CHRONIQUE. Du discours sans concession de Mohammed VI à la volonté d'Alger de s'en sortir sans aide extérieure, en passant par l'évocation des "comptes publics catastrophiques" par Tunis... Explication.
Nier, assumer, accuser. C'est autour de ces trois mots que pourrait se construire la manière dont les trois pays du Maghreb appréhendent les difficultés, voire la crise économique. Étonnante concordance des temps entre Alger, Rabat et Tunis. Vendredi, au Bardo, le ministre des Finances par intérim Fadhel Abdelkefi douchait sans ambages la démagogie de certains députés en expliquant que « la situation de l'économie tunisienne est catastrophique ». Les élus devaient ratifier le projet de loi concernant un prêt de 500 millions de dollars entre l'UE et la Tunisie. Dans l'hémicycle, on évoquait la mise en vente du pays, une mise sous tutelle par le FMI et autres diables issus des accords de Bretton Woods, on susurrait une nouvelle forme de colonialisme, bref, on ressortait les arguties des années 70. Dans une froide colère, Abdelkefi a alors expliqué qu'avec ce prêt, rien ne serait bâti, rien ne serait investi, seuls les salaires des fonctionnaires seraient garantis. Pendant ce temps, autre musique à Alger.
Alger : « hors de question de recourir à l'endettement extérieur »
Dépendante à près de 90 % de ses recettes en hydrocarbures, l'Algérie paie comptant la chute des prix du pétrole. Les difficultés budgétaires explosent alors que les recettes plongent. Droit dans ses mocassins, le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune a déclaré dimanche : « Il est hors de question de recourir à l'endettement extérieur, et nous ne voulons même pas y penser. » « Nous refusons d'hypothéquer notre souveraineté, quelle que soit la situation, et ce sont là les instructions du président de la République », a-t-il ajouté. C'est dit et claironné : l'Algérie n'empruntera pas sur les marchés financiers. Et d'expliquer que l'investissement public (un tiers du PIB) baissera et que « seule l'entreprise peut réellement créer de la richesse ». Un aveu qui en dit long, mezza voce, sur la situation financière de l'État.
Au Maroc, le roi blâme la « passivité et la procrastination »
Le discours donné par Mohammed VI à l'occasion de la fête du Trône est l'équivalent de celui de l'état de l'Union aux États-Unis. Un bilan annuel qui permet de comprendre la sensibilité politique du dirigeant à un instant donné. L'humeur n'était guère à la flatterie. Partis politiques et administration se sont pris une torgnole verbale. « Nous vivons aujourd'hui un paradoxe irrécusable, mais difficile à admettre. En effet, d'une part le Maroc jouit d'une grande crédibilité à l'échelle continentale et internationale et bénéficie de l'estime de nos partenaires, de la confiance de grands investisseurs comme Boeing, Renault et Peugeot. Et pourtant, d'autre part, nous constatons avec contrariété que, dans certains secteurs sociaux, le bilan et la réalité des réalisations sont en deçà des attentes. N'a-t-on pas honte de signaler que ces résultats sont le fait du Maroc d'aujourd'hui ? » Et de dresser le portrait d'un des responsables de cette situation : les fonctionnaires qui « pour la plupart d'entre eux manquent de compétences et d'ambition », « pratiquent l'absentéisme », « ne manifestant aucune ardeur au travail et ne nourrissent aucune ambition professionnelle ». Façon puzzle…
Trois pays, trois discours de la méthode
Face à des situations économiques et sociales tendues voire abrasives, ces trois nations réagissent différemment. La Tunisie démocratique se retrouve « dos au mur », selon l'expression du président Essebsi, qui le dit abruptement. Une façon de préparer les esprits à des décisions drastiques pour 2018 ? Le pays est appuyé par l'Union européenne, la France, le FMI, la Banque mondiale & Co. Un choix politique afin que l'unique espoir de démocratie au sein du monde arabe survive aux situations sociales parfois dramatiques. À Alger, campé sur sa souveraineté, on pratique le déni économique. À ne pas avoir développé l'économie alors que la rente pétrolière tombait dru sur le pays, le pouvoir se retrouve démuni face à un baril de pétrole qui n'est pas près de retrouver les cimes d'antan. Au Maroc, après la fronde du Rif, Mohammed VI a dit sans langue de bois que des régions entières manquaient de tout. Et que malgré l'aura médiatique qui entoure le pays, le hub de l'Afrique, de très nombreux citoyens ne voient pas au quotidien les dividendes de ce miracle économique. Trois pays, trois façons de faire. Assumer, nier ou accuser.
le Point fr
Nier, assumer, accuser. C'est autour de ces trois mots que pourrait se construire la manière dont les trois pays du Maghreb appréhendent les difficultés, voire la crise économique. Étonnante concordance des temps entre Alger, Rabat et Tunis. Vendredi, au Bardo, le ministre des Finances par intérim Fadhel Abdelkefi douchait sans ambages la démagogie de certains députés en expliquant que « la situation de l'économie tunisienne est catastrophique ». Les élus devaient ratifier le projet de loi concernant un prêt de 500 millions de dollars entre l'UE et la Tunisie. Dans l'hémicycle, on évoquait la mise en vente du pays, une mise sous tutelle par le FMI et autres diables issus des accords de Bretton Woods, on susurrait une nouvelle forme de colonialisme, bref, on ressortait les arguties des années 70. Dans une froide colère, Abdelkefi a alors expliqué qu'avec ce prêt, rien ne serait bâti, rien ne serait investi, seuls les salaires des fonctionnaires seraient garantis. Pendant ce temps, autre musique à Alger.
Alger : « hors de question de recourir à l'endettement extérieur »
Dépendante à près de 90 % de ses recettes en hydrocarbures, l'Algérie paie comptant la chute des prix du pétrole. Les difficultés budgétaires explosent alors que les recettes plongent. Droit dans ses mocassins, le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune a déclaré dimanche : « Il est hors de question de recourir à l'endettement extérieur, et nous ne voulons même pas y penser. » « Nous refusons d'hypothéquer notre souveraineté, quelle que soit la situation, et ce sont là les instructions du président de la République », a-t-il ajouté. C'est dit et claironné : l'Algérie n'empruntera pas sur les marchés financiers. Et d'expliquer que l'investissement public (un tiers du PIB) baissera et que « seule l'entreprise peut réellement créer de la richesse ». Un aveu qui en dit long, mezza voce, sur la situation financière de l'État.
Au Maroc, le roi blâme la « passivité et la procrastination »
Le discours donné par Mohammed VI à l'occasion de la fête du Trône est l'équivalent de celui de l'état de l'Union aux États-Unis. Un bilan annuel qui permet de comprendre la sensibilité politique du dirigeant à un instant donné. L'humeur n'était guère à la flatterie. Partis politiques et administration se sont pris une torgnole verbale. « Nous vivons aujourd'hui un paradoxe irrécusable, mais difficile à admettre. En effet, d'une part le Maroc jouit d'une grande crédibilité à l'échelle continentale et internationale et bénéficie de l'estime de nos partenaires, de la confiance de grands investisseurs comme Boeing, Renault et Peugeot. Et pourtant, d'autre part, nous constatons avec contrariété que, dans certains secteurs sociaux, le bilan et la réalité des réalisations sont en deçà des attentes. N'a-t-on pas honte de signaler que ces résultats sont le fait du Maroc d'aujourd'hui ? » Et de dresser le portrait d'un des responsables de cette situation : les fonctionnaires qui « pour la plupart d'entre eux manquent de compétences et d'ambition », « pratiquent l'absentéisme », « ne manifestant aucune ardeur au travail et ne nourrissent aucune ambition professionnelle ». Façon puzzle…
Trois pays, trois discours de la méthode
Face à des situations économiques et sociales tendues voire abrasives, ces trois nations réagissent différemment. La Tunisie démocratique se retrouve « dos au mur », selon l'expression du président Essebsi, qui le dit abruptement. Une façon de préparer les esprits à des décisions drastiques pour 2018 ? Le pays est appuyé par l'Union européenne, la France, le FMI, la Banque mondiale & Co. Un choix politique afin que l'unique espoir de démocratie au sein du monde arabe survive aux situations sociales parfois dramatiques. À Alger, campé sur sa souveraineté, on pratique le déni économique. À ne pas avoir développé l'économie alors que la rente pétrolière tombait dru sur le pays, le pouvoir se retrouve démuni face à un baril de pétrole qui n'est pas près de retrouver les cimes d'antan. Au Maroc, après la fronde du Rif, Mohammed VI a dit sans langue de bois que des régions entières manquaient de tout. Et que malgré l'aura médiatique qui entoure le pays, le hub de l'Afrique, de très nombreux citoyens ne voient pas au quotidien les dividendes de ce miracle économique. Trois pays, trois façons de faire. Assumer, nier ou accuser.
le Point fr
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