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Khalil Abou Arafeh, caricaturiste, palestinien et féroce

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  • Khalil Abou Arafeh, caricaturiste, palestinien et féroce

    Khalil Abou Arafeh est caricaturiste et palestinien et il est féroce alors sa plume trempé à l'acide dérange à tel point qu'il est menacé de mort par le Hamas et par le Fatah. C'est tellement plus facile de détruire la vie que de reproduire avec justesse les traits qui blessent.

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    Khalil Abou Arafeh, le plus célèbre caricaturiste palestinien, vit dangereusement. Chaque jour, il trempe sa plume dans l'acide pour la porter dans les plaies palestiniennes. Dans le chaos des Territoires, déchirés par les violences partisanes depuis l'arrivée au pouvoir du Hamas en mars, où les comptes se règlent aux armes automatiques et aux lance-roquettes, l'autocritique, la dérision et l'humour ne sont guère appréciés. Ni par les militants du Hamas ni par ceux du Fatah. Ses dessins, publiés par le quotidien Al Quds, lui ont déjà valu de nombreuses menaces de mort.

    Les ennuis de Khalil Abou Arafeh ont réellement commencé quand il a décidé de concentrer son travail sur les problèmes quotidiens de son peuple, il y a deux ans, après la mort de l'ancien raïs, Yasser Arafat. « J'ai senti alors que les gens ne s'intéressaient plus à mes dessins dénonçant l'occupation israélienne ou la politique des États-Unis, confie-t-il. Ils sont désormais préoccupés par tout ce qui touche à la vie de tous les jours : les salaires, qu'ils ne reçoivent plus depuis des mois, la formation d'un gouvernement d'union nationale, les affrontements entre Hamas et Fatah, ou par la difficulté qu'ils ont à expliquer à leurs enfants qu'ils n'ont plus les moyens de leur acheter des bonbons. »

    Arafeh montre son dessin du jour. Deux barbus du Hamas portent des mallettes frappées du drapeau palestinien. « Pourquoi former un gouvernement d'union, alors que nous pouvons partager les fonds », disent les deux hommes. Le dessinateur fait allusion aux millions de dollars récoltés par le mouvement islamiste dans des pays arabes, qui transitent dans des mallettes par la frontière égyptienne, à Gaza. « Cet argent est utilisé par le Hamas pour financer les activités du parti, non pour faire fonctionner le gouvernement », s'indigne Arafeh.

    La caricature lui vaut un nouvel e-mail de menaces. Mais, résidant dans la partie arabe de Jérusalem annexée par Israël, Arafeh se sent pour l'instant relativement à l'abri des violences qui agitent Gaza et la Cisjordanie. « Je reçois tous les jours une avalanche d'appels téléphoniques très déplaisants venant de responsables politiques qui n'apprécient pas ses dessins, lâche, dans un éclat de rire, le directeur de la rédaction d'Al Quds, Maher al Sheikh. Aujourd'hui, les difficultés internes sont devenues plus importantes que le problème avec Israël, alors nous n'avons pas le choix. Mais nous refusons de publier les dessins trop provocateurs, sauf lorsqu'ils viennent d'Abou Arafeh, parce que son frère est un ministre du Hamas emprisonné et que ça me permet de faire taire mes interlocuteurs. »

    Élevé dans une famille très religieuse de la vieille ville de Jérusalem, Khalil Abou Arafeh est le seul à ne pas militer au Hamas. Partisan de la résistance pacifique, il a suivi des études d'architecture à Kiev, en Ukraine, où il s'est converti au marxisme. Ministre responsable des Affaires de Jérusalem, son frère cadet, Khaled, a été jeté en prison cet été, lors d'un coup de filet israélien contre des députés et ministres du Hamas, après la capture du caporal Gilad Shalit, à la lisière de la bande de Gaza.

    « Mon frère et le reste de ma famille n'apprécient pas mon travail, avoue-t-il. J'ai beaucoup d'amis religieux qui sont en colère contre moi. Ils me disent que mes dessins sont comme des péchés. »

    Arafeh a rendu visite à son frère en prison pour la première fois lors du procès des ministres du Hamas emprisonnés en Israël. Lorsqu'ils l'ont aperçu, les ministres se sont levés dans la salle d'audience pour lui lancer des injures. « Toute la semaine, j'avais fait des dessins pour soutenir la grève des fonctionnaires qui ne touchaient pas leurs salaires, raconte-t-il. Si vous soutenez les gens ordinaires, on vous accuse d'être pro-Fatah. » Il a fait des dessins sur la grève chaque jour pendant près de deux mois. La caricature lui ayant valu le plus d'ennuis durant cette période montre une enseignante gréviste partagée entre ses élèves et ses enfants. « Nous voulons étudier », disent les élèves, alors que ses enfants réclament à manger.

    Son modèle, le célèbre caricaturiste palestinien Naji Salim Ali, très critique vis-à-vis de Yasser Arafat et des régimes arabes, a été assassiné en 1988. La femme de Khalil Abou Arafeh lui a demandé d'arrêter de dessiner. « Elle est inquiète, mais c'est plus fort que moi, concède-t-il. Je dois continuer à faire ces dessins pour mettre un coup de projecteur sur les travers de l'Autorité palestinienne, et de notre société. On peut dire beaucoup de choses avec un dessin que l'on ne peut pas écrire. Les lecteurs sont demandeurs. » Après la mort d'Arafat, Arafeh a senti un tournant dans la société. « Avant, ce n'était pas évident de faire des critiques internes, explique-t-il. Arafat était comme un dieu vivant aux yeux des gens. Et avant que le Hamas ne se lance en politique, il était considéré comme un mouvement de résistance, presque sacré. Ici, on ne peut pas s'en prendre aux choses sacrées. Mais Mahmoud Abbas et ceux qui ont succédé à Arafat au Fatah sont des gens ordinaires, tout comme le Hamas qui est devenu un parti presque comme les autres. Alors, j'ai commencé à critiquer tout le monde, parce que j'ai senti que c'était possible. »

    L'exercice a ses limites. Lorsque l'affaire des caricatures danoises enflamme la rue arabe à partir de l'automne 2005, Abou Arafeh pose sa plume : le sujet est trop sensible. « Si j'avais fait des dessins critiquant les caricaturistes danois, je me serais attaqué à la liberté d'expression à laquelle je suis si profondément attaché et pour laquelle je me bats, déclare-t-il. Si, au contraire, je m'en étais pris à ceux qui attaquent ces caricaturistes, je serais passé pour un allié de l'Occident. Les caricaturistes danois et ceux qui ont publié leurs dessins ont commis une erreur, parce qu'il s'agit d'un sujet extrêmement sensible. Mais je reconnais que toute cette affaire a pris des proportions exagérées dans la rue arabe. »

    Lorsqu'il a débuté sa carrière en 1984, trois ans avant la première Intifada, Arafeh a participé à l'émergence de la révolte palestinienne par ses dessins. « Il fallait être très subtil, se souvient-il. La censure israélienne interdisait tout : on n'avait le droit de représenter ni le drapeau palestinien, ni le»V* de la victoire dont Arafat avait fait son emblème. Alors je cachais des petits»V* partout. » Arafeh a toujours pris soin d'éviter les stéréotypes. « Je suis allergique à l'antisémitisme, prévient-il. Je dessine les Israéliens comme des gens ordinaires, des gens qui nous ressemblent. Sauf qu'ils portent un casque avec une étoile de David lorsqu'il s'agit de soldats de Tsahal. »


    Par le figaro

    La caricature ayant valu le plus d'ennuis à Khalil Abou Arafeh montre une enseignante gréviste partagée entre ses élèves et ses enfants

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