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La salive, outil diagnostique du futur

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  • La salive, outil diagnostique du futur

    Longtemps négligé, ce fluide hydratant pourrait un jour permettre de détecter de nouvelles maladies parmi lesquelles le cancer, l’autisme ou Alzheimer. Des tests sont mis au point

    Crachez ! Voilà ce que pourraient bien nous dire un jour les médecins et les dentistes, tant le fluide incolore et collant qui hydrate notre bouche est bavard. Et en recueillir quelques gouttes serait tout aussi efficace qu'une prise de sang. "In saliva veritas !", ont ainsi assuré de nombreux biochimistes, biologistes et soignants, réunis en mai à Egmond aan Zee aux Pays-Bas lors d'un symposium international qui lui était entièrement consacré.

    Car les études les plus récentes le montrent, la salive se révèle un outil redoutablement efficace pour le diagnostic précoce d'une longue liste de maladies : affections de la gencive (parodontite), caries mais aussi - et c'est plus surprenant - cancers (ORL, pancréas, poumon), maladie d'Alzheimer, infection par le virus Zika et même autisme. "Considérée il y a dix ans comme un déchet, elle est enfin perçue aujourd'hui comme un fluide biologique de grande valeur", résume le Pr Christophe Hirtz, biochimiste à l'université de Montpellier, qui coordonne le programme Salivalz de détection précoce de la maladie d'Alzheimer, faisant appel à la première "banque salivaire" nationale. Et si elle ne possède ni le caractère "dramatique" du sang, la "sincérité" de la sueur ou encore "l'émotion" des larmes - pour reprendre l'expression d'Irwin Mandel, chercheur américain à l'origine des premiers tests détectant le virus du sida -, elle commence à livrer ses secrets.

    Des matériaux génétiques riches en information
    Ce ne sont pas directement les constituants de la salive provenant de la sécrétion active des glandes salivaires (98 % d'eau, sels minéraux, protéines) qui intéressent les chercheurs, mais les bactéries qui s'y trouvent, comme celles de type anaérobie (capables de vivre sans oxygène), signes d'une parodontite ou de caries. Et plus spécifiquement les protéines provenant du sang. Leur présence s'explique par un phénomène dit de diffusion passive permettant de nombreux échanges entre les deux fluides, facilités par la richesse de cette zone du corps en vaisseaux sanguins. "Avec plus de 3000 protéines identifiées à ce jour, la salive apparaît comme une riche mixture", détaille Walter Siqueira, de l'université de Western Ontario (Canada), sans compter qu'elle contient des fragments d'ADN, d'ARN, de micro- ARN… autant de matériaux génétiques riches en informations. Tous ces marqueurs potentiels sont en libre circulation dans la salive ou voyagent dans des microvésicules dites exosomes (20 à 120 nanomètres, 10-9 m).

    Longtemps, il a été impossible de les isoler. Mais la mise au point d’outils perfectionnés d’analyse, comme le spectromètre de masse, permet désormais de les identifier rapidement. Pour le Pr David Wong, de l’université de Californie à Los Angeles (États- Unis), à la tête de l’une des plus importantes bases de données sur la salive, le grand enjeu est désormais la détection du cancer.

    Ce spécialiste, internationalement reconnu, qui reçoit depuis plusieurs années un solide soutien des National Institutes of Health, finalise à l’université du Sichuan (Chine) des tests auprès de patients atteints au poumon. Avec son équipe, il a réussi à montrer que les mutations du gène EGFR, impliqué dans certaines tumeurs, pouvaient être isolées dans la salive. "Avec ce type de biopsie liquide, nous pourrons un jour diagnostiquer plus tôt la plupart des métastases", affirme-t-il, confiant. Déjà, d’autres travaux sont en cours concernant les cancers du pancréas ou de la tête et du cou (langue, lèvres, bouche, pharynx…), ces organes étant anatomiquement proches des glandes salivaires. Exemple avec les recherches de l’Australienne Chamindie Punyadeera, de l’Institut biomédical de Brisbane (Queensland). "Les tumeurs ORL, soit 650 000 nouveaux cas par an dans le monde, sont responsables de 300 000 décès chaque année. Or, 30 % de ces patients font des récidives souvent fatales qu’il nous faut détecter le plus tôt possible pour traiter à nouveau les patients", détaille la scientifique. Elle aussi est parvenue à identifier des cellules tumorales circulantes dans la salive de malades plusieurs mois avant l’apparition des métastases.

    En France, c’est à la maladie d’Alzheimer que s’intéresse plus particulièrement l’équipe de Montpellier à l’origine de la banque de salive. Elle oriente ses recherches vers un variant à haut risque du gène ApoE, nommé Apo E4. "Cette lipoprotéine est considérée comme le facteur de risque le plus important de la maladie d’Alzheimer et pourrait donc servir de biomarqueur", précise le Pr Hirtz. Elle attaque en effet les vaisseaux sanguins qui alimentent le cerveau, indépendamment de la protéine bêta-amyloïde qui, elle aussi, entraîne une détérioration de ces vaisseaux. Quant à l’équipe de Walter Siqueria, elle est parvenue à identifier l’empreinte salivaire de certaines protéines du virus Zika, l’agent de l’épidémie qui sévit depuis plusieurs mois dans différents pays d’Amérique du Sud, responsable de malformations cérébrales graves du foetus quand l’infection survient pendant la grossesse. "La persistance du virus dans la salive, plusieurs mois après la piqûre par les moustiques au lieu de quelques jours dans le sang, va permettre un meilleur diagnostic", commente le médecin. Enfin, d’autres spécialistes prévoient même de diagnostiquer… l’autisme ! Comme cette équipe portugaise de l’hôpital de Viseu qui vient d’obtenir le financement d’un projet mené par son laboratoire SalivaTec, dont l’objectif est d’isoler de potentiels neuropeptides en lien avec la maladie.

    De nouvelles glandes imprimées en 3D
    Enfin, d’autres axes de recherche encore plus futuristes et surprenants ont été présentés aux Pays-Bas. Comme l’impression en 3D des nouvelles glandes salivaires, ou encore l’exploit réalisé par une équipe américaine du MD Anderson Cancer Center, à Houston au Texas, en collaboration avec l’université de Singapour : la production de sphères de cellules fonctionnelles capables de sécréter cette fameuse salive. Une bonne nouvelle pour tous ceux dont les glandes salivaires sont altérées, après un traitement par radiothérapie ou par le syndrome de Goujerot-Sjögren, une maladie auto-immune, qui prive de salive et de larmes. Aujourd’hui condamnés à des substituts artificiels, ils pourront un jour produire à nouveau leur propre salive.

    Sciences et avenir
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