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Tchétchénie : "On peut être torturé et tué sur la seule base de son homosexualité"

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  • Tchétchénie : "On peut être torturé et tué sur la seule base de son homosexualité"

    Début avril, le journal indépendant russe "Novaïa Gazeta" révélait l'existence d'une purge et de "camps de détention secrets" anti-gays en Tchétchénie. Plus d’une centaine d’hommes soupçonnés d’être homosexuels ou bisexuels seraient détenus et torturés dans des prisons secrètes du pays, non loin de Grozny, la capitale. Le Réseau LGBT russe a été la première association à œuvrer pour exfiltrer les victimes.

    Elle suit actuellement 60 personnes, qui ont été torturées, ou sont connues comme appartenant à la communauté LGBT, ou risquent des représailles pour être de la famille d'une personne LGBT.

    "Crime contre l’humanité"

    L’association a exfiltré une à deux personnes par semaine hors de la Tchétchénie ces derniers mois. Depuis la fin du ramadan, dans ce pays dont la religion dominante est l'islam sunnite, les persécutions ont repris. Igor Kochetkov, président et fondateur du Réseau LGBT russe, qualifie les faits de "crimes de masse et crimes contre l’humanité".

    "Les personnes sont emprisonnées arbitrairement, persécutées, torturées et même parfois tuées sur la seule base de leur orientation sexuelle. Ces violences sont en plus commanditées et exécutées par les autorités tchétchènes", dénonce-t-il fermement.

    Après les révélations du journal, le président tchétchène Ramzan Radyrov avait balayé ces accusations en prétextant qu’il n’y avait pas d'homosexuels en Tchétchénie. Plus inquiétant encore, selon les témoignages sur place, les autorités appellent les familles à "régler ça" elles-mêmes, pour "laver l’honneur par le sang".

    Détentions arbitraires et assassinat

    Actuellement, le Réseau LGBT russe et la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), détiennent la preuve de l’existence de six lieux de détentions arbitraires en Tchétchénie. Dans l’un d’eux, situé près de Grosny, 200 personnes au moins ont été détenues en même temps.

    Sacha Koulaeva, directrice de la FIDH pour l’Asie centrale et l’Europe de l’Est, dire pouvoir également prouver la mort d’un Tchétchène ayant fui en Russie. Il a été retrouvé et assassiné. Invoquant un manque d’impartialité, la Russie n’a toujours pas ouvert d’enquête.

    Du processus d’exfiltration participe également le processus d’accueil. La France est l’un des premiers pays d’Europe à s’être porté volontaire. Mais tout comme la communauté internationale, elle n’était pas prête à répondre à une crise de cette ampleur dans un délai aussi court.

    Difficile de trouver des traducteurs de confiance

    Prise de court, la France doit mettre en place des procédures spéciales pour l’accueil de cette communauté persécutée. Arnaud Gauthier-Fawas travaille pour le réseau Inter-LGBT et souligne la difficulté de prise en charge de ces victimes, notamment pour un suivi des contaminations au VIH, complètement inexistant en Tchétchénie.

    "Il nous faut aussi trouver des praticiens respectueux de leur passé, de leurs souffrances et qui prennent en compte ce vécu dans leur relation au patient. Mais il faut aussi que nous trouvions des traducteurs de confiance, pour être sûr qu’ils ne traduisent pas seulement ce qu’ils veulent", explique-t-il.

    Trouver des traducteurs de confiance au sein de la diaspora tchétchène en France représente en effet une autre difficulté. ,. Avec quelque 68.000 personnes, c'est l'une des plus importantes au monde. Les homosexuels tchétchènes qui arrivent en France peuvent donc y retrouver de la famille. Mais la communauté locale reproduit aussi bien souvent les schémas sociaux du pays d’origine et peut reproduire les mêmes discrimination que dans son pays d'origine. Les homosexuels tchétchènes redoutent donc l’hexagone.

    Le Réseau LGBT russe souhaite que d’autres pays accueillent les exfiltrés, "d’autant plus qu’un seul pays n’a pas les moyens de tous les protéger", ajoute Igor Kochetkov. Dès lors, certains préfèrent se tourner vers le Canada, l’Allemagne, la Lituanie ou le Danemark qui ont, eux aussi, proposé d’ouvrir leurs frontières.

    Un coming-out synonyme de mort dans le Caucase

    La persécution de cette communauté en Tchétchénie n’est pas un cas isolé. Sur les 89 districts existants au sein de la Russie, des violences ont été recensés dans 75. Et 90% des personnes confrontées à cette violence juge impossible de s’adresser à la police. En Russie, les autorités nient le problème. Une loi interdit même de s’exprimer sur l’égalité des personnes d’orientation sexuelle "traditionnelle" et "non traditionnelle". Pour Sacha Koulaeva, faire son coming-out demande beaucoup de courage, car c’est un défi lancé à la société, à sa famille et aux autorités. Nombreux sont ceux qui passent sous silence ce qu’ils sont, se marient et ont des enfants pour se protéger. "Dans le Caucase du Nord, faire son coming-out est bien souvent synonyme de mort", déclare-t-elle.

    Reste à savoir comment la communauté internationale va gérer l’avancée de l’enquête internationale et d'une éventuelle enquête russe - si celle-ci devait être ouverte - pour traduire en justice les auteurs de ces violences et ne pas laisser gagner l’impunité. "Si on ne les juge pas, cette impunité conduira à des représailles", estime Igor Kochetkov. "N’oublions pas que c’est ce qui a déclenché la seconde guerre mondiale", lance-t-il. L’association attend donc que la communauté internationale, mais aussi le gouvernement français mettent la pression sur la Russie pour l’ouverture et le suivi d’une enquête. Sur ce point, Sacha Koulaeva ne pliera pas : "Il ne faut pas laisser la Tchétchénie se complaire dans l’impunité et l’arbitraire".

    l'OBS
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