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Agroécologie : Torba, nature protégée et «bio» dans les plats Spécial

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  • Agroécologie : Torba, nature protégée et «bio» dans les plats Spécial

    C’est sous un soleil de plomb que Karim Rahal, président de l’association Torba, nous accueille à Djenane Salim, à l’ouest de la capitale entre Ouled Fayet et Bouchaoui, où l’agroécologie semble prendre du plaisir à se réconcilier avec la terre grâce à tout ce beau monde, venu replonger dans le rêve d’une alimentation sans produits chimiques.


    Dans ce verger partiellement traversé de sapins et d’eucalyptus, un grand espace est dégagé pour servir l’association dans sa marche vers l’agriculture bio. Cette « culture respectueuse de la terre nourricière, de l’environnement, en général, et de la santé humaine », comme le résume
    Karim Rahal.

    Le collectif Torba (terre fertile) rassemble des adhérents issus de divers horizons autour du slogan « Cultivons notre santé ». Il sont médecins, vétérinaires, architectes, dentistes, traducteurs, artistes et autres retraités à venir à Djenane Salim semer les graines de leur passion pour le bio.
    Vétérinaire de formation, le président de l’association raconte que son engagement actif pour l’agroécologie s’était manifesté en 2013, lorsqu’il avait des enseignements dans cette trajectoire à l’occasion de l’exposition « Manger bio en Algérie, entre tradition et modernité », à Mostaganem, par la Fondation méditerranéenne de développement durable. « Nous avions traité de sujets qui avaient une relation avec nos habitudes alimentaires, et de la place du bio dans notre vie, à travers la mise en valeur de produits du terroir », souligne notre interlocuteur, avant de s’arrêter sur cet atelier dédié au compostage qui l’avait grandement « marqué » et dont il s’était inspiré pour une initiative d’abord personnelle, avant qu’elle ne soit partagée avec d’autres personnes.

    De la théorie à la pratique

    « En rentrant chez moi, j’ai mis en place un système de tri et de compostage de déchet ménagers. Une fois les déchets compostés, ils se transforment en engrais naturel qui sert à nourrir la terre et ensuite nourrir les plantes. L’opération n’étant pas compliquée, j’ai décidé de partager mon expérience avec mon voisinage et de l’inciter à faire de même », explique M. Rahal. Avant d’ajouter que son opération compostage ne s’était pas arrêtée au stade du partage et qu’elle s’était prolongée à travers des séances de formation organisées au niveau de la cité, où il réside, puis via les réseaux sociaux. « La création de Torba est d’ailleurs une initiative de gens qui ont suivi la formation à travers Facebook », lance-t-il fièrement.
    A sa création, cette association a pu bénéficier d’un terrain cultivable appartenant à l’un de ses membres fondateurs. « Nous avons commencé par y travailler la permaculture, en faisant intervenir des agronomes qualifiés dans l’agrobiologique et la permaculture qui dispensaient aux adhérents des notions théoriques. On utilisait alors ces notions pour développer notre propre méthode en les adaptant au contexte local », déclare encore M. Rahal, non sans se réjouir, qu’aujourd’hui, « les jardiniers de Torba sont devenus eux-mêmes formateurs. » Ils enseignent les techniques de la permaculture, définie par notre militant comme étant « une agriculture semi-sauvage de petite taille qui se fait généralement autour des villes et qui cherche à ressembler le plus possible à la nature telle qu’elle a toujours existé ».
    Outre la formation des professionnels et du public à la permaculture, Torba organise des classes découvertes pour les écoliers ainsi que des événements à caractère culturel éco-touristique et gastronomique, comme les journées portes ouvertes. «Toutes les occasions sont bonnes pour sensibiliser le public sur l’agroécologie et promouvoir les produits de nos terroirs», poursuit le président de Torba. Mieux encore, à Djenane Salim, le collectif a instauré le concept de jardins partagés pour impliquer les consommateurs dans le processus de production et de la distribution des aliments bio.

    Cultiver ses propres légumes

    Une idée innovante qui permet à chaque adhérent de venir chaque semaine, avec ses enfants, souscrire à une petite parcelle de terre, selon ses moyens et sa disponibilité, et de cultiver ses propres légumes. Les adhérents peuvent utiliser la même surface pour 4 ou 5 espèces différentes de plants. L’ambiance est ici chaleureuse et conviviale, agrémentée par des activités ludiques, participatives, récréatives et parfois même festives.
    La récupération et le recyclage font également partie des activités de Torba à travers, entre autres astuces, la transformation de bouteilles d’eau en plastique en miniserres, ou encore, des gobelets en plastique en minipots de fleurs.

    L’Amap à la rescousse

    « Notre objectif est de former des formateurs pour pouvoir reproduire notre expérience à travers tout le territoire national », explique M. Rahal. Il fait remarquer, qu’aujourd’hui, « Torba est devenue une association reconnue pour son engagement au profit de la culture paysanne ». Dans ce sens, le collectif a créé l’Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), dont le but consiste à prendre un abonnement avec un agriculteur pour recevoir chaque semaine un couffin de fruits et de légumes. « Tout le monde est gagnant car on élimine les intermédiaires, et, souvent les Amap proposent du bio. »
    « De cette manière, on encourage ces paysans à produire leur propre semence, à travers des formules naturelles, et à abandonner la piste de la semence chimique », explique-t-il.
    L’association est en quête permanente de paysans qui optent pour le bio. Ces derniers se font de plus en plus rares, et il devient difficile de les rencontrer même dans la campagne, où la semence chimique « fait des ravages », s’alarme le président de Torba. L’Etat algérien « n’a d’autre souci que d’assurer la sécurité alimentaire aux citoyens en recourant souvent à l’agriculture chimique », regrette-t-il.

    Pour une « culture sans produits chimiques »

    « L’Algérien lambda est de plus en plus conscient par rapport aux séquelles des produits chimiques, tels que les pesticides, insecticides qui, après s’être débarrassé des insectes, s’attaquent irrémédiablement à la terre et à sa fertilité », note, dans le même souci, un adhérent de Torba.
    Le chemin de l’agroécologie est encore très long et le travail dans cet objectif sera plus long, reconnaît-on néanmoins au sein de l’association. « Il est très difficile d’abandonner les systèmes d’agriculture utilisés aujourd’hui et de renouer avec les pratiques d’autrefois », estime un adhérent Torba. « Ce qui ne nous empêche pas pour autant de commencer par sensibiliser des agriculteurs sur un danger dont ils ignorent presque tout par absence de communication », renchérit un autre adhérent. Avant d’espérer voir les pouvoirs publics œuvrer au profit d’une « culture sans produits chimiques » en prenant pour exemple le Grand-Sud.

    par Meriem Kaci-reporters.dz

    Une association dans les champs
    Écrit par Reporters

    Torba, née en 2013, connaît les hauts et les bas de toute association. Mais la motivation est là et le développement continue.

    Quand le collectif Torba tient une de ses réunions ordinaires, c’est sur un monticule en bordure d’une mare. Et il faut élever la voix pour contrer le vent qui balaye les branches de caroubier et agite les eucalyptus voisins. L’association champêtre, qui a installé ses petits périmètres colorés sur un champ à Ouled Fayet (Djenane Salim), fait le point de ses activités. Au menu ce jour-là : la relance des chantiers collectifs, après une phase de désorganisation, où chacun a eu visiblement tendance à se replier sur sa parcelle.
    Rubrique par rubrique, les actions sont détaillées et l’on est prié de lever le doigt pour intervenir ! Fabrique du compost, projet de poulailler, installation d’un goutte-à-goutte… Les sujets d’intérêt général ne manquent pas et les coordinateurs en profitent pour rappeler qu’ils sont débordés, qu’un peu plus d’implication des membres et une meilleure répartition des tâches seraient nécessaires. Message reçu, semble-t-il.
    Et c’est, dira-t-on, l’ordinaire de la vie associative. On ne vient pas dans le groupe uniquement pour le bon air, chacun doit pouvoir jouer « collectif », et il faut régulièrement resserrer les rangs, rappeler l’objectif. Telle est la rançon du succès. Les premiers permaculteurs algériens sont submergés par l’ampleur des tâches, car tout est encore à faire, tout est passionnant, mais demande une mobilisation permanente.
    On en a une idée à l’occasion d’une formation, organisée le lendemain, qui s’adresse aux curieux et aux nouveaux membres. Le menu est abondant, il s’agit de poser les principes de la permaculture, qui n’est pas qu’une culture potagère sans pesticides. Elle est une attitude globale de respect de la nature, de ses rythmes et de ses interactions. Ou comment devenir un producteur-consommateur actif, dans cette activité agricole vouée à la consommation familiale et au mieux-vivre de chacun.
    Retraités comme actifs, venus d’horizons très divers - enseignants, informaticiens, biologistes… -, agriculteurs séduits ou famille déjà convaincue, les participants appartiennent à cette classe moyenne algérienne cultivée, décidée à ne pas céder comme tant d’autres au défaitisme, curieuse, entreprenante.

    Les recettes de la permaculture
    Une dimension intrigue fort les participants, l’association des cultures. Il s’agit par ce procédé classique de la permaculture d’aider la nature à combattre, par elle-même, les parasites ou l’épuisement du sol, en associant des légumes (ou même des fleurs) qui s’épaulent les uns les autres, se complètent, s’enrichissent, s’équilibrent.
    Et puis, il y a le paillage, qui permet aux parcelles cultivées de renouveler leur humus et d’épargner la consommation en eau. Il y a aussi les engrais naturels, qui ont également une fonction d’élimination des nuisibles, tels le purin d’ortie ou le purin de tomate. Bref, tout un retour à la nature, fondé sur une compréhension désormais scientifique des pratiques ancestrales, qui a la vertu d’ouvrir des horizons insoupçonnés. Les stagiaires sont fatigués, mais enthousiastes.
    Ce matin-là, la formation a eu pour cadre un tout nouveau lieu créé à Zéralda. C’est une ferme-école, entièrement construite en matériaux de récupération, où l’on voit des ouvriers africains préparer les derniers bardages de bois qui iront tapisser les chalets, distribués autour d’une vaste cour, et voués aux activités à venir. On visite une unité de germination pour l’orge, un poulailler. Un dindon passe en gloussant.
    Et l’on se dit que voilà un nouveau partenaire, engagé, stimulant, pour une association qui a décidé de « faire bouger les choses ».

    Chiffres-clés de l’agroécologie
    43,7 millions d’ha : surface mondiale cultivée en bio, fin 2014 (0,99 % de l’ensemble du territoire agricole de 172 pays enquêtés.)
    Près de 2,3 millions d’exploitations agricoles certifiées bio (2014)2014.
    87 pays s’étaient dotés d’une réglementation pour l’agriculture biologique en 2015.
    Le marché bio mondial était estimé à 82,6 milliards $ (68,0 milliards d’euros) en 2014.
    268 665 exploitations agricoles cultivaient plus de 11,2 millions d’hectares selon le mode biologique dans l’Union européenne (2015) représentant 6,2 % de la Surface Agricole Utile (SAU) européenne.
    Le marché bio de l’Union européenne a atteint 25,5 milliards € en 2014.
    68% du marché bio était concentré dans 4 pays : Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni.
    7 milliards d’euros : c’est le chiffre d’affaires du marché français du bio
    97,2% des échantillons prélevés sur les étals européens présentent des résidus de pesticides (en dessous des normes)
    Sources : L’Agence Bio, Journal de l’environnement (France)
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Nadia Guessaïbia, maître de conférences à la faculté de biologie et de médecine à l’université Saâd-Dahleb : « 70% de notre alimentation en Algérie est importée »
    Écrit par Meriem Kaci



    Nadia Guessaïbia est généticienne de formation et maître de conférences à la faculté de biologie et de médecine à l’université Saâd-Dahleb de Blida. Outre ses travaux d’enseignement et de recherches, elle porte un regard attentif aux questions de l’agriculture et de l’alimentation ainsi qu’aux nouveaux comportements de nutrition et de consommation dans notre pays.

    Reporters : En Algérie, le discours sur la consommation des produits de la terre s’accompagne aussi, et de plus en plus, du vocable « bio ». Qu’est-ce qu’un produit « bio » ?

    Nadia Guessaïbia : Un produit «bio» est par définition un produit biologique naturel. Il n’est pas modifié génétiquement, ce n’est donc pas un OGM (organisme génétiquement modifié), un critère fondamental, celui-là. Mais ce n’est pas le seul. Un produit «bio» doit être également de saison et cultivé sans aucun traitement chimique. Sans recours à l’herbicide et à l’insecticide… De manière générale, la définition qu’on peut donner à l’agriculture biologique est celle d’un mode de production, dont l’originalité et la particularité sont dans le recours à des pratiques culturales et d’élevages soucieux du respect des équilibres naturels. On peut relever également que ces pratiques visent à éviter les contaminations provenant d’autres cultures par l’aménagement de parcelles isolées et bien identifiées, par des moyens de récolte et de stockage séparés. Pour l’élevage, l’alimentation des animaux doit se faire par des produits végétaux issus de l’agriculture biologique, obtenus sur l’exploitation même, la limitation des traitements avec des médicaments vétérinaires, etc.

    On parle de l’usage devenu fréquent du terme « bio » dans notre pays. Existe-t-il aujourd’hui une culture « bio » en Algérie ?

    Il existe des tentatives de culture « bio » mais elles ne sont pas nombreuses. Il faut savoir que 70% de notre alimentation en Algérie est importée. Dans notre pays, l’agriculture n’est pas un secteur performant et il est loin d’être cette industrie qu’on retrouve dans les pays occidentaux et dont on consomme de plus en plus de produits. Ceci, d’une part. D’autre part, les agriculteurs algériens sont devenus dépendants des semences commercialisées par les grandes firmes internationales, qui sont en fait des semences hybrides, et donc stériles, et ce, dans le but de garder le monopole sur le marché mondial. Par voie de conséquence, si on continue dans ce sens, on n’arrivera jamais à l’autosuffisance alimentaire dont on parle souvent. Il en est de même pour les viandes blanches, comme le poulet ou la dinde, qui sont produits localement, mais à partir d’intrants entièrement importés, comme le soja ou le maïs, qui sont majoritairement OGM. De plus, l’utilisation intensive, pendant l’élevage d’antibiotiques, de métabolisants et d’hormones, qui se retrouvent par la suite dans la viande et les œufs consommés, a forcément des conséquences directes sur notre santé.

    Quid des céréales ?

    En ce qui concerne les céréales, l’Algérie se retrouve au premier rang mondial de l’importation de blé, qui sert essentiellement à la fabrication du pain blanc raffiné, des gâteaux, du couscous, etc. Les importations des céréales proviennent en majorité des grands pays producteurs, comme la France ou le Canada, qui sont des pays dont l’agriculture utilise le plus d’engrais chimiques et pesticides au monde. Pour ce qui est des graines oléagineuses qui vont servir pour faire des huiles de tournesol, d’arachide, de colza ou de soja, elles sont probablement toutes OGM et/ou produites grâce à l’agriculture chimique. Nos besoins en céréales ne sont couverts qu’à environ 25% par la production locale, car très dépendante de la pluviométrie.

    In fine, à vous écouter, ce que nous mangeons actuellement n’est pas dépourvu de risques et de facteurs de maladie. Alors, que faire ?

    Le changement du mode de consommation de l’Algérien a permis un risque certain sur sa santé. Ainsi, des pathologies comme le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, ou différents types de cancer, qui existaient chez nous de façon minoritaire, ont vu leur incidence décupler ces dernières années. Les Algériens devraient désormais revenir vers le régime méditerranéen, qui a caractérisé nos ascendants pendant des générations, grâce aux produits du terroir. Ce qui leur a permis de vivre une vie saine et de qualité, car la nutrition est un déterminant majeur de la santé d’une population.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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