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Les Talibans progressent en Afghanistan et nous allons répéter les mêmes erreurs

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  • Les Talibans progressent en Afghanistan et nous allons répéter les mêmes erreurs

    L'Europe ne doit pas avoir la mémoire courte. Elle doit prendre à bras le corps le risque que fait à nouveau courir l'Afghanistan.

    Depuis quelques mois, tous les signaux sont au rouge: l'Afghanistan risque de tomber dans une guerre fratricide comme elle en a connue en 92 avant que les talibans ne prennent le pouvoir.

    Rappelons-nous: lorsque les Russes furent chassés d'Afghanistan, l'alliance qui avait été créée pour mener contre eux le djihad vola en éclats: Gulbuddin Hekmatyar, et ses troupes du Hezb Islami, proches du Pakistan - et plus précisément de l'ISI, son puissant service secret - se retournèrent contre le commandant Massoud, alors ministre de la Défense du gouvernement Rabbani, et dirigeant de la Jamiat Islamiya.

    Une terrible guerre civile s'ensuivit. Elle pava la voie à la prise de Kaboul par les talibans, puis leur contrôle de tout l'Afghanistan, à l'exception de la vallée du Panjshir d'où Massoud et son armée organisèrent la résistance. La communauté internationale lassée par cette guerre civile vit d'un bon œil la prise de pouvoir des talibans parce qu'ils rétablirent l'ordre dans le pays tout en donnant des gages à l'allié pakistanais.

    Les défenseurs des droits de l'homme révélèrent rapidement que l'ordre taliban était en réalité un régime d'oppression et d'obscurantisme. Les femmes étaient cloîtrées et n'avaient pas droit à la santé ni à l'éducation. Les taliban exportèrent le terrorisme en aidant Ben Laden et Al Qaida à s'installer dans les montagnes afghanes. Après le 11 septembre, la Communauté Internationale intervint militairement et chassa les talibans du pouvoir.

    Il ne faudrait pas que l'histoire recommence....

    Vingt ans plus tard, alors que la communauté Internationale a déversé sur le pays des millions de dollars d'aide dans tous les domaines: éducation, santé, renforcement des institutions, formation de l'armée, alors que les femmes sont maintenant libres de prendre des responsabilités, de se présenter aux élections, que les universités sont pleines de jeunes qui n'aspirent qu'à trouver un travail et rejoindre la modernité, il ne faudrait pas que les fantômes du passé réapparaissent.

    Le gouvernement d'Union nationale réunissant le président Ashraf Ghani et le Premier ministre Abdullah Abdullah n'a plus la confiance des Afghans. Il ne parvient pas à enrayer la dégradation de la sécurité. Ce gouvernement a été mis en place par les Américains à la suite d'une contestation des résultats de l'élection présidentielle que le docteur Abdullah Abdullah avait sans doute gagnée. Il accepta néanmoins le poste de Premier ministre bien que cette fonction ne soit pas prévue par la Constitution afghane.

    L'hostilité entre les deux hommes contribue à aiguiser les tensions entre les Pachtounes et les ethnies minoritaires, Hazaras, Tadjiks et Ouzbeks. Les élections parlementaires n'ont pu avoir lieu. La Loya Jirga qui devait amender la Constitution pour créer la fonction de Premier ministre ne s'est jamais réunie. Le pays plonge dans l'instabilité .

    Ashraf Ghani est accusé de privilégier les Pachtounes. Il a fait rentrer à Kaboul Gulbuddin Hekmatyar et ses hommes, encore récemment sur la liste terroriste des Américains. Sans doute est-ce sous la pression pakistanaise... Du coup les conflits ethniques se rallument, poussant les minorités hazara, tadjiks, ouzbeks à s'entendre dans une nouvelle alliance, scellée récemment à Ankara, "pour la sauvegarde de l'Afghanistan".

    Le rythme des attentats a repris de façon dramatique causant la mort de 5.000 personnes en quelques mois. Actuellement 40% du territoire afghan se trouve à nouveau aux mains des talibans. Et à nouveau le climat d'insécurité impatiente la communauté internationale et fait dire à certains que, décidément, les Afghans ne peuvent s'entendre et que la seule voie possible est la négociation avec les talibans... Mais des négociations ont été menées depuis quinze ans sous les auspices du Qatar, avec l'acquiescement de la communauté internationale. Elles n'ont abouti qu'à une recrudescence de la violence.

    Depuis le retour à Kaboul d'Hekmatyar, les Afghans craignent qu'Asraf Ghani joue double jeu avec les talibans. Ainsi 5 000 policiers de Kaboul d'origine hazara et tadjik ont été envoyés en province et remplacés par des policiers pachtounes. Les observateurs redoutent qu'ils ne préparent une seconde prise de Kaboul par les talibans qui seront alors décrits comme des «modérés».

    Dans les provinces du Nord, L'armée afghane est discrètement encouragée à ne pas se mettre en travers de la route des talibans, afin d'éliminer les fidèles de Mohammad Nur Ustad Atta et d'Abdul Rachi Dostom, présentés comme des seigneurs de la guerre encombrants.

    L'alliance "pour la sauvegarde de l'Afghanistan" créée à Ankara entre le parti tadjik, Jamiat Islamya, de Saladuddin Rabbani, le parti hazara, Whaddat, de Mohhamad Mohaqeq, le parti ouzbek, Jombesh, d'Abdul Rachid Dostom est bâtie selon le principe de l'ancienne Alliance du Nord commandée naguère par Massoud. Le savoir-faire, l'expérience et la détermination de combattre les talibans de ces hommes en font des acteurs incontournables de l'avenir de l'Afghanistan, même si par ailleurs on peut espérer l'émergence de nouvelles générations de responsables politiques dans le pays.

    Un incident récent montre que la situation est en train de se durcir: Abdul Rachid Dostom n'a pas été autorisé à atterrir à l'aéroport de Mazar e Sharif, pourtant encore en partie sous contrôle allemand.

    Disons-le clairement: le contrôle de Kaboul par les hommes d'Hekmatyar ferait à nouveau le lit des talibans et d'El Qaida. Les combattants de l'Etat islamique arrivant de Syrie et d'Irak transformeraient l'ensemble du pays en un immense Waziristan. Des milliers d'Afghans fuiront le pays et chercheront à se réfugier en Europe... Ils offriront un moyen de pression sur l'Europe à la Turquie et à l'Iran. L'Union Européenne doit prendre cette situation très au sérieux ..

    Les Etats-Unis de Donald Trump hésitent entre le retrait total ou le maintien de troupes dans un pays riche en ressources minières. Les Russes ne recommenceront pas une guerre sur le sol afghan. Ils fermeront leurs frontières, comme le fait déjà le Tadjikistan.

    Ahmad Shah Massoud était venu au Parlement européen en février 2001 à l'invitation de sa présidente, Nicole Fontaine, quelques mois avant son assassinat par Al Qaida pour alerter la communauté internationale de l'imminence des attaques sur l'Occident.

    L'Europe ne doit pas avoir la mémoire courte. Elle doit prendre à bras le corps le risque que fait à nouveau courir l'Afghanistan.


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