Introduction de Salim Benkhedda
Nous assistons actuellement à une campagne inexpliquée de dénigrement du congrès de la Soummam et de ses organisateurs. Certains présentant ce congrès comme une rupture voir une trahison des principes de la révolution de novembre d’autres sombrant dans des considérations d’ordre idéologique imaginaires et parfois frisant le régionalisme primaire de bas étage. Beaucoup reprennent sans le savoir les arguments de la propagande des services égyptiens, qui à l’époque voulaient à tout prix imposer une direction du FLN inféodée au Rais egyptien et à sa politique. Chose que la Direction du FLN a toujours refusé. J’ai retrouvé dans mes archives une réflexion du père Rahimahou Allah sur le congrès que je vous livre en plusieurs parties….
================================================== ===
Réflexions sur le Congrès de la Soummam
Benyoucef BEN KHEDDA
Rappelons brièvement le contexte historique de l’époque.
Rappel historique
On sait que l’insurrection algérienne a été déclenchée par les éléments du CRUA (Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action) tous issus de l’OS (Organisation Spéciale) branche armée du PPA-MTLD, à la suite de l’éclatement de la direction de ce parti en deux factions : Comité central et Messali.
La direction de la Révolution passe alors aux «6» du CRUA qui sort au grand jour le 1er Novembre 1954 sous l’appellation du FLN (Front de libération nationale).
Le partage des responsabilités entre eux, après leur réunion du 23 octobre 1954 à Bologhine (ex-Saint-Eugène), s’était fait ainsi :
Zone 1, Aurès-Némencha, Mustapha Ben Boulaïd,
Zone 2, Nord-Constantinois, Mourad Didouche,
Zone 3, Kabylie, Belkacem Krim,
Zone 4, Algérois, Rabah Bitat,
Zone 5, Oranie, Mohammed Larbi Ben M’hidi.
(Les zones seront remplacées par les wilayate après le Con-grès de la Soummam).
Quant à Boudiaf, désigné par ses pairs «coordonnateur», il s’envole pour le Caire porteur de la Proclamation du 1er Novembre 1954 qui sera lue sur les ondes de Sawt-El-Arab, la Radio du Caire, dans la nuit du 31 octobre au 1er Novembre 1954 par Ben Bella.
Ben Bella, Aït Ahmed et Khider, établis dans la capitale égyptienne où ils représentaient la délégation extérieure du PPA-MTLD avaient entre-temps opté pour le CRUA et avec les «6» ils constituaient à «9» la première direction du FLN.
Avant de se séparer à Bologhine, les premiers s’étaient donnés rendez-vous au 12 janvier 1955 pour faire le point de la situation, malheureusement les événements surgis de la guerre ne leur ont pas permis de se rencontrer.
Didouche meurt le 12 janvier dans un combat face à l’ennemi.
Ben Boulaïd est arrêté le 12 février 1955 à la frontière tuniso-libyenne, en se rendant au Caire afin d’activer l’entrée des armes promises.
Boudiaf et Ben M’hidi se déplacent entre le Maroc et l’Egypte en vue de prospecter les armes et organiser leur acheminement en Algérie.
Abbane libéré le…janvier 1955, après 6 ans de détention, regagne son village natal, où il est rejoint par Krim et Ouamrane.
Bitat est arrêté le…mars 1955. Ouamrane lui succède à la tête de la zone 4 et confie, en accord avec Krim, la responsabilité d’Alger à Abbane.
Le PCA (Parti communiste algérien) a éclaté, à cause de sa composition mixte formée d’Européens et de Musulmans et de sa sujétion au PCF (Parti communiste français) allié au parti socialiste de la SFIO au sein du Front républicain qui votera la loi sur «les pouvoirs spéciaux» destinés à renforcer l’armée de répression en Algérie. Le PCA sortira discrédité aux yeux des masses algériennes.
Les messalistes sont majoritaires en France où une lutte sanglante et meurtrière est engagée entre leur parti : le MNA et le FLN, dont l’enjeu est l’émigration algérienne forte de 300 000 et d’où ils envoient fonds et instructions à leurs maquis, actifs en Kabylie, au Sud et à Alger-ville.
Mais le gros problème demeure la minorité européenne, forte d’un million d’habitants (sur 10) qui ont fait de l’Algérie une colonie de peuplement et où ils tiennent les leviers de commande. La Révolution grandissante inquiète ce bloc raciste et colonialiste qui commence à se fissurer. Des individus et des groupuscules appartenant aux trois confessions catholique, protestante et juive (catholique surtout), émus par les massacres des civils musulmans prennent position contre la répression. Cependant, la grande majorité fait confiance à l’armée et au gouvernement de Paris.
Sur le plan politique
En dehors des tracts et des communiqués paraissant occasionnellement, le FLN n’avait pas de journal pour s’affirmer sur le plan public, faire connaître ses positions politiques, relater les exploits de l’ALN, les massacres et tortures de la police et de l’armée françaises.
Il y avait un vide syndical dû à la faillite de la CGT (Confédération générale des travailleurs) d’obédience communiste.
Les étudiants et les quelques intellectuels qui avaient adhéré au Front posaient déjà des questions d’ordre idéologique : nature de l’Etat algérien indépendant, réforme agraire, problèmes sociaux, etc.
Abbane créa alors une commission dont le résultat se traduira dans le Projet de la «Plate-forme de la Soummam». Parallèlement se poursuivait grâce à un noyau de militants d’Alger l’encadrement de la population, dans une infrastructure spécifique : la zone autonome d’Alger avec deux volets politique et militaire.
Sur le plan militaire
Les maquis avaient fini par faire leur jonction. Cependant des conflits frontaliers éclataient à l’exemple de la zone 2 s’opposant à la base de l’Est pour le contrôle de la bande frontalière.
Dépassements, encadrement déficient, structures différentes d’une zone à l’autre caractérisaient l’ALN. Son extension dépendait étroitement de l’armement et les promesses faites à l’extérieur ne se réalisaient pas. Les armes manquaient terriblement. Ce fut la cause principale de l’arrestation de Ben Boulaid, et c’est pour armer les djounoud que Zighoud Youcef lança sa fameuse opération du 20 août 1955.
En France
En France l’Algérie est devenue la première préoccupation du gouvernement et de l’opinion publique.
En mars 1956, le Front républicain socialo-communiste a remporté les élections législatives et Guy Mollet, chef de la SFIO, est porté au pouvoir. Grâce aux «pouvoirs spéciaux» qui lui furent votés par la nouvelle assemblée, le gouvernement de gauche augmente le potentiel de son armée. De 200 000 hommes en 1956, l’effectif de cette dernière va s’élever à 400 000. En même temps, Guy Mollet lance son triptyque : cessez-le-feu, élections, négociations. Son idée était d’obtenir la reddition de l’ALN. Après quoi, il organiserait des élections en vue de dégager des «élus» avec lesquels il «négocierait». Un moyen d’imposer une solution militaire.
Pour le FLN, il n’y avait pas d’autres perspectives que la guerre.
Sur le plan international
A l’ONU, lors de la 10e session, les délégués arabes ont tenté d’inscrire la «question algérienne» à l’ordre du jour. Elle a été repoussée par la majorité acquise à la France et ses alliés.
L’attitude des gouvernements arabes, bien que favorable à l’Algérie, particulièrement de l’Egypte, est sujette à des fluctuations sous la pression de la France qui monnaie l’aide économique et financière. Le porte-parole du FLN à la radio Sawt el Arab, libre jusque là, est censuré. Le danger est grand de voir la Révolution algérienne instrumentalisée par Djamel AbdEnnasser qui jouit d’un immense prestige auprès des masses arabes du Golfe à l’Atlantique.
Le colonel Fethi Dhib, chef des services spéciaux égyptiens, manœuvre dans ses rapports avec les membres de la délégation extérieure où il privilégie Ben Bella s’ingérant directement dans les affaires du groupe, créant animosité et disputes entre eux.
Un gros problème se posait à la direction du FLN partagée entre Alger et le Caire, celui des positions officielles devant tel ou tel événement, telle ou telle question pesant sur le cours de la Révolution : ainsi l’ouverture des négociations qui pouvaient ébranler la cohésion politique du FLN et semer la division, cette maladie mortelle des révolutions. Jusqu’ici, l’identité de formation des dirigeants issus tous du même parti : le PPA-MTLD, avait empêché l’éclatement. Mais le danger pouvait survenir devant les initiatives de la France.
Déjà des dissonances apparaissaient entre Abbane qui affirmait : «Pas de négociations sans la reconnaissance préalable par la France de l’indépendance algérienne», pendant que de son côté Khider au Caire parlait d’«Assemblée nationale constituante».
La France ne se privait pas d’exploiter ces contradictions. Et quand les journalistes posaient aux officiels français la question des «négociations», ceux-ci répondaient invariablement «Avec qui ? », et parlaient de «fait national algérien», de «table ronde» destinée en réalité à noyer le FLN dans un magma de partis sans représentativité : MNA, PCA et autres formations et personnalités musulmans et européens.
S’il existait des commandements à l’échelle zonale, si au Caire la délégation extérieure assurait avec plus ou moins de bonheur la représentation du FLN, par contre il n’existait pas une direction centrale coordonnant les activités du FLN, politiques et militaires, nationales et internationales constituant une autorité en mesure de se poser en interlocuteur valable vis à vis de l’adversaire, porte-parole de la Révolution et du peuple algérien.
A un moment donné il fut question d’une direction de «12» membres : six de l’intérieur (Ben Boulaïd, Zighoud, Krim, Bitat, Abbane, Ouamrane) et six de l’extérieur (Ben M’hidi, Ben Bella, Aït Ahmed, Khider, Debbaghine, Boudiaf).
Un des sujets de discorde qui ne cessait de tendre les rapports entre Alger et Le Caire, c’était les éléments envoyés d’Alger pour représenter le FLN sur la scène internationale et qui étaient contestés par ceux du Caire : Ferhat Abbas, Tewfik El Madani, Kiouane.
Dans chaque lettre adressée au Caire, Abbane revient à la charge sur la question des armes où il parle de «carence». C’est pour tenter de régler tous ces problèmes politiques, militaires et autres et désigner la direction offi-cielle du FLN absente de la scène politique depuis 2 ans qu’Abbane finit par prendre l’initiative de s’adresser aux chefs de maquis en vue d’une rencontre. Il avait déjà l’accord de Krim (Kabylie), Ouamrane (Algérois) ; il n’arrive pas à joindre Ben Boulaïd évadé de la prison de Constantine depuis novembre 1955. A Youcef Zighoud (Nord –Constantinois) il délègue Saâd Dahlab ; et c’est ainsi que le futur négociateur d’Evian inaugure son activité diplomatique au FLN. Zighoud adhère pleinement à l’idée. Les éléments qui étaient à l’extérieur sont également touchés. Seul Ben M’hidi rentrera à Alger en mai 1956. Je ne connais pas exactement les motifs pour lesquels les membres de la délégation extérieure n’ont pas suivi l’exemple de Ben M’hidi. Ceux d’entre eux qui sont encore ne vie peuvent nous éclairer.
Nous assistons actuellement à une campagne inexpliquée de dénigrement du congrès de la Soummam et de ses organisateurs. Certains présentant ce congrès comme une rupture voir une trahison des principes de la révolution de novembre d’autres sombrant dans des considérations d’ordre idéologique imaginaires et parfois frisant le régionalisme primaire de bas étage. Beaucoup reprennent sans le savoir les arguments de la propagande des services égyptiens, qui à l’époque voulaient à tout prix imposer une direction du FLN inféodée au Rais egyptien et à sa politique. Chose que la Direction du FLN a toujours refusé. J’ai retrouvé dans mes archives une réflexion du père Rahimahou Allah sur le congrès que je vous livre en plusieurs parties….
================================================== ===
Réflexions sur le Congrès de la Soummam
Benyoucef BEN KHEDDA
Rappelons brièvement le contexte historique de l’époque.
Rappel historique
On sait que l’insurrection algérienne a été déclenchée par les éléments du CRUA (Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action) tous issus de l’OS (Organisation Spéciale) branche armée du PPA-MTLD, à la suite de l’éclatement de la direction de ce parti en deux factions : Comité central et Messali.
La direction de la Révolution passe alors aux «6» du CRUA qui sort au grand jour le 1er Novembre 1954 sous l’appellation du FLN (Front de libération nationale).
Le partage des responsabilités entre eux, après leur réunion du 23 octobre 1954 à Bologhine (ex-Saint-Eugène), s’était fait ainsi :
Zone 1, Aurès-Némencha, Mustapha Ben Boulaïd,
Zone 2, Nord-Constantinois, Mourad Didouche,
Zone 3, Kabylie, Belkacem Krim,
Zone 4, Algérois, Rabah Bitat,
Zone 5, Oranie, Mohammed Larbi Ben M’hidi.
(Les zones seront remplacées par les wilayate après le Con-grès de la Soummam).
Quant à Boudiaf, désigné par ses pairs «coordonnateur», il s’envole pour le Caire porteur de la Proclamation du 1er Novembre 1954 qui sera lue sur les ondes de Sawt-El-Arab, la Radio du Caire, dans la nuit du 31 octobre au 1er Novembre 1954 par Ben Bella.
Ben Bella, Aït Ahmed et Khider, établis dans la capitale égyptienne où ils représentaient la délégation extérieure du PPA-MTLD avaient entre-temps opté pour le CRUA et avec les «6» ils constituaient à «9» la première direction du FLN.
Avant de se séparer à Bologhine, les premiers s’étaient donnés rendez-vous au 12 janvier 1955 pour faire le point de la situation, malheureusement les événements surgis de la guerre ne leur ont pas permis de se rencontrer.
Didouche meurt le 12 janvier dans un combat face à l’ennemi.
Ben Boulaïd est arrêté le 12 février 1955 à la frontière tuniso-libyenne, en se rendant au Caire afin d’activer l’entrée des armes promises.
Boudiaf et Ben M’hidi se déplacent entre le Maroc et l’Egypte en vue de prospecter les armes et organiser leur acheminement en Algérie.
Abbane libéré le…janvier 1955, après 6 ans de détention, regagne son village natal, où il est rejoint par Krim et Ouamrane.
Bitat est arrêté le…mars 1955. Ouamrane lui succède à la tête de la zone 4 et confie, en accord avec Krim, la responsabilité d’Alger à Abbane.
Le PCA (Parti communiste algérien) a éclaté, à cause de sa composition mixte formée d’Européens et de Musulmans et de sa sujétion au PCF (Parti communiste français) allié au parti socialiste de la SFIO au sein du Front républicain qui votera la loi sur «les pouvoirs spéciaux» destinés à renforcer l’armée de répression en Algérie. Le PCA sortira discrédité aux yeux des masses algériennes.
Les messalistes sont majoritaires en France où une lutte sanglante et meurtrière est engagée entre leur parti : le MNA et le FLN, dont l’enjeu est l’émigration algérienne forte de 300 000 et d’où ils envoient fonds et instructions à leurs maquis, actifs en Kabylie, au Sud et à Alger-ville.
Mais le gros problème demeure la minorité européenne, forte d’un million d’habitants (sur 10) qui ont fait de l’Algérie une colonie de peuplement et où ils tiennent les leviers de commande. La Révolution grandissante inquiète ce bloc raciste et colonialiste qui commence à se fissurer. Des individus et des groupuscules appartenant aux trois confessions catholique, protestante et juive (catholique surtout), émus par les massacres des civils musulmans prennent position contre la répression. Cependant, la grande majorité fait confiance à l’armée et au gouvernement de Paris.
Sur le plan politique
En dehors des tracts et des communiqués paraissant occasionnellement, le FLN n’avait pas de journal pour s’affirmer sur le plan public, faire connaître ses positions politiques, relater les exploits de l’ALN, les massacres et tortures de la police et de l’armée françaises.
Il y avait un vide syndical dû à la faillite de la CGT (Confédération générale des travailleurs) d’obédience communiste.
Les étudiants et les quelques intellectuels qui avaient adhéré au Front posaient déjà des questions d’ordre idéologique : nature de l’Etat algérien indépendant, réforme agraire, problèmes sociaux, etc.
Abbane créa alors une commission dont le résultat se traduira dans le Projet de la «Plate-forme de la Soummam». Parallèlement se poursuivait grâce à un noyau de militants d’Alger l’encadrement de la population, dans une infrastructure spécifique : la zone autonome d’Alger avec deux volets politique et militaire.
Sur le plan militaire
Les maquis avaient fini par faire leur jonction. Cependant des conflits frontaliers éclataient à l’exemple de la zone 2 s’opposant à la base de l’Est pour le contrôle de la bande frontalière.
Dépassements, encadrement déficient, structures différentes d’une zone à l’autre caractérisaient l’ALN. Son extension dépendait étroitement de l’armement et les promesses faites à l’extérieur ne se réalisaient pas. Les armes manquaient terriblement. Ce fut la cause principale de l’arrestation de Ben Boulaid, et c’est pour armer les djounoud que Zighoud Youcef lança sa fameuse opération du 20 août 1955.
En France
En France l’Algérie est devenue la première préoccupation du gouvernement et de l’opinion publique.
En mars 1956, le Front républicain socialo-communiste a remporté les élections législatives et Guy Mollet, chef de la SFIO, est porté au pouvoir. Grâce aux «pouvoirs spéciaux» qui lui furent votés par la nouvelle assemblée, le gouvernement de gauche augmente le potentiel de son armée. De 200 000 hommes en 1956, l’effectif de cette dernière va s’élever à 400 000. En même temps, Guy Mollet lance son triptyque : cessez-le-feu, élections, négociations. Son idée était d’obtenir la reddition de l’ALN. Après quoi, il organiserait des élections en vue de dégager des «élus» avec lesquels il «négocierait». Un moyen d’imposer une solution militaire.
Pour le FLN, il n’y avait pas d’autres perspectives que la guerre.
Sur le plan international
A l’ONU, lors de la 10e session, les délégués arabes ont tenté d’inscrire la «question algérienne» à l’ordre du jour. Elle a été repoussée par la majorité acquise à la France et ses alliés.
L’attitude des gouvernements arabes, bien que favorable à l’Algérie, particulièrement de l’Egypte, est sujette à des fluctuations sous la pression de la France qui monnaie l’aide économique et financière. Le porte-parole du FLN à la radio Sawt el Arab, libre jusque là, est censuré. Le danger est grand de voir la Révolution algérienne instrumentalisée par Djamel AbdEnnasser qui jouit d’un immense prestige auprès des masses arabes du Golfe à l’Atlantique.
Le colonel Fethi Dhib, chef des services spéciaux égyptiens, manœuvre dans ses rapports avec les membres de la délégation extérieure où il privilégie Ben Bella s’ingérant directement dans les affaires du groupe, créant animosité et disputes entre eux.
Un gros problème se posait à la direction du FLN partagée entre Alger et le Caire, celui des positions officielles devant tel ou tel événement, telle ou telle question pesant sur le cours de la Révolution : ainsi l’ouverture des négociations qui pouvaient ébranler la cohésion politique du FLN et semer la division, cette maladie mortelle des révolutions. Jusqu’ici, l’identité de formation des dirigeants issus tous du même parti : le PPA-MTLD, avait empêché l’éclatement. Mais le danger pouvait survenir devant les initiatives de la France.
Déjà des dissonances apparaissaient entre Abbane qui affirmait : «Pas de négociations sans la reconnaissance préalable par la France de l’indépendance algérienne», pendant que de son côté Khider au Caire parlait d’«Assemblée nationale constituante».
La France ne se privait pas d’exploiter ces contradictions. Et quand les journalistes posaient aux officiels français la question des «négociations», ceux-ci répondaient invariablement «Avec qui ? », et parlaient de «fait national algérien», de «table ronde» destinée en réalité à noyer le FLN dans un magma de partis sans représentativité : MNA, PCA et autres formations et personnalités musulmans et européens.
S’il existait des commandements à l’échelle zonale, si au Caire la délégation extérieure assurait avec plus ou moins de bonheur la représentation du FLN, par contre il n’existait pas une direction centrale coordonnant les activités du FLN, politiques et militaires, nationales et internationales constituant une autorité en mesure de se poser en interlocuteur valable vis à vis de l’adversaire, porte-parole de la Révolution et du peuple algérien.
A un moment donné il fut question d’une direction de «12» membres : six de l’intérieur (Ben Boulaïd, Zighoud, Krim, Bitat, Abbane, Ouamrane) et six de l’extérieur (Ben M’hidi, Ben Bella, Aït Ahmed, Khider, Debbaghine, Boudiaf).
Un des sujets de discorde qui ne cessait de tendre les rapports entre Alger et Le Caire, c’était les éléments envoyés d’Alger pour représenter le FLN sur la scène internationale et qui étaient contestés par ceux du Caire : Ferhat Abbas, Tewfik El Madani, Kiouane.
Dans chaque lettre adressée au Caire, Abbane revient à la charge sur la question des armes où il parle de «carence». C’est pour tenter de régler tous ces problèmes politiques, militaires et autres et désigner la direction offi-cielle du FLN absente de la scène politique depuis 2 ans qu’Abbane finit par prendre l’initiative de s’adresser aux chefs de maquis en vue d’une rencontre. Il avait déjà l’accord de Krim (Kabylie), Ouamrane (Algérois) ; il n’arrive pas à joindre Ben Boulaïd évadé de la prison de Constantine depuis novembre 1955. A Youcef Zighoud (Nord –Constantinois) il délègue Saâd Dahlab ; et c’est ainsi que le futur négociateur d’Evian inaugure son activité diplomatique au FLN. Zighoud adhère pleinement à l’idée. Les éléments qui étaient à l’extérieur sont également touchés. Seul Ben M’hidi rentrera à Alger en mai 1956. Je ne connais pas exactement les motifs pour lesquels les membres de la délégation extérieure n’ont pas suivi l’exemple de Ben M’hidi. Ceux d’entre eux qui sont encore ne vie peuvent nous éclairer.
Commentaire