Ah! Ma Presse....Méditez cette phrase «En collaborant avec Hitler, vous pensiez avoir la paix et l’honneur. Vous aurez la guerre et le déshonneur.» Avec sa verve incomparable Benchicou dit ce qu'il a sur le coeur tant pis si il froisse encore ses confrères.
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On applaudirait presque aux dernières confessions de M. Djiar. A celle-là, par exemple, qui nous montre le régime de Bouteflika renoncer à son arrogance et se résoudre, comme prévu, à reconnaître que l’ère de la télévision unique est révolue : «Il y aura tôt ou tard des radios et des télés privées en Algérie.» Ou à celle-là, plus pathétique : “Le temps du conflit avec la presse doit se terminer et je l’invite désormais, à être aux côtés du pouvoir et pas contre lui.” Rien n’est décidément plus émouvant qu’un pouvoir qui s’aperçoit, avec retard, qu’il se tirait deux balles dans le pied. Et on en viendrait même à se féliciter de ces nouvelles conquêtes si elles en étaient vraiment une, c'est-à-dire si nous avions eu le cran d’être plus nombreux à les revendiquer, parmi les gens des médias. Voilà un motif de plus, me diriez-vous, de froisser de nouveau ceux qui, parmi mes confrères, comme d’ailleurs mes amis blidéens, n’ont pas apprécié les abruptes allégories de ma dernière chronique. Si j’en suis désolé pour les seconds, je le suis beaucoup moins pour les premiers.
Car enfin, la presse algérienne s’assume-t-elle aujourd’hui devant l’opinion et donc devant l’avenir ? Oh oui, j’ai conscience — mais n’est-ce pas le risque minimal à prendre dans un débat crucial ? — d’ajouter mon nom à la liste des innombrables procureurs qui se bousculent aux procès de la presse algérienne. Mais je le fais par devoir. Et, disons-le, un peu parce que mes récentes infortunes m’autorisent aux jugements inamicaux sans que l’on y soupçonne de la mauvaise foi.
C’est que le temps n’est plus aux susceptibilités et les attentes des lecteurs sont si grandes, la soif de vérité si impensable, le dépit devant le déclin national si manifeste, que tout cela devrait nous inviter à étouffer nos orgueils. Au surplus, et à regarder la façon dont elle traite les angoisses de son époque, à se fourvoyer dans des subordinations inqualifiables, à renoncer aux grandeurs dont elle a héritées, notre presse, ma presse oserais-je dire, n’est pas fondée à s’offusquer. Elle devrait, au contraire, méditer avec plus d’humilité les griefs qu’on lui adresse, pas ceux des commis du pouvoir sans doute, mais ceux des lecteurs désappointés ou ceux que lui signifient, avec beaucoup de talent et d’amitié, des hommes de plume comme Boualem Sansal ou Yasmina Khadra. Si notre presse s’émerveille aujourd’hui de ce que Bouteflika l’invite à une armistice, c’est parce qu’elle se mésestime. Elle s’est oubliée dans les passions lubriques et dérisoires de l’argent et des connivences. Elle a renoncé à son identité. A ses racines. Et donc à sa seule source de puissance.
Car, qu’est-ce qu’une presse libre sinon une plume trempée dans le brasier de son peuple pour devenir cette torche incandescente dont l’écriture est de feu, les verbes des éclairs, les mots des étincelles et les vérités des brûlures ? S’il y a un secret de jouvence de la presse libre algérienne, c’est bien celui-là. On ne comprendrait pas autrement que du FIS au GIA, on ait tant entrepris pour éteindre cette plume avec le souffle de la mort pour abdiquer ensuite devant son immortalité. Tant entrepris pour l’éteindre avec le vent de l’exil pour, au final, trébucher sur ses racines.
On ne comprendrait pas, messieurs, qu’après avoir tant essayé de l’éteindre par l’obscurité des prisons, le président Bouteflika en vienne aujourd’hui, à l’inviter d’être «à ses côtés». Se réjouir de cette invitation à collaborer serait, pour la presse algérienne, se duper, trahir et se mépriser. Elle croirait devoir sa survie aux puissants alors qu’elle l’a imposée par son histoire. Si le pouvoir est conduit à négocier une trêve, c’est parce qu’il a perdu la bataille de trois ans qu’il a menée contre la presse.
Aussi est-il l’heure d’enraciner la presse libre dans le pays plutôt que de marchander avec le régime un strapontin dans son estime. Une presse libre ne doit pas craindre de déplaire aux gouvernements : tel est son privilège.
Elle doit savoir lutter contre ce pédantisme illusoire de vouloir accompagner un pouvoir dans ses réformes, alors qu’elle n’en serait, au final, que le supplétif émasculé. C’est vrai que l’illusion est tellement puissante et si fortement entretenue par des appareils de propagande officiels rompus à l’art de la subornation qu’on en vient à y succomber très vite.
Je l’ai vérifié au dernier forum organisé à Alger par la Fédération internationale des journalistes, une rencontre dont on se plaisait à signaler, sans que cela ne choquât personne, qu’elle était «rehaussée » par la présence du ministre de la Communication et du directeur générale de la télévision algérienne. Qu’avaient donc à faire un membre d’un gouvernement liberticide et un personnage symbolisant la censure dans un forum qui traitait de liberté de presse ?
Il était clair que la rencontre devait servir, à l’insu sans doute de la FIJ, de tribune au gouvernement algérien pour faire passer sa nouvelle image. C’est pourquoi je me suis abstenu d’y prendre part.
Outre l’affront de me faire asseoir avec les représentants de mes bourreaux, on m’obligeait à m’associer à leur subterfuge !
Cela me rappelle ces rencontres surréalistes où l’on parlait de justice indépendante avec Djamel Aïdouni, c’est-à-dire avec l’homme qui s’est prêté aux plus grosses machinations judiciaires au profit du régime, et qui, entre autres, a ficelé le dossier qui devait me jeter en prison.
Bref, il est temps pour la presse, du moins pour celle qui se prétend libre, de renouer avec son identité, de croire de nouveau en elle-même en replongeant dans ses obligations filiales envers son peuple et, surtout, de s’interdire ces pulsions cocardières qui font de certains de nos journalistes de grotesques avocats du pouvoir. Nous ne sommes pas les porte-parole officieux du pouvoir !
M. Bouteflika est assez grand pour se défendre, tout seul, comme un grand, devant les accusations portées contre lui par Moumen Khalifa sans que des chevaliers éditorialistes, qui se croient investis de prérogatives rédemptrices, ne se portent à son secours.
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On applaudirait presque aux dernières confessions de M. Djiar. A celle-là, par exemple, qui nous montre le régime de Bouteflika renoncer à son arrogance et se résoudre, comme prévu, à reconnaître que l’ère de la télévision unique est révolue : «Il y aura tôt ou tard des radios et des télés privées en Algérie.» Ou à celle-là, plus pathétique : “Le temps du conflit avec la presse doit se terminer et je l’invite désormais, à être aux côtés du pouvoir et pas contre lui.” Rien n’est décidément plus émouvant qu’un pouvoir qui s’aperçoit, avec retard, qu’il se tirait deux balles dans le pied. Et on en viendrait même à se féliciter de ces nouvelles conquêtes si elles en étaient vraiment une, c'est-à-dire si nous avions eu le cran d’être plus nombreux à les revendiquer, parmi les gens des médias. Voilà un motif de plus, me diriez-vous, de froisser de nouveau ceux qui, parmi mes confrères, comme d’ailleurs mes amis blidéens, n’ont pas apprécié les abruptes allégories de ma dernière chronique. Si j’en suis désolé pour les seconds, je le suis beaucoup moins pour les premiers.
Car enfin, la presse algérienne s’assume-t-elle aujourd’hui devant l’opinion et donc devant l’avenir ? Oh oui, j’ai conscience — mais n’est-ce pas le risque minimal à prendre dans un débat crucial ? — d’ajouter mon nom à la liste des innombrables procureurs qui se bousculent aux procès de la presse algérienne. Mais je le fais par devoir. Et, disons-le, un peu parce que mes récentes infortunes m’autorisent aux jugements inamicaux sans que l’on y soupçonne de la mauvaise foi.
C’est que le temps n’est plus aux susceptibilités et les attentes des lecteurs sont si grandes, la soif de vérité si impensable, le dépit devant le déclin national si manifeste, que tout cela devrait nous inviter à étouffer nos orgueils. Au surplus, et à regarder la façon dont elle traite les angoisses de son époque, à se fourvoyer dans des subordinations inqualifiables, à renoncer aux grandeurs dont elle a héritées, notre presse, ma presse oserais-je dire, n’est pas fondée à s’offusquer. Elle devrait, au contraire, méditer avec plus d’humilité les griefs qu’on lui adresse, pas ceux des commis du pouvoir sans doute, mais ceux des lecteurs désappointés ou ceux que lui signifient, avec beaucoup de talent et d’amitié, des hommes de plume comme Boualem Sansal ou Yasmina Khadra. Si notre presse s’émerveille aujourd’hui de ce que Bouteflika l’invite à une armistice, c’est parce qu’elle se mésestime. Elle s’est oubliée dans les passions lubriques et dérisoires de l’argent et des connivences. Elle a renoncé à son identité. A ses racines. Et donc à sa seule source de puissance.
Car, qu’est-ce qu’une presse libre sinon une plume trempée dans le brasier de son peuple pour devenir cette torche incandescente dont l’écriture est de feu, les verbes des éclairs, les mots des étincelles et les vérités des brûlures ? S’il y a un secret de jouvence de la presse libre algérienne, c’est bien celui-là. On ne comprendrait pas autrement que du FIS au GIA, on ait tant entrepris pour éteindre cette plume avec le souffle de la mort pour abdiquer ensuite devant son immortalité. Tant entrepris pour l’éteindre avec le vent de l’exil pour, au final, trébucher sur ses racines.
On ne comprendrait pas, messieurs, qu’après avoir tant essayé de l’éteindre par l’obscurité des prisons, le président Bouteflika en vienne aujourd’hui, à l’inviter d’être «à ses côtés». Se réjouir de cette invitation à collaborer serait, pour la presse algérienne, se duper, trahir et se mépriser. Elle croirait devoir sa survie aux puissants alors qu’elle l’a imposée par son histoire. Si le pouvoir est conduit à négocier une trêve, c’est parce qu’il a perdu la bataille de trois ans qu’il a menée contre la presse.
Aussi est-il l’heure d’enraciner la presse libre dans le pays plutôt que de marchander avec le régime un strapontin dans son estime. Une presse libre ne doit pas craindre de déplaire aux gouvernements : tel est son privilège.
Elle doit savoir lutter contre ce pédantisme illusoire de vouloir accompagner un pouvoir dans ses réformes, alors qu’elle n’en serait, au final, que le supplétif émasculé. C’est vrai que l’illusion est tellement puissante et si fortement entretenue par des appareils de propagande officiels rompus à l’art de la subornation qu’on en vient à y succomber très vite.
Je l’ai vérifié au dernier forum organisé à Alger par la Fédération internationale des journalistes, une rencontre dont on se plaisait à signaler, sans que cela ne choquât personne, qu’elle était «rehaussée » par la présence du ministre de la Communication et du directeur générale de la télévision algérienne. Qu’avaient donc à faire un membre d’un gouvernement liberticide et un personnage symbolisant la censure dans un forum qui traitait de liberté de presse ?
Il était clair que la rencontre devait servir, à l’insu sans doute de la FIJ, de tribune au gouvernement algérien pour faire passer sa nouvelle image. C’est pourquoi je me suis abstenu d’y prendre part.
Outre l’affront de me faire asseoir avec les représentants de mes bourreaux, on m’obligeait à m’associer à leur subterfuge !
Cela me rappelle ces rencontres surréalistes où l’on parlait de justice indépendante avec Djamel Aïdouni, c’est-à-dire avec l’homme qui s’est prêté aux plus grosses machinations judiciaires au profit du régime, et qui, entre autres, a ficelé le dossier qui devait me jeter en prison.
Bref, il est temps pour la presse, du moins pour celle qui se prétend libre, de renouer avec son identité, de croire de nouveau en elle-même en replongeant dans ses obligations filiales envers son peuple et, surtout, de s’interdire ces pulsions cocardières qui font de certains de nos journalistes de grotesques avocats du pouvoir. Nous ne sommes pas les porte-parole officieux du pouvoir !
M. Bouteflika est assez grand pour se défendre, tout seul, comme un grand, devant les accusations portées contre lui par Moumen Khalifa sans que des chevaliers éditorialistes, qui se croient investis de prérogatives rédemptrices, ne se portent à son secours.
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