- L’Economiste: Ce symposium risque de déboucher sur une réforme de la CAF. Qu’en est-il?
- Fouzi Lakjaâ: Bien sûr. Pour la CAN, plusieurs questions se posent. Doit-on rester à 16 équipes ou augmenter le nombre pour donner plus de chances à d’autres équipes nationales? Doit-on continuer à l’organiser en décembre alors que tout le monde nous critique à propos de cet agenda. Ce calendrier perturbe le déroulement de la saison, particulièrement pour les joueurs qui évoluent dans des clubs internationaux. Idem pour la fréquence. Faut-il rester à une CAN tous les 2 ans ou tous les 3 ou 4 ans. Quand on parle des interclubs, est-ce qu’on garde le format actuel de la Champions league ou faudra-t-il changer et prendre des références européennes ou américaines qui se basent sur des qualifications au niveau régional.
Et pour répondre d’une manière critique, le symposium passera de la réflexion à l’application. Tout a été fait pour que les recommandations soient adoptées par le comité exécutif et l’assemblée générale de la CAF pour qu’ils entrent en vigueur dès le 27 juillet. Au niveau de cette feuille de route, figureront les mesures concernant l’immédiat, le moyen et le long terme, avec l’adoption des deadlines.
- La CAF a été longtemps associée à la mauvaise gestion. Ce symposium va-t-il aborder ce volet?
- Aujourd’hui, la zone d’ombre au niveau du football africain réside dans les relations avec les sponsors. Les citoyens se posent des questions sur les montants octroyés et les priorités fixées. C’est légitime. La raison pour laquelle un panel est dédié au marketing et au sponsoring. Il faut rendre public et dans les détails ce que la CAF est en train de faire avec les sponsors actuels, en relation avec la Confédération. Des sponsors potentiels attendent de la visibilité avant de se lancer. Des panels en complémentarité expliqueront l’avenir et le sort de cet argent récolté du sponsoring et notamment celui destiné au développement de ce sport.
Aujourd’hui, la divergence en matière de développement et de gouvernance du football se cristallise entre deux thèses. La première, qui a toujours prévalu au sein de la CAF, a favorisé le fonctionnement des compétitions aux dépens du développement. L’autre considère que l’argent du football doit revenir au développement de ce sport. Car, ce sont les véritables actions qui touchent la population et la jeunesse africaines. C’est ce qui permettrait par la suite d’avoir plus de stars africaines dans le football mondial et dans une suite logique, de rehausser le niveau dans le continent.
- Quid de l’organisation de la CAN 2019?
- Le symposium va trancher par rapport au cahier des charges et à l’organisation de la CAN d’une manière générale.
Les conclusions de ce panel vont concerner l’édition 2019. Le Cameroun devait l’organiser dans un ancien format. Les recommandations de ce symposium vont imposer d’autres critères. Le Cameroun sera-t-il capable de remplir le nouveau cahier des charges, nous le saurons dans les prochains jours. En cas de non capacité, l’ouverture à la candidature d’autres pays sera annoncée. Le Maroc sera dans la course.
- Le Maroc pourra-t-il relever les défis liés à cette compétition en si peu de temps?
- La décision découlera de la validation d’un nouveau cahier des charges en fonction des évolutions que connaîtra la Coupe d’Afrique des nations, à savoir l’augmentation du nombre de 16 à 24 équipes nationales et le changement de la date pour passer de décembre à juin. Le prochain pays organisateur aura d’ici juin 2019 pour répondre à l’ensemble des clauses du cahier des charges. L’augmentation du nombre des équipes se traduira par le passage de 4 à 6 villes, soit 6 stades pour accueillir les compétitions, y compris notamment l’infrastructure hospitalière, routière et hôtelière.
Le Maroc n’aura pas à investir un dirham pour cela. Nous avons les 6 stades à Marrakech, Agadir, Casablanca, Rabat, Fès et à Tanger. En 2018, nous aurons également Tétouan. Ce sont des villes qui ont des stades aux normes de la FIFA, avec toutes les infrastructures qui vont avec. Les conditions sont idéales pour organiser une CAN à la hauteur des ambitions de l’Afrique. Le Maroc n’hésitera pas une seconde à répondre favorablement à une doléance de la CAF pour abriter cette CAN. D’ailleurs, en 2015, à cause de l’épidémie Ebola, le management camerounais nous avait privés de l’organisation de cette compétition. En 2019, nous remplacerons le Cameroun pour accueillir la CAN. C’est la revanche de l’histoire.
- Quelles sont les pistes pour mieux «vendre» le spectacle footballistique africain?
- C’est très simple. Le spectacle footballistique obéit aux mêmes règles que tous les autres spectacles. Il faut remplir trois conditions, conjuguées en même temps. Le niveau footballistique technique doit être garanti par des joueurs de haut niveau. Les équipes africaines ont fait beaucoup de progrès. Elles participent avec des joueurs qui sont aujourd’hui des stars dans les clubs européens. Cependant, faire jouer de grandes équipes sur des terrains avec des pelouses dégradées et dans des conditions difficiles, le niveau sera impacté. En plus, la décision de faire jouer la compétition en juin colle parfaitement à cet impératif. Avant, les joueurs qui évoluaient en Europe avaient du mal à quitter leurs clubs le mois de décembre et être absents pendant un mois alors qu’en juin les compétitions européennes ont baissé les rideaux.
La 3e condition a trait à l’effort de marketing et de télévision. Aujourd’hui, la CAF a fait beaucoup de progrès sur ce volet. Nous sommes à des niveaux de ventes des droits de télé très respectés, mais une variable, qui a été pendant longtemps oubliée, sera remise sur la table à partir de ce symposium. En effet, le football est un sport populaire. A ce titre, il ne peut être perçu uniquement sous le prisme mercantiliste. Il faut combiner l’autre approche ayant trait au volet social qui doit prendre en considération les populations pour garder l’engouement des africains pour leur football.
L'Economiste
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