Par Zoheir Bessa, 18 août 2017
Tebboune n’est plus depuis mardi qu’un ex-premier ministre. Pendant qu’il se reposait en France, il a été attaqué avec une rare férocité par la chaîne de TV privée En Nahar et le directeur de l’Expression, Fattani. Il a été limogé pratiquement à sa descente d’avion sur le chemin du retour à son bureau.
Les deux médias sont considérés par la plupart des commentateurs hostiles à Bouteflika comme des instruments de diffusion informelle des vues de la présidence. A travers ces deux canaux, il lui a été reproché d’avoir pris des décisions nuisibles au fameux « climat des affaires » dont l’amélioration a été inscrite depuis l’an dernier dans la Constitution.
En substance, ces mesures ont consisté à tenter d’inverser la courbe de la hausse démesurée des importations, à demander des comptes aux entreprises bénéficiaires d’avances de l’Etat pour réaliser des investissements d’infrastructures publiques dont on ne voit pas encore le jour, à reprendre les terrains publics concédés à de pseudo « investisseurs » qui les ont mis en réserve pour les revendre à de meilleurs prix au moment le plus propice, à bloquer la distribution des fermes pilotes d’Etat sur lesquelles des milieux influents ont fait main basse. Son ministre de l’Industrie a dévoilé la gigantesque escroquerie représentée par les ateliers d’assemblage de véhicules pompeusement baptisés d’usines de fabrication d’automobiles. Il avait qualifié cette opération « d’importations déguisées » dont le seul résultat est de saigner les ressources en devises de la Nation, de priver l’Etat d’importantes recettes douanières et fiscales tout en mettant sur le marché des véhicules revenant plus cher que s’ils avaient été importés. Tebboune a été sommé de cesser de distiller à la presse des informations discréditant les « milieux d’affaires ».
On lui reproche en particulier d’avoir divulgué les pratiques frauduleuses d’un gros minotier de l’est. Il s’agit certainement de Benamor, un nouveau magnat de l’agro-alimentaire basé sur les importations. Ce héros des écrivaillons ultra-libéraux excelle dans l’ « art » de la surfacturation des matières importées, grâce à quoi il s’est notamment payé en Italie un yacht pour la « petite » somme de 10 millions d’euros. L’annonce de l’installation d’une commission chargée de plancher sur l’exportation de biens contenant des produits subventionnés au sein des exportateurs de pâtes et de semoule, de boissons et de divers autres produits.
Selon En Nahar, Tebboune avait été également mis en demeure de débloquer l’enlèvement des marchandises touchées par les mesures de contingentement des importations.
Bref un procès a été instruit contre lui pour crime contre la liberté de piller sans vergogne les ressources du pays.
Tebboune était jusque-là connu pour son allégeance totale à Bouteflika. Il ne faut pas oublier qu’il a mobilisé toutes les zaouiates du sud-est du pays en faveur du 2e mandat présidentiel en 2004. Il faisait figure de chouchou du chef de l’Etat qui l’a décoré l’an dernier de l’ordre du mérite national.
Pour se démarquer de façon spectaculaire des « forces de l’argent » dont la séparation d’avec la politique a été inscrite dans son programme, il avait prié le président du Forum des chefs d’entreprises d’éviter de se faire filmer par les journalistes en sa compagnie lors d’une remise de diplômes au siège de l’Ecole supérieure de la Sécurité sociale, le 15 juillet dernier. Une escarmouche dont les journaux en mal de scoop ont fait leur choux gras exacerbant ainsi les querelles de clans et alimentant des commentaires interminables sur le sens de ce geste sans précédent.
Sidi Saïd, SG du syndicat du pouvoir avait volé au secours du « patron des patrons ». L’UGTA est un syndicat de collaboration de classe dont la mission est d’étouffer les grèves ou de dorloter les travailleurs. Mais de là à se coaliser avec le patronat pour défendre son représentant contre le chef de l’Exécutif, c’était encore inimaginable. Il initia une réunion d’urgence avec les représentants des organisations patronales. Elle est sanctionnée par un appel commun à Bouteflika pour qu’il fasse rentrer dans le rang son premier ministre invoquant l’impératif de la préservation du consensus national.
Quelques jours après, le 30 juillet Tebboune avait tenu, lors de la fugace tripartie gouvernement-patronat-UGTA, à réaffirmer avec force qu’il appliquait une politique soutenue par le chef de l’Etat. Celui-ci l’a mandé, avait-il précisé, pour empêcher coûte que coûte l’Algérie de se laisser happer de nouveau par la spirale infernale de l’endettement. Ce qui implique logiquement, en l’absence de redécollage de l’industrie, la diminution ou l’arrêt des importations du superflu et le contrôle de l’utilisation de l’argent public.
Tout le parcours de Tebboune a été celui d’un haut fonctionnaire, puis de wali, sans éclat particulier avant de faire valoir ses droits à la retraite en 1992 ce qu’il lui avait permis d’éviter de s’impliquer dans la lutte contre les forces de l’obscurantisme. C’est avec le retour de Bouteflika aux affaires qu’il refait surface en tant que ministre de l’Habitat.
En qualité de chef du gouvernement, nommé il y a moins de 90 jours, il a dû probablement se faire l’interprète d’un courant arrivé à la conviction que le pouvoir ne peut faire admettre par les masses populaires de supporter le poids principal de l’austérité sans d’abord s’attaquer aux symboles de l’enrichissement insultant surgis du néant ces dernières décennies. Le chef du FCE, Ali Haddad fait partie de ces figures vomies pour leur ascension vertigineuses au sommet de la richesse grâce au gros coup de pouce du pouvoir. Sacrifier un de leur illustre représentant fait partie des mesures auxquelles n’hésitent pas à recourir certains milieux du pouvoir pour sauver les intérêts d’ensemble de la nouvelle bourgeoisie enrichiegrâce aux faveurs d’un Etat entièrement à leur disposition. C’est le « prix à payer » pour désamorcer la perspective effrayante d’une explosion sociale que provoqueront inévitablement les mesures d’austérité annoncées. Visiblement même ce prix symbolique, la bourgeoisie n’est pas prête à le consentir.
Mais, à peine esquissées, les mesures prises pour réduire les importations et stopper la fonte des réserves de change, se sont heurtées à de fortes oppositions conjuguées internes et externes. Elles ont eu pour conséquences de faire planer une menace sur les intérêts immédiats de forces colossales dans l’import, le commerce de gros, les services liés à l’import (courtiers, transitaires, transporteurs, propriétaires de hangars de stockage, etc.), la redistribution, les innombrables revendeurs facilement manipulables par les plus gros, les pseudo industriels qui ont investi dans les biscuiteries approvisionnées en intrants importés.
Tout ce beau monde a commencé à s’inquiéter. Il n’est absolument pas disposé à voir ses taux de profits diminuer ne serait-ce que d’un dixième de pour-cent.
C’est à toutes ces couches sociales parasitaires que fait allusion l’article d’En Nahar quand il évoque les rapports alarmants portés à la connaissance du chef de l’Etat sur la gestion de Tebboune.
Haddad n’est pas n’importe qui. En lui-même il ne représente pas une force de taille à se soumettre l’Etat. Il n’est que l’émanation de la volonté du pouvoir de créer d’en haut un capitalisme nourri à la « mamelle » de l’Etat, pour paraphraser le sieur Boukrouh devenu censeur du pouvoir. après en avoir été un serviteur zélé. Rappelant en passant que ce personnage méprisant le peuple qu’il qualifiait de « foultitude » ou d’ « homokhechinus » (homme obtus) avait brillé lors de son passage à la tête du ministère du Commerce aux débuts des années 2000 par son enthousiasme à se courber jusqu’à terre pour satisfaire les doléances des importateurs. Il avait exaucé les exigences les plus folles des importateurs en cheville avec l’Union européenne. Les producteurs de médicaments furent les premiers à dénoncer sa servilité.
Tebboune n’est plus depuis mardi qu’un ex-premier ministre. Pendant qu’il se reposait en France, il a été attaqué avec une rare férocité par la chaîne de TV privée En Nahar et le directeur de l’Expression, Fattani. Il a été limogé pratiquement à sa descente d’avion sur le chemin du retour à son bureau.
Les deux médias sont considérés par la plupart des commentateurs hostiles à Bouteflika comme des instruments de diffusion informelle des vues de la présidence. A travers ces deux canaux, il lui a été reproché d’avoir pris des décisions nuisibles au fameux « climat des affaires » dont l’amélioration a été inscrite depuis l’an dernier dans la Constitution.
En substance, ces mesures ont consisté à tenter d’inverser la courbe de la hausse démesurée des importations, à demander des comptes aux entreprises bénéficiaires d’avances de l’Etat pour réaliser des investissements d’infrastructures publiques dont on ne voit pas encore le jour, à reprendre les terrains publics concédés à de pseudo « investisseurs » qui les ont mis en réserve pour les revendre à de meilleurs prix au moment le plus propice, à bloquer la distribution des fermes pilotes d’Etat sur lesquelles des milieux influents ont fait main basse. Son ministre de l’Industrie a dévoilé la gigantesque escroquerie représentée par les ateliers d’assemblage de véhicules pompeusement baptisés d’usines de fabrication d’automobiles. Il avait qualifié cette opération « d’importations déguisées » dont le seul résultat est de saigner les ressources en devises de la Nation, de priver l’Etat d’importantes recettes douanières et fiscales tout en mettant sur le marché des véhicules revenant plus cher que s’ils avaient été importés. Tebboune a été sommé de cesser de distiller à la presse des informations discréditant les « milieux d’affaires ».
On lui reproche en particulier d’avoir divulgué les pratiques frauduleuses d’un gros minotier de l’est. Il s’agit certainement de Benamor, un nouveau magnat de l’agro-alimentaire basé sur les importations. Ce héros des écrivaillons ultra-libéraux excelle dans l’ « art » de la surfacturation des matières importées, grâce à quoi il s’est notamment payé en Italie un yacht pour la « petite » somme de 10 millions d’euros. L’annonce de l’installation d’une commission chargée de plancher sur l’exportation de biens contenant des produits subventionnés au sein des exportateurs de pâtes et de semoule, de boissons et de divers autres produits.
Selon En Nahar, Tebboune avait été également mis en demeure de débloquer l’enlèvement des marchandises touchées par les mesures de contingentement des importations.
Bref un procès a été instruit contre lui pour crime contre la liberté de piller sans vergogne les ressources du pays.
Tebboune était jusque-là connu pour son allégeance totale à Bouteflika. Il ne faut pas oublier qu’il a mobilisé toutes les zaouiates du sud-est du pays en faveur du 2e mandat présidentiel en 2004. Il faisait figure de chouchou du chef de l’Etat qui l’a décoré l’an dernier de l’ordre du mérite national.
Pour se démarquer de façon spectaculaire des « forces de l’argent » dont la séparation d’avec la politique a été inscrite dans son programme, il avait prié le président du Forum des chefs d’entreprises d’éviter de se faire filmer par les journalistes en sa compagnie lors d’une remise de diplômes au siège de l’Ecole supérieure de la Sécurité sociale, le 15 juillet dernier. Une escarmouche dont les journaux en mal de scoop ont fait leur choux gras exacerbant ainsi les querelles de clans et alimentant des commentaires interminables sur le sens de ce geste sans précédent.
Sidi Saïd, SG du syndicat du pouvoir avait volé au secours du « patron des patrons ». L’UGTA est un syndicat de collaboration de classe dont la mission est d’étouffer les grèves ou de dorloter les travailleurs. Mais de là à se coaliser avec le patronat pour défendre son représentant contre le chef de l’Exécutif, c’était encore inimaginable. Il initia une réunion d’urgence avec les représentants des organisations patronales. Elle est sanctionnée par un appel commun à Bouteflika pour qu’il fasse rentrer dans le rang son premier ministre invoquant l’impératif de la préservation du consensus national.
Quelques jours après, le 30 juillet Tebboune avait tenu, lors de la fugace tripartie gouvernement-patronat-UGTA, à réaffirmer avec force qu’il appliquait une politique soutenue par le chef de l’Etat. Celui-ci l’a mandé, avait-il précisé, pour empêcher coûte que coûte l’Algérie de se laisser happer de nouveau par la spirale infernale de l’endettement. Ce qui implique logiquement, en l’absence de redécollage de l’industrie, la diminution ou l’arrêt des importations du superflu et le contrôle de l’utilisation de l’argent public.
Tout le parcours de Tebboune a été celui d’un haut fonctionnaire, puis de wali, sans éclat particulier avant de faire valoir ses droits à la retraite en 1992 ce qu’il lui avait permis d’éviter de s’impliquer dans la lutte contre les forces de l’obscurantisme. C’est avec le retour de Bouteflika aux affaires qu’il refait surface en tant que ministre de l’Habitat.
En qualité de chef du gouvernement, nommé il y a moins de 90 jours, il a dû probablement se faire l’interprète d’un courant arrivé à la conviction que le pouvoir ne peut faire admettre par les masses populaires de supporter le poids principal de l’austérité sans d’abord s’attaquer aux symboles de l’enrichissement insultant surgis du néant ces dernières décennies. Le chef du FCE, Ali Haddad fait partie de ces figures vomies pour leur ascension vertigineuses au sommet de la richesse grâce au gros coup de pouce du pouvoir. Sacrifier un de leur illustre représentant fait partie des mesures auxquelles n’hésitent pas à recourir certains milieux du pouvoir pour sauver les intérêts d’ensemble de la nouvelle bourgeoisie enrichiegrâce aux faveurs d’un Etat entièrement à leur disposition. C’est le « prix à payer » pour désamorcer la perspective effrayante d’une explosion sociale que provoqueront inévitablement les mesures d’austérité annoncées. Visiblement même ce prix symbolique, la bourgeoisie n’est pas prête à le consentir.
Mais, à peine esquissées, les mesures prises pour réduire les importations et stopper la fonte des réserves de change, se sont heurtées à de fortes oppositions conjuguées internes et externes. Elles ont eu pour conséquences de faire planer une menace sur les intérêts immédiats de forces colossales dans l’import, le commerce de gros, les services liés à l’import (courtiers, transitaires, transporteurs, propriétaires de hangars de stockage, etc.), la redistribution, les innombrables revendeurs facilement manipulables par les plus gros, les pseudo industriels qui ont investi dans les biscuiteries approvisionnées en intrants importés.
Tout ce beau monde a commencé à s’inquiéter. Il n’est absolument pas disposé à voir ses taux de profits diminuer ne serait-ce que d’un dixième de pour-cent.
C’est à toutes ces couches sociales parasitaires que fait allusion l’article d’En Nahar quand il évoque les rapports alarmants portés à la connaissance du chef de l’Etat sur la gestion de Tebboune.
Haddad n’est pas n’importe qui. En lui-même il ne représente pas une force de taille à se soumettre l’Etat. Il n’est que l’émanation de la volonté du pouvoir de créer d’en haut un capitalisme nourri à la « mamelle » de l’Etat, pour paraphraser le sieur Boukrouh devenu censeur du pouvoir. après en avoir été un serviteur zélé. Rappelant en passant que ce personnage méprisant le peuple qu’il qualifiait de « foultitude » ou d’ « homokhechinus » (homme obtus) avait brillé lors de son passage à la tête du ministère du Commerce aux débuts des années 2000 par son enthousiasme à se courber jusqu’à terre pour satisfaire les doléances des importateurs. Il avait exaucé les exigences les plus folles des importateurs en cheville avec l’Union européenne. Les producteurs de médicaments furent les premiers à dénoncer sa servilité.
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