d’âge. J’ai un peu enseigné bénévolement à l’école El Kheiriya mais les conditions y étaient difficiles, nous n’avions même pas de livres. Il avait été question de nous envoyer une dizaine de filles, continuer nos études à Tunis, ma mère a accepté mais l’administration française a refusé » (1). Premiers pas dans le militantismeCette injustice et d’autres encore vécues depuis la plus tendre enfance font prendre conscience à la jeune fille de la nécessité de se battre pour obtenir ses droits. L’année 1947 est alors une année charnière pour elle. « Je suis entrée à l’association des femmes musulmanes algériennes qui venait d’être créée. J’ai abandonné l’enseignement et je ne faisais plus que militer ». Faisant partie des premières cellules clandestines du Parti du peuple algérien (PPA), Izza Bouzekri est en contact direct avec Omar Oussedik, dont elle reçoit les ordres et consignes mais pas que, puisqu’il se chargeait aussi de « politiser » les femmes, en les informant de ce qui se passait sur la scène politique. Izza, en compagnie d’autres militantes, est chargée de la rédaction de petits discours dénonçant le colonialisme, afin de sensibiliser un maximum de femmes et de les rallier à la cause nationale. Quelques habitantes du quartier de Notre-Dame répondent favorablement aux appels du PPA, malheureusement, Izza qui est atteinte de tuberculose en 1949, ne peut poursuivre sa mission. Elle est transférée par son frère, qui travaillait dans la marine française, à Marseille où elle est sauvée de justesse. Elle passe ensuite 15 mois de convalescence dans un sanatorium à Annecy, en France. De retour au pays, l’association qui a vu naître ses premiers pas de militante, a pratiquement cessé d’exister, subissant le contrecoup des scissions au sein du PPA-MTLD. « Au sanatorium, j’avais commencé à apprendre la sténodactylographie. A mon retour à Alger, je me suis inscrite à l’Ecole Pigier en 1951. J’étais la seule élève voilée, ma mère exigeait que je porte le voile. J’ai obtenu mon diplôme, et j’ai décidé d’aller travailler et d’enlever le voile (…) ». Par le biais d’amis militants, elle obtient une place à la mairie mais ne voulant pas se mettre au service de l’administration coloniale, elle renonce, préférant travailler chez un avocat français, maître Boyer « un homme bien », à la rue Duc des Cars, à Alger-Centre et ce, jusqu’en 1955. « Du point de vue militantisme, pour moi, de 1949 à 1954, c’est le grand vide. J’ai recommencé à militer en août 1955. Un instituteur d’une école libre, Hocine El Mili, avec lequel je discutais des événements politiques et auquel j’avais dit que je cherchais un contact, m’a mise en relation avec Nassima Hablal. Je faisais la liaison entre Abane Ramdane et Rachid Amara. Abane m’a tout de suite demandé si je savais taper à la machine et si je savais conduire. Je savais taper à la machine et j’ai appris à conduire. Je travaillais chez l’avocat et je m’arrangeais pendant mon travail pour taper des stencils pour des tracts. L’appel aux intellectuels, par exemple ». Un jour, un militant vient l’informer de l’arrestation de Amara et Lounis. Elle court avertir Nassima Hablal qui habitait à l’époque près du Jardin d’Essai, mais arrivée au domicile de cette dernière, elle découvre qu’elle aussi vient d’être arrêtée. « J’avais des tracts et une lettre pour Abane dans ma serviette. Je leur ai dit que je venais inviter madame Hablal, sa mère, de la part de la mienne. Ils étaient en train d’interroger Nassima, ils m’ont demandé mon identité et m’ont laissée repartir. Ils voulaient certainement me filer ». C’était effectivement le cas. Izza Bouzekri décide alors de rentrer directement à la maison et de déchirer tous les documents. « Ma mère disait : Ah, maintenant tu as peur !, Non, je prends des précautions. Puis, je lui ai demandé d’aller à la Faculté attendre Hafsa Bisker pour la prévenir de l’arrestation de Nassima ». Quinze jours durant, Izza rompt tout contact avec les frères car se sachant suivie par la police coloniale. Le 24 décembre 1955, elle reçoit au bureau de l’avocat Boyer, la visite de Mohamed Ben Yahia, l’informant que Abane Ramdane veut la voir. « Je l’ai trouvé à son refuge avec Ouamrane, il m’a demandé de prendre le maquis sans avertir ma famille mais je voulais prévenir ma mère, j’ai insisté. Ouamrane lui a dit de me laisser y aller. J’ai laissé un mot dans la corbeille à pain pour ma mère : Ne m’attendez pas, je pars au maquis. Je vous embrasse ». Izza Bouzekri monte au frontRepartie au refuge, elle y demeure jusqu’en janvier 1956, date à laquelle elle est envoyée à Oran, chez le docteur Nekkache pour y apprendre des notions de secourisme. Elle revient ensuite à Alger, à la demande de Abane Ramdane. « Abane Ramdane avait un refuge, 20 rue Bastide, près de l’hôpital Mustapha qui n’était connu que de Ouamrane, Ben Khedda et Akli Saïd, un gargotier qui est mort au maquis. C’est tout, personne d’autre ne le connaissait. Je l’y ai rejoint fin janvier 1956. Nous y vivions en famille. Il y avait le propriétaire, sa femme, le père, la sœur, la nièce de sa femme. C’était la famille de Mohamed Alkama, il subvenait à nos besoins, nous hébergeait mais ne devait pas avoir d’autres activités militantes pour ne pas attirer l’attention. Ils avaient une adoration pour Abane. Le père disait : avec son arrivée, un vent de civilisation a soufflé sur cette maison. Abane était très modeste dans ses goût, il fallait le forcer pour qu’il s’habille correctement ; il était sobre, il mangeait n’importe quoi. Quand Oumarane devait venir, il faisait d’abord apporter des kilos de viande par Akli ». Izza Bouzekri était, à cette époque, chargée d’effectuer des liaisons. A Alger, elle le faisait à pied ou en trolley, lorsqu’elle partait hors wilaya, elle empruntait le train, comme cette fois où elle dût se déplacer jusqu’à Constantine pour contacter Mezhoudi, un responsable du maquis. Le reste du temps, elle tapait des documents : des tracts, les stencils des premiers numéros d’El Moudjahid…Aussi consciencieuse qu’efficace, Izza Bouzekri est alors presque entièrement responsable de tout le travail de secrétariat du Comité exécutif central. Travaillant directement avec Abane Ramdane, elle finit par l’épouser en 1956. De cette union, naît en janvier 1957, un garçon, prénommé Hassan. Après la mort de Ben M’hidi et la traque de Yassef Saâdi par les hommes de Massu, Abane Ramdane est contraint de quitter le pays. Un aller sans retour puisqu’il trouve la mort dans une ferme isolée près de Tétouan au Maroc. Izza Bouzekri devient ainsi veuve à l’âge de 29 ans. Elle se remarie en 1959 avec son ami, le colonel Slimane Dehilès dont elle aura cinq enfants. Quant à Hassan, le fils qu’elle a eu avec Abane Ramdane, il meurt en 1990, dans un accident de la route, laissant derrière lui deux enfants.Hassina AmrouniSource : (1)Danièle Djamila Amrane-Minne, « Des femmes dans la guerre d’Algérie », éd. Karthala, Paris 1994, 224 pages* Divers articles de presse
    L'escalier de la science est l'échelle de Jacob,il ne s'achève qu'aux pieds de Dieu
    Albert Einstein

  • #2
    Le dernier témoignage de Madame veuve Abane-Dehilès

    "Fier de mon aînée qui était courageuse, audacieuse et battante pour l'Algérie indépendante. Il n'y a pas un jour qui passe, haute de ses 87 ans que ce soit le matin, midi ou soir lorsque je prends le café avec elle, sans qu'elle me raconte un épisode poignant de la guerre d'Algérie. Elle resta enfermée durant 03 mois à taper sur sa machine dactylographe les résolutions du congrès de la Soummam" écrit Ali Dehilès de sa maman Izza Bouzekri, connu sous le nom de Madame veuve Abane Ramdane, devenue après son mariage avec le colonel Sadek, Mme Dehilès Izza. Cette grande dame est décédée aujourd'hui. Ali Dehilès nous a transmis le témoignage laissé par cette résistante de la première heure qui fut la veuve d'Abane Ramdane.


    "Je suis née à La Casbah, au 17, rue Pyramide, en 1928. A l'âge de trois ans j'ai perdu mon père qui gagnait péniblement sa vie. Nous avons déménagé à Notre Dame d'Afrique, rue du Carmel où j'ai fréquenté l'école communale jusqu'à l'obtention du certificat d'études puis j'ai continué à la Chabiba où j'ai été impregnée et sensibilisée à la cause nationale par cheikh Tayeb el Okbi qui a eu une grande influence sur moi. Nous étions pauvres et ma mère, veuve, travaillait. Je l'aidais comme je pouvais. J'avais conscience de l'indigence des indigènes comparés au train de vie des colons. L'injustice était flagrante.

    J'ai commencé à militer en 1947 au sein de l'AFMA (Association des femmes musulmanes algeriennes ) sous l'égide du MTLD et présidée par Mamia Chentouf. J'y ai croisé Nafissa Hamoud, future professeur Laliam. Nous faisions beaucoup de social et nous entrions dans des mariages a La Casbah et à Belcourt pour entonner des chants patriotiques, ce qui nous valait de ressortir avec une petite cagnotte !
    En 1949, atteinte de tuberculose, je suis envoyée à Marseille où j'ai été sauvée in extrémis. Lors de mon séjour au sanatorium d'Annecy qui dura environ 15 mois j'ai été formée a la sténodactylo.

    De retour a Alger, j'ai décidé de m'émanciper en enlevant le hayek au grand désespoir de ma mère ; de parfaire ma formation à l'école Pigier.
    C'est grâce au MTLD que j'ai trouvé un poste de secrétaire chez un avocat : maître Boyer, rue Duc des Cars.
    Dès le déclenchement de la révolution, j'ai cherché à rejoindre le FLN. Nassima Hablal fût la première à y accéder et ce n'est qu'en juillet 1955 que mon voeu se réalisa. Nous avions un voisin qui enseignait l'arabe, Hocine Belmili avec qui je discutais le matin avant d'aller à mon travail. Un jour, il m'a dit : "Tu es sûre de vouloir entrer dans le FLN ?". "Oui", ai-je répondu. "Alors tiens-toi prête demain".

    Le lendemain par une belle journée de juillet, nous avons pris un taxi direction la Glacière à El Harrach. Un homme nous attendait. J'ai tout de suite compris que j'avais affaire à un élément important du FLN. Il m'a d'emblée tutoyer :

    - Tu fais quoi ?
    - Je suis la secrétaire d'un avocat
    - Tu tapes à la machine
    - Oui
    - Tu as des contacts et des refuges sûrs ?
    - Oui
    - Alors tu seras contactée à ton boulot.

    Il a tourné les talons et a disparu.

    Je venais de faire la connaissance avec Abane Ramdane !

    Quinze jours plus tard, j'ai reçu la visite d'Amara Rachid agent de liaison : Abane cherchait un refuge.
    Je lui ai présenté Fatima Zekkal Benosmane qui l'a reçu chaleureusement.
    J'ai profité de mon travail pour taper tous les tracts et autres documents que le FLN m'envoyait, parallèlement à Nassima Hablal jusqu'à son l'arrestation en octobre 1955, arrestation à laquelle j'ai assisté ! J'ai cessé toute activité car j'étais fichée par la police qui me filait matin et soir, tout en continuant mon travail chez l'avocat.

    Quelque temps aprés Abane m'envoie Mohamed Seddik Benyahia pour me demander d'entrer dans la clandestinité. Ce que je fis en m'installant dans la famille Alkama au 20, rue Bastide.

    J'ai eu l'honneur de taper les six premiers numéros d'El Moudjahid ainsi que la plateforme de la Soummam.
    Après la grève des 8 jours, la répression policière a été telle qu'Abane Ramdane a dû fuir Alger pour Tunis en février 1957, me laissant seule avec notre bébé. Ma vie de militante s'est arrêtée net. Je n'ai plus eu de ses nouvelles jusqu'en décembre 1957, date a laquelle je reçois un télégramme : "Rejoins-moi".

    Arrivée à Tunis début janvier 1958, il était trop tard, il venait d'être assassiné mais je l'ignorais et on m'a laissé dans l'ignorance durant 5 longs mois... Je l'ai recherché sans relâche jusqu'au jour où j'ai croisé Slimane Dehiles son ami de toujours, le défenseur de la veuve et l'orphelin.
    Nous avons pleuré Abane ensemble et je l'ai épousé en novembre 1959
    Et depuis, je suis murée dans mon silence !"

    Izza Bouzekri
    Veuve Abane Ramdane
    épouse de Slimane Déhiles dit le colonel Saddek.
    L'escalier de la science est l'échelle de Jacob,il ne s'achève qu'aux pieds de Dieu
    Albert Einstein

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