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Un nouveau miracle économique ivoirien?

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  • Un nouveau miracle économique ivoirien?

    Questions à Abou Bamba, associate professor d’Histoire et d’Etudes Africaines à Gettysburg College (Etats-Unis). Il est l’auteur de African Miracle, African Mirage: Transnational Politics and the Paradox of Modernization in Ivory Coast (Ohio University Press, 2016).

    Comment caractériseriez-vous l’économie de la Côte d’Ivoire depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1960 ?

    Certains ont pu parler de « miracle économique ivoirien » ou de « vingt glorieuses » pour les deux décennies qui ont suivi l’Indépendence. Mes travaux actuels demandent à nuancer ces qualifications. Dans mon livre, African Miracle, African Mirage: Transnational Politics and the Paradox of Modernization in Ivory Coast , je montre qu’il faut remonter à l’après deuxième guerre mondiale pour voir l’origine de la croissance soutenue de l’économie ivoirienne. Vue sous cet angle, la période « miracle ivoirien » apparait en fait comme une continuation de l’ère du colonialisme tardif. Puis, il y a eu le temps de la conjoncture et des programmes d’ajustement structurel dans les années 80 et 90. Après un hiatus d’environ deux décades, le pays semble renouer avec la croissance. Depuis la fin de la crise militaro-politique, certains observateurs parlent même d’un « nouveau miracle économique ivoirien ».

    Je pense qu’il faut savoir garder raison. Déjà en 1967, l’économiste Samir Amin avait caractérisé les performances de l’économie ivoirienne en termes de «croissance sans développement.» On pourrait faire une évaluation similaire aujourd’hui. Il est vrai que la Côte d’Ivoire connait une croissance économique élevée depuis quelques années. Mais comme par le passé, cette croissance semble être entretenue par les investissements et prêts étrangers. Le faible taux de bancarisation dont on parle ces derniers temps pourrait être une des causes. Mais il y a plus : l’extraversion systémique de l’économie ivoirienne.

    Par ailleurs, faisant écho à l’ère coloniale, le poids de l’exportation des matières premières agricoles reste prépondérant malgré les tentatives de diversification économique. Plus généralement, les modèles importés de développement restent la norme. Allant au-delà de l’analyse économiste, le sociologue Abdou Touré avait fait un portrait très vif de ce procès en 1981. Je pense que ses conclusions sont toujours instructives.

    En quoi l’histoire du concept de développement nous aide-t-elle à comprendre l’économie du pays ?

    En effet, l’histoire critique du concept de développement permet de mieux comprendre l’économie de la Côte d’Ivoire. Il ne faut pas oublier que c’est au nom d’un certain développement (cf. la fameuse mission civilisatrice) que la colonie avait été soumise à la rigueur du pacte colonial vers la fin du 19eme siècle. Et quand survint la mise en place de l’outillage infrastructurel (routes, chemins de fer, wharfs, stations botaniques, etc.) dans les années 20, c’était toujours au nom du développement. Dans ce cas, on parla de la mise en valeur des colonies. Il est clair que les politiques qui alimentèrent ces programmes étaient non seulement paternalistes, mais elles avaient surtout pour première finalité l’enrichissement des intérêts métropolitains.

    Le concept de développement a eu un renouveau après la Deuxième Guerre Mondiale avec les travaux des théoriciens de la modernisation et ceux de la dépendance. Mes travaux montrent que les théories de la modernisation d’après-guerre ont eu une influence certaine sur les programmes de développement en Côte d’Ivoire et dans le reste de l’empire français. Par pragmatisme, ces programmes s’inspiraient du modèle américain d’accroissement de la productivité sur un fonds de planification élitiste où le développement était conçu en termes linéaire et de retard qu’il fallait rattraper. Par l’entremise du Fonds d’investissement pour le développement économique et social (FIDES), il a été jugé utile d’étendre l’infrastructure économique des territoires d’outre-mer. C’est dans ce cadre que de nouvelles routes furent construites dans les provinces, le chemin de fer reliant Abidjan à Ouagadougou fut réhabilité et la construction du port d’Abidjan fut terminée. Mais la logique qui présidait la mise en œuvre de ces programmes était similaire à celle du pacte colonial. C’était grosso modo une logique qui encourageait la perpétuation de l’extraversion de l’économie du territoire.


    Les autorités postcoloniales ne se sont pas écartées de la vision linéaire et européocentriste du développement telle que conçue par les experts du FIDES. De fait, le premier plan de développement de la Côte d’Ivoire après l’indépendance fait explicitement référence à la théorie rostovienne de la croissance. African Miracle, African Mirage montre aussi que plusieurs experts américains étaient impliqués dans les projets de développement dans la postcolonie ivoirienne. Il est vrai qu’il y a eu des tentatives de révolutions silencieuses dans le domaine de la planification du développement. Par exemple, dans un effort de réorientation du développement en Côte d’Ivoire, les chercheurs en sciences sociales de l’Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (ORSTOM) ont essayé à la fin des années 60 d’introduire le concept de planification à base régionale. Mais la portée de leur action fut éphémère.

    C’est ici peut-être que les travaux des historiens ou économistes d’orientation dépendantiste nous rendent le plus grand service. Car en insistant sur le fait que le sous-développement n’est pas un retard mais plutôt le résultat historique du développement global du capitalisme, ils nous permettent de voir la question du développement non plus en termes de rattrapage, mais plutôt comme effort radical pour changer les formes inégales de l’échange qui relient les pays du nord et les pays du sud. Samir Amin, Laurent Gbagbo et bien d’autres chercheurs ont mobilisé cette approche historico-structuraliste pour rendre compte de l’économie politique du développement en Côte d’Ivoire.

    Quels sont aujourd’hui les principaux partenaires commerciaux du pays ?


    Aujourd’hui comme par le passé, le commerce extérieur de la Côte d’Ivoire est dominé par l’exportation des produits agricoles et l’importation des produits pétroliers, les biens d’équipement et produits pharmaceutiques. Le cacao demeure le premier produit d’exportation, représentant environ 40% de la valeur globale des exportations. Compte tenu de ce poids, le rang des clients du pays est fonction de la destination du cacao. Pas grande chose a changé depuis 1960. En dépit des fluctuations annuelles dans le volume des échanges, les pays de l’Union Européenne restent les premiers clients du pays. En termes d’importation, il y a quelques changements : le Nigeria se présente comme un partenaire crucial qui a devancé la France comme premier fournisseur de la Côte d’Ivoire depuis 2008. La Chine a quant à elle fait une percée spectaculaire dans le domaine des exportations vers le pays, devenant ainsi son 3eme fournisseur étranger.

    En 1962, Jacques Chazelle avait cru voir dans les relations économiques entre ex-colonies et leurs métropoles en déclin, une « tendance au relâchement des communautés issues d’anciennes structures impériales. » L’exemple des relations commerciales franco-ivoiriennes ne semble pas confirmer cette observation. Il est vrai que le poids du Nigeria dans le commerce extérieur de la Côte d’Ivoire a beaucoup progressé, à cause surtout des importations ivoiriennes de pétrole brut. Toutefois la présence française demeure dominante. Non seulement la France a accru sa part du marché ivoirien depuis la fin de la crise militaro-politique, mais elle continue d’enregistrer un excédent commercial vis-à-vis de la Côte d’Ivoire. Un tel constat pourrait apporter un peu d’eau au moulin des partisans de la « seconde indépendance » du pays.libeafrica

  • #2
    depuis la recession de 2011, l'economie ivoirienne croit à un taux de 9% en moyenne.

    2011:-4.4%
    2012:+10.7%
    2013:+9%
    2014:+8.8%
    2015:+9.2%
    2016:+8.8%

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